INSTALLATION
« J’en suis persuadé : c’est le métier que je veux faire ! »

Pauline De Deus
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Vendredi 10 novembre, l’installation de Mathieu Fraisse a été inaugurée par Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche, en présence des acteurs locaux du monde agricole. Le jeune agriculteur a rejoint l’exploitation viticole et arboricole familiale, à Saint-Jean-de-Muzols.

« J’en suis persuadé : c’est le métier que je veux faire ! »
Les organisations professionnelles agricoles ardéchoises étaient réunies à l'occasion de l'inauguration de l'installation de Mathieu Fraisse à Saint-Jean-de-Muzols. Parmi eux, le Cerfrance, la MSA ou encore le Crédit agricole. ©AAA-PDeDeus

Il y a un peu plus de 50 ans, son grand-père reprenait l’exploitation familiale. En 1993, c’était au tour de son père. Trente ans plus tard, Mathieu Fraisse suit le même chemin. Il y a quatre ans, le jeune homme de 29 ans a rejoint l’Earl Saint-Estève à Saint-Jean-de-Muzols. Après une première vie dans le bâtiment (dans le domaine de la charpente ossature bois) et plusieurs années passées devant un écran en bureau d’étude, il succombe à l’appel du grand air. « L’agriculture, c’est un joli métier. Tout me plaît : la nature, être en extérieur… Et être libre de ses choix, je crois que c’est le plus important », témoigne-t-il.

Une dominante viticole

Une liberté retrouvée auprès de ses parents, Isabelle et Olivier Fraisse, qui travaillent ensemble sur cette exploitation arboricole et viticole depuis 1996. Début 2023, Mathieu Fraisse les a rejoints comme troisième gérant de l’Earl. « J’ai la chance d’avoir des parents qui me laissent faire comme j’en ai envie. Pas de gros changements, mais il y a des choses qui sont faites un peu différemment », raconte-t-il. La métamorphose commencée il y a quelques années s’est toutefois poursuivie… L’exploitation, historiquement arboricole, a réaffirmé sa dominante viticole en faisant l’acquisition de 6 hectares de vignes supplémentaire en Crozes-Hermitage l’année dernière. Désormais, l’Earl Saint-Estève est composée de 20 ha de vigne (14 ha en Crozes-Hermitage et 6 ha en Saint-Joseph), vendue à la cave de Saint-Désirat et de 5 ha de fruits (contre 10 ha auparavant), notamment des abricots commercialisés en direct depuis 2008. « Le fruit a de l’avenir, assure Mathieu. Enfin pas la cerise, ça devient trop compliqué… Mais l’abricot, j’en ai replanté et c’est une passion ! Après, il ne faut pas se le cacher, on est dans une région qui va devenir plutôt viticole. » Une bonne dose d’optimisme, et un brin de pragmatisme, c’est la recette de Mathieu Fraisse. Et pour ce qui est des doutes, il reconnaît qu’il y en a : « Tous les jours, c’est une perpétuelle remise en question ».

Les JA : « une manière de s’ouvrir »

Un coup de ciseaux, un ruban bleu, blanc, rouge, volant au vent… Vendredi 10 novembre, l’inauguration de l’installation de Mathieu Fraisse était le symbole de cette évidence désormais inéluctable : l’ancien salarié en bureau d’étude est aujourd’hui un chef d’exploitation, pas de retour en arrière ! « J’en suis persuadé, c’est le métier que je veux faire », commente-t-il. Face à lui, une assistance composée d’une vingtaine de personnes, toutes venues pour célébrer cette étape importante dans la vie d’un jeune agriculteur. À ses côtés, Candice Cholvy, vice-présidente de Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche, et d’Anselme Basset, membre du syndicat, qui sont tous deux passés par ce même parcours, qu’ils cherchent à promouvoir. « Les installations sont de plus en plus nombreuses, il y en a eu 67 en 2022 et on aimerait qu’il y en ait encore plus en 2024. Il y a des besoins et de la place en agriculture », assure la vice-présidente JA. De la place, il y en a aussi au sein du réseau de Jeunes agriculteurs ! Mathieu Fraisse a d’ailleurs rejoint les JA dès qu’il s’est lancé dans ce projet. « Je trouve que c’est important, souligne-t-il. Ça permet de ne pas rester sur son exploitation… En faisant partie du réseau, on rencontre du monde, on voit comment ça se passe chez les autres. C’est une manière de s’ouvrir ! »

1 agriculteur sur 2 à la retraite dans 10 ans

Dans l’assistance, Fabien Clavé, responsable du service agriculture à la DDT, a profité de cette matinée pour rappeler que : « 50 % des agriculteurs veulent partir à la retraite d’ici 10 ans ». Renouveler les générations, c’est notamment l’objectif porté par le gouvernement avec le Pacte et la loi d’avenir pour l’agriculture, comme l’a souligné le représentant de la DDT. Dans le cadre de ce pacte, un fonds de garantie a d’ores et déjà été annoncé pour faciliter les prêts des nouveaux installés (voir ci-contre).

En guise de conclusion, le secrétaire général de la FDSEA a pris la parole pour féliciter cette installation et le dynamisme des nouveaux installés. « Ça veut dire que c’est un métier qui fait envie », s’est-il réjoui.

Pauline De Deus

Les installations progressent

« Quand je suis arrivé en Ardèche, il y avait entre 30 et 40 installations chaque année. Mais ces dernières années, on note une réelle progression, avec plus d’installation et beaucoup de nouvelles personnes qui arrivent dans le métier », s’est réjoui Fabien Clavé, responsable du service agriculture à la DDT de l’Ardèche. Un sentiment confirmé par les chiffres de la chambre d’agriculture de l’Ardèche. Alors qu’en 2013, seules 35 entreprises agricoles ont été créées dans le département, ces dernières années, ce chiffre se situe plutôt autour de 60 installations annuelles. Une dynamique particulièrement favorable aux zones de montagne, qui accueillent toujours plus de jeunes entreprises agricoles. La particularité des installations ardéchoises est également la part des nouveaux venus en agriculture : depuis 2019, les créations d’entreprises de personnes non-issues du milieu agricole sont plus importantes que les installations dans le cadre familial. De même, la part des femmes progressent. En Ardèche, un quart des chefs d’exploitation agricole sont aujourd’hui des femmes.

67

C’est le nombre d’installations en agriculture recensées en Ardèche en 2022, d’après la chambre d’agriculture, contre 61 installations en 2021. Au total, 32 de ces projets sont tournés vers la production animale, dont 8 ateliers ovin viande et 7 ateliers de vaches allaitantes. Les productions laitières sont les moins prisées avec une seule installation en bovin lait et une, également, en ovin lait. La filière caprine tire, toutefois, son épingle du jeu avec 7 installations en 2022 (2 en caprin lait et 5 en caprin fromager). Pour ce qui est des productions végétales, elles représentent 35 installations en 2022, principalement viticoles (11) et maraîchères (10).

2 millions d’euros pour l’installation

Dans le projet de loi de finances 2024, une mesure a été introduite pour la création d’un fonds de garantie. « C’est l’un des premiers étages de la fusée du pacte et de loi d’orientation agricole », a assuré Fabien Clavé, responsable du service agriculture à la DDT de l’Ardèche. Au total, 2 milliards d’euros seront injectés dans ce fonds, qui servira aux jeunes agriculteurs souhaitant souscrire un emprunt auprès d’une banque. Les agriculteurs déjà installés devraient également pouvoir en bénéficier, notamment pour les prêts destinés à adapter l’exploitation au changement climatique. Un décret devrait toutefois préciser les modalités de déploiement de ce fonds.

S’informer autour de l’installation

Comme chaque année, les chambres d’agriculture organisent la Quinzaine de la transmission-reprise. Pour sa 8e édition, cet événement, organisé partout en France, aura pour ambition de sensibiliser aux enjeux du renouvellement des générations agricoles et de mettre en avant les actions des chambres d’agriculture en la matière. En Ardèche, deux journées sont organisées autour de cette thématique : mardi 28 novembre à la salle polyvalente d’Alba-la-Romaine et jeudi 7 décembre à la salle de l’Entre 2 à Peaugres.