QUINZAINE DE LA TRANSMISSION-REPRISE
Le foncier : un frein à l'installation

Pauline De Deus
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En Ardèche, deux journées d'information destinées aux cédants et aux porteurs de projets en agriculture ont été organisées. De nombreuses questions ont concerné le foncier, enjeu majeur lors d'une transmission d'exploitation.

Le foncier : un frein à l'installation
Après plusieurs contacts téléphoniques, Héloïse Lafargue, candidate à l'installation avec son conjoint, a rencontré l'ingénieure de la Safer en personne à l'occasion de cette journée. ©AAA_PDeDeus

« Je devrais pouvoir partir en mai 2025 », se réjouit Léon Richard. Jeudi 7 décembre, cet éleveur de brebis a profité de la journée organisée par la chambre d'agriculture à Peaugres pour rencontrer la MSA et s'informer sur ses droits à la retraite. Dans son cas, la transmission n'est pas un frein. « Je loue une ferme communale au Monestier, explique-t-il. Mais bien sûr, j'ai envie qu'il y ait une reprise. J'ai remis les pâturages au propre, j'ai clôturé... Ça m'embêterait que tout cela soit laissé à l'abandon ! » À ses côtés, Christian Nicolas acquiesce-t-il. Également futur retraité, cet arboriculteur de Félines, compte quant à lui transmettre son exploitation à son neveu dans les prochaines années.

Une journée pour tisser un réseau

Dans la grande salle de l'Entre 2, à Peaugres, une femme s'approche des deux hommes pour se présenter. Héloise Lafargue et Damien Russias habitent à Félines et cherchent tant bien que mal un terrain pour installer leurs brebis. « Il y a beaucoup d'exploitations sur le secteur, mais peu de terrain disponible », résume-t-elle. Alors que le couple a déjà commencé à acquérir une dizaine de brebis et des machines pour travailler la terre, les surfaces manquent. À terme, ils voudraient trouver une douzaine d'hectares, pour conduire un troupeau de 80 brebis élevées pour la viande. « On a fait le choix de races rustiques, des Noirs du Velay et des Solognotes. Elles peuvent valoriser tout type de fourrage et rester dehors », souligne la jeune femme.

Pour Héloise Lafargue, cette journée transmission était surtout une nouvelle occasion de se faire connaître auprès des agriculteurs et des différents acteurs de l'installation. « Nous ne sommes pas de la région et pas non plus issus d'une famille d'agriculteurs, on n'a pas vraiment de réseau », précise-t-elle. Après 6 mois de recherche, elle remarque que « les meilleures terres sont souvent vendues aux connaissances ou aux voisins qui veulent agrandir ». À moins d'avoir les moyens d'investir dans un outil conséquent. « Le ressenti qu'on a, c'est que si on n'achète pas une énorme exploitation, on n'y arrivera pas..., se désole-t-elle. Mais on n'en a ni l'utilité, ni les moyens. » Et pour le reste, les surfaces sont souvent petites et très morcelées en raison de l'urbanisation croissante du secteur.

S'adapter et persévérer

« Dans un monde parfait, on voudrait un pré fauchable, un bâtiment, des terrains attenants... Mais on réfléchit à plein de modèles... Beaucoup de choses sont possibles », relativise Héloise. Une dose d'optimisme essentielle pour persévérer dans la recherche foncière. « C'est important de rester dans cette dynamique », l'encourage Denis Jammes, conseiller transmission à la chambre d'agriculture de l'Ardèche. Pour l'heure, le compagnon d'Héloise va bientôt entrer dans une nouvelle étape du parcours d'installation, avec l'élaboration de son plan de professionnalisation personnalisé (voir encadré) et plusieurs formations. « C'est le seul axe  sur lequel on peut avancer pour le moment donc on y va... Mais pour poursuivre l'accompagnement, il faudra absolument une structure foncière », insiste Héloise.

Pauline De Deus

En Ardèche, plus de demandes que d'offres

Ingénieure foncier de la Safer, Marielle Noirot remarque une consommation masquée de foncier, y compris en nord Ardèche. Les habitats morcelés n'arrangent rien avec des acquéreurs qui cherchent à avoir de vastes terrains, sans toutefois conserver leur vocation agricole. « C'est très préoccupant », reconnaît Marielle Noirot. Face à cette réduction des espaces agricoles au profit de terrains résidentiels ou de loisirs, des porteurs de projet agricoles qui peinent à trouver des terres. « En Ardèche, l'offre manque », assure l'ingénieure. 

Les cédants peinent aussi à transmettre

Paradoxalement, les cédants peinent aussi à trouver des candidats à la reprise. « C'est souvent compliqué de faire correspondre l'offre à la demande », explique Denis Jammes, conseiller transmission à la chambre d'agriculture de l'Ardèche. Secteur géographique, structure de l'exploitation, prix... Plusieurs facteurs entrent en compte et freinent la transmission. Et le contexte financier n'arrange rien. « Même si on optimise les aides, le recours au prêt est incontournable, mais sans un bon apport, c'est compliqué. Les banques durcissent l'accès au crédit », souligne Denis Jammes.

Le PPP, passage obligé pour les futurs installés

Le plan de professionnalisation personnalisé (PPP) est une condition supplémentaire au diplôme de niveau 4 pour l’obtention de la capacité professionnelle agricole (obligatoire dans le cas d’une demande de DJA). Plus précisément, le PPP est un accompagnement individuel mené par la chambre d'agriculture et qui permet de préparer l'installation dans de bonnes conditions. Après un premier rendez-vous en point d'accueil installation, un diagnostic est réalisé pour définir le projet et ses objectifs. Le PPP est ensuite élaboré avec, au besoin, des formations ou stages pour compléter les connaissances du candidat, en cohérence avec son projet. Le système économique de la future exploitation est aussi détaillé et un accompagnement aux diverses démarches administratives est proposé (notamment pour les demandes d'aide ou l'autorisation d'exploiter les terrains). 

Une autre journée a également été organisée mardi 28 novembre à la salle polyvalente d'Alba-la-Romaine. ©DR