BILAN
Une campagne d’ensilage avec de fortes disparités

À l’heure du bilan, la campagne d’ensilage 2023 a été plutôt bonne. Un constat qui cache cependant de très fortes inégalités et des situations plus difficiles.

Une campagne d’ensilage avec de fortes disparités
Si la campagne d’ensilage est plutôt satisfaisante, il existe néanmoins de grandes disparités selon les secteurs. ©L. Gueneau Cniel

« On avait peur. Nous avons dû être assez présents. Et il y a eu un gros stress du côté des éleveurs. Mais finalement, à la fin de la campagne d’ensilage, on est globalement assez contents. Même s’il faut nuancer ce constat par une très forte hétérogénéité des situations. » Comme Patrick Dubois, de Rhône conseil élevage, beaucoup de spécialistes ont du mal à tirer un bilan simple de la campagne 2023 d’ensilage. Même constat du côté de Philippe

Andraud, responsable de l’encadrement à l’EDE Puy-de-Dôme Conseil élevage : « Globalement, les conditions fraîches et humides du printemps ont favorisé la pousse d’herbe, surtout en altitude. Dans les régions de plaine, les conditions ont été moins favorables avec un déficit hydrique dès cet hiver ». Toutefois, la moyenne reste bonne cette année. « En Auvergne Rhône-Alpes, nous avons récolté 10 à 15 % de plus que la moyenne. Certains, plus favorisés, ont même fait une très bonne récolte avec un tiers de plus que d’habitude », indique-t-il. Du côté du maïs, si les analyses et les rendements ne sont pas encore connus, « les résultats semblent plutôt favorables. Ce qui est bienvenu car beaucoup d’éleveurs n’avaient plus de stocks de report. 2023 va permettre de refaire des stocks », estime Philippe Andraud. « Globalement, nous sommes plutôt sur une bonne année, surtout par rapport à 2022 », confirme Patrice Dubois, qui nuance vite : « mais il y a une très forte hétérogénéité. Pour certaines zones, la campagne 2023 a été très difficile ».

De grandes disparités

Globalement, la campagne avait mal commencé avec des sols qui n’avaient pas de réserve hydrique à la suite d’un hiver très sec, manquant de précipitations. Toutefois, il y a eu des orages localisés entre mai et début août qui ont sauvé les rendements. En juillet août, en revanche, beaucoup ont souffert d’un réchauffement marqué. Les résultats d’un point de vue qualitatif sont eux aussi généralement bons « avec des taux de matière sèche se situant en moyenne entre 30 et 40 % », résume Patrice Dubois. « Il faut différencier deux catégories de parcelles de maïs fourrage, indique Philippe Andraud. D’un côté, ceux qui ont semé entre le 15 et le 20 avril, qui ont bénéficié d’une pluviométrie plutôt favorable avec des bonnes conditions de floraison. Et ceux qui ont semé tardivement, pour lesquelles les conditions de végétation ont été moins favorables et qui ont souffert des fortes chaleurs et de la sécheresse estivale, et qui ont des rendements moins importants. » « Sur un département comme le Rhône, les conditions météorologiques ont été très variables en fonction des zones géographiques, explique Patrice Dubois. Dans le nord du département (Amplepuis, vallée d’Azergues), les orages estivaux ont permis d’avoir de bons rendements et une belle qualité. En revanche, d’autres zones ont vraiment souffert, comme la vallée de la Brevenne. Ici, certains éleveurs ont semé du maïs mais n’ont rien récolté », se désole-t-il.

Beaucoup de stress

Avec des variations climatiques fortes, soudaines et très localisées, les conditions de culture et de récolte ont été difficiles. Ainsi, dès le 19 juillet, dans son bulletin de prévision des dates de récolte pour le maïs fourrage, Arvalis-Institut du végétal avertissait : « En situation de stress hydrique, le taux de matière sèche du maïs peut évoluer rapidement et cette évolution est mal prise en compte par les modèles de prévision. Il revient à chaque éleveur de vérifier l’évolution de ses maïs en observant en cœur de parcelle le gabarit des plantes, l’état du feuillage, la présence d’épis plus ou moins fécondés ». Dans ces conditions, les éleveurs ont dû redoubler de vigilance pour être en mesure de réagir vite et récolter au meilleur moment. « Il y a eu un gros stress chez les éleveurs. Nous avons été particulièrement présents pour les accompagner », souligne Patrice Dubois qui se souvient « qu’aux alentours du 20 août, certaines parcelles ont pris trois points de matière sèche en trois jours ». Pour des raisons différentes, les changements météorologiques soudains ont perturbé les récoltes d’ensilage d’herbe. Cette fois, les agriculteurs ont dû chercher à éviter les averses pour assurer la qualité de leur ensilage. « La pluie a fait que les conditions de récolte n’ont pas toujours été terribles, avec des taux de matière sèche bas et des ensilages qui ont coulé, raconte Philippe Andraud. Le fourrage a perdu en structure, avec une fibre un peu moins efficace dans le rumen. Et il y a des risques de seconde fermentation qui peuvent entraîner un développement butyrique. » Selon lui, cela concerne environ 25 % des ensilages pour lesquels il y a eu de la quantité mais des problèmes de qualité. Si les relatives bonnes récoltes de cette année ont permis de refaire des stocks et de faire retomber les tensions chez certains, des questionnements perdurent quant aux nécessaires adaptations face à des conditions climatiques difficiles et changeantes de plus en plus courantes, année après année.

Leïla Piazza