RECYCLAGE
En selles, un tour de France pour découvrir les richesses insoupçonnées de nos excrétions

Deux ingénieurs du domaine de l’eau, dont un Ardéchois, ont pris leurs vélos pour questionner le monde de l’assainissement et chercher des solutions de recyclage des urines et excréments.

En selles, un tour de France pour découvrir les richesses insoupçonnées de nos excrétions
Victor Ledoux et Nathan Prat ont parcouru la France durant 5 mois pour parler alternatives aux tout-à-l'égout et recyclage des excréments.

« Tout le monde va aux toilettes et pourtant, personne n’en parle. » C’est partant de ce constat que Victor Ledoux et Nathan Prat se sont lancés un défi un peu particulier : faire un tour de France pour parler toilettes et recyclage des excréments ! Les deux amis ont arpenté la France durant 5 mois, à la rencontre de collectivités, d’associations, d’entreprises et de chercheurs, qui réfléchissent à des alternatives aux toilettes à chasse d’eau et au tout-à-l’égout. Tirer la chasse engloutit entre 30 et 40 litres d’eau potable par jour, sans parler de la pollution des milieux aquatiques.

Des urines aux engrais

Durant leur périple, ils se sont intéressés aux initiatives de recyclage des urines et matières fécales en engrais agricoles. « Les agriculteurs s’y intéressent de plus en plus mais ce n’est pas quelque chose de nouveau, souligne Victor Ledoux. Au 19e siècle, les urines étaient très convoitées par les agriculteurs pour leur teneur en azote, notamment. Autour de Lille, les paysans allaient même en ville pour acheter leurs urines aux citadins ! »

Il poursuit : « La chambre d’agriculture d’Ile de France et l’Inrae ont mené des expérimentations sur différents engrais à base d’urine. Elles ont mis en évidence que l’urine brute contient toutefois de faibles concentrations d’azote par rapport aux engrais de synthèse. Autrement dit, il faudrait d’énormes quantités d’urine pour parvenir à des résultats équivalents en termes d’efficacité. C’est pourquoi des essais sont menés pour trouver des procédés qui permettraient d’augmenter la concentration d’azote et de donner des pouvoirs équivalents aux engrais. »

Si l’utilisation des urines en engrais est pour l’heure interdit en agriculture bio, elle est autorisée en conventionnel. Certains pays, comme la Suède, l’utilisent à grande échelle depuis des années déjà. « Dans certaines régions d’Afrique, l’utilisation des urines est très courante dans les cultures et fait même partie des recommandations de l’organisation mondiale pour la santé (OMS) », souligne Victor Ledoux.

Une solution face à la hausse du coût des intrants ?

A l’heure où la tonne d’azote a vu son prix quintupler en quelques mois, les urines pourraient constituer une alternative intéressante. « Elles contiennent aussi du potassium et du phosphore, une ressource qui se fait de plus en plus rare », souligne Victor Ledoux.

Et les matières fécales ? « Elles sont moins chargées en azote et phosphore, mais sont intéressantes pour leur apport en carbone. Cependant, elles contiennent aussi des pathogènes et donc plus de risques sanitaires. L’utilisation brute est donc exclue, mais il est possible d’en faire usage en compostage ou par la méthanisation, même si aujourd’hui, les méthaniseurs se tournent principalement vers les matières fécales des animaux d’élevage. »

Mylène Coste

Pour aller plus loin, Victor Ledoux et Nathan Prat proposent à tous ceux qui le souhaitent de découvrir leur exposition durant tout le mois de février au moulinage de Chirols, avec un temps fort et des animations le samedi 25 février. Ils participeront également au festival du film de voyage de Joyeuse, en sud Ardèche, du 17 au 21 mai 2023. Pour en savoir plus : www.enselles.fr