INTERVIEW
Lait bio : « Toute la filière a manqué d’anticipation »

Christian Ville, administrateur de l’entreprise Biolait et éleveur en Isère, s'exprime sur les difficultés que traverse la filière.

Lait bio : « Toute la filière a manqué d’anticipation »
Christian Ville

Comment expliquer la « crise » actuelle que traverse Biolait ?

Christian Ville : « On subit trois phénomènes : d’abord, la régression du marché de la bio en France, qui n’est pas propre au lait. Ensuite, l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie qui ont fait grimper les coûts de la collecte et du transport. Enfin, les problèmes climatiques, qui ont aussi un impact très fort chez nos producteurs. »

À la différence d’autres groupes, vous n’avez pas de collecte conventionnelle…

C.V. : « C’est vrai. La plupart des autres opérateurs de collecte ont deux collectes, ce qui leur a permis de minimiser les baisses de prix en bio en « piochant » dans la hausse des cours du conventionnel. Nous n’avons pas eu cette possibilité, car nous sommes en 100 % bio. On ne fait pas non plus de transformation. »

Comment trouver de nouveaux débouchés, dans un contexte d’érosion de l’offre ?

C.V. : « Notre objectif est d’abord de renouveler nos contrats avec nos clients actuels, qui arrivent pour la plupart à échéance fin 2022. Or, ces renouvellements de contrats posent problème, les volumes sont parfois inférieurs, et certains clients attendent le dernier moment, ce qui engendre un manque de visibilité pour 2023. Pour l’instant, on n’a pas encore réussi à placer pour 2023 les volumes de 2022. C’est avec la GMS qu’on a les baisses de volumes les plus fortes. Globalement, les perspectives sur le marché français du bio ne sont pas meilleures pour 2023. Toutefois, nous venons de contractualiser de nouveaux marchés à l’export avec des pays d’Europe du Nord, ce qui nous a permis de placer des volumes et de limiter les déclassements. On avait prévu 30 % de déclassement en 2022, on devrait finalement terminer avec 15 à 20 %. »

Y a-t-il eu un manque d’anticipation, un excès de confiance dans la bio ?

C.V. : « Peut-être, oui. Toute la filière a manqué d’anticipation, nous comme les autres. On a eu des années de croissance continue des marchés, les pouvoirs publics et la société nous poussaient à faire du bio. »

Malgré tout, vous croyez encore en l’avenir de la filière bio ?

C.V. : « Bien sûr. C’est un moment difficile, on vit une vraie crise. Mais je crois que les enjeux environnementaux et sociétaux vont aujourd’hui dans le sens de l’agriculture bio, qui répond à de vrais besoins. Notre travail aujourd’hui est de faire reconnaître ces enjeux et de sensibiliser encore davantage les consommateurs à la bio. »

Propos recueillis par Mylène Coste