ARBORICULTURE
Kiwis : une campagne 2022 contrastée

Des fruits sucrés, de qualité mais souvent petits et des rendements qui ne sont pas toujours au rendez-vous... En Ardèche, la récolte de kiwis se termine avec des résultats très hétérogènes selon les zones.

Kiwis : une campagne 2022 contrastée
Arboriculteur à La Voulte-sur-Rhône, Laurent Combe a eu de bons rendements en kiwis cette année : environ 60 tonnes, sur ces 6 hectares, dont la moitié sont des vergers vieillissants.

« Chez nous le kiwi c’est fini !  » À Saint-Étienne-de-Fontbellon, Stéphane Leyronas est découragé. Cette année encore ses rendements sont minimes, à peine 2 tonnes ramassés sur une surface d'1,6 hectare. Entre la grêle, il y a deux ans, le gel en 2021 et la sécheresse de cet été, voilà plusieurs années que les kiwis ne sont plus au rendez-vous. Sans parler de la bactériose qui attaque ses vergers. « On va arracher, ça c’est sûr ! Entre la mortalité des arbres et les problèmes de ces dernières années… Il y a trop d’aléas. » 

Alors que dans les communes voisines, l'ambiance est morose, dans d'autres secteurs les producteurs louent, au contraire, une récolte salvatrice. « C'est bien mieux que l'année dernière », se félicite Rémy Grange. Sur ses 4 hectares de vergers situés en Nord-Ardèche et en Isère, il a récolté environ 60 tonnes de kiwis, contre 10 l'année dernière. Plus au sud, à la Voulte-sur-Rhône, Laurent Combe est lui aussi satisfait de sa récolte : « C'est la meilleure de tous nos fruits ! » Ce producteur de pêches, d'abricots et de pommes a pu ramasser l'équivalent d'une dizaine de tonnes de kiwis par hectare, malgré certains arbres vieillissants.

Une bonne pluie pour de jolis kiwis

Quel que soit leur rendement, tous les arboriculteurs s'accordent à le dire : les kiwis ont souffert de la chaleur. Même chez les producteurs qui n'étaient pas soumis aux restrictions d'irrigation - grâce à la nappe du Rhône -, l'arrosage n'a pas toujours été suffisant. À Saint-Just-d'Ardèche, par exemple, Christophe Guigue a senti la limite du goutte à goutte sur ses 18 hectares de vergers.

« Les kiwis ont été bloqués par les chaleurs », assure-t-il. Dans cette zone, la pluie s'est faite attendre jusqu'à la mi-septembre. « Au départ, on se disait que ça serait carrément invendable, témoigne Edith Cabello, arboricultrice quelques kilomètres plus loin. Heureusement les orages et les nuits fraîches ont reboosté les fruits. Ils sont plus jolis que prévu ! »

De beaux kiwis, avec un taux de sucre « jamais vu », d'après certains producteurs, mais des calibres souvent plus petits qu'à l'accoutumée, même avec une récolte retardée. « En moyenne, les kiwis font 80 grammes alors que d’habitude on cherche plutôt du 100 grammes », illustre Marc Dejoux, arboriculteur à Saint-Sernin. Certains, qui ont des fruits encore plus petits, pensent même ne pas pouvoir travailler avec leur coopérative ou grossiste habituels : « En principe, il faut un minimum de 65 g pour livrer à la coopérative mais là on est plutôt sur du 50 », témoigne Stéphane Leyronas, arboriculteur à Saint-Etienne-de-Fontbelon.

Pour les producteurs, le problème réside aussi dans l'habitude des consommateurs. « Il faut que les gens apprennent à manger des petits kiwis », avertit l'un. Un autre incrimine quant à lui les kiwis néo-zélandais, « c'est ce qui nous conditionne ».  De mai à octobre, la consommation des kiwis dépend en majorité des importations venues de Nouvelle-Zélande (et en moindre mesure d'Italie et du Chili). Et quand les kiwis français arrivent sur les étals au mois de novembre, ils ne bénéficient pas toujours de la comparaison...

Des coûts de production en hausse

S'il est encore tôt pour analyser précisément la dynamique du marché français, les prix semblent pour l'instant suivre la tendance haute de la campagne dernière. « Et au niveau national il manque des rendements, c'est de bon augure pour le marché », analyse Christophe Guigue, sans pouvoir s'en réjouir.

Sans compter que ces cours favorables aux producteurs, devraient surtout permettre de limiter la casse à l'heure où le prix de l'énergie explose. « Pour un kiwi, 80 % du coût de production c'est l'électricité », explique Edith Cabello. Outre l'arrosage de l'été et contre le gel, ce coût s'explique surtout par la conservation. « Le kiwi a besoin d'un frigo exprès car le gaz éthylène produit par d'autres fruits - notamment la pomme - le font murir », précise l'arboricultrice.

Face à ces contraintes, chacun essaie de s'adapter selon son volume de production et ses circuits de vente. Certains opteront plutôt pour une vente rapide aux grossistes pour limiter le stockage, même s'ils ne sont payés que plus tard. D'autres au contraire, renforceront leur travail autour des circuits courts pour pouvoir maîtriser leurs prix de vente et éviter les mauvaises surprises. La plupart, multiplient les stratégies.

« On vend à des grandes surfaces du secteur, des magasins de producteurs, au marché, et même sur l'exploitation », détaille Laurent Combe. Autour de La Voulte-sur-Rhône, cet arboriculteur cherche surtout à multiplier les points de vente sans intermédiaire. Mais avec 60 tonnes de kiwis, il n'est pas dit que le stock puisse s'écouler uniquement en circuit court. « S'il y en reste on verra avec le grossiste et la coopérative avec lesquels on travaille », conclut son père, Claude Combe.

Un fruit qui a le vent en poupe

Malgré un contexte économique incertain et une récolte mitigée, la plupart des arboriculteurs restent optimistes quant à l'avenir du kiwi en Ardèche. « Mon fils qui m'a rejoint récemment, quand il voit ça il n'est pas rassuré », confie Christophe Guigue. Et d'ajouter : « Mais c'est comme ça l'agriculture. » Lui-même, a connu un effondrement de la demande en kiwis, en 1989, l'année de son installation. Après dix années compliquées, les cours sont finalement remontés en 2000.

Depuis, malgré les aléas sanitaires et climatiques, ce fruit n'a cessé d'avoir la côte auprès des consommateurs. En moins de 50 ans, il s'est imposé dans les foyers français pour ses qualités nutritionnelles, pour ses bienfaits et bien sûr pour son goût succulant. « C'est un fruit qui a de l'avenir », assure Edith Cabello. « Au niveau phyto, il n'y a besoin de rien et à la fois il ne peut pas être produit partout. C'est un avantage pour être protégé de la concurrence. »

Pauline De Deus

SANITAIRE

La bactériose du kiwi inquiète

Le bactérie PSA (Pseudomonas syringae pv. Actinidiae) continue de se propager sur les vergers de kiwis ardéchois, provoquant un affaiblissement des arbres et une baisse drastique du rendement.

Entre grêle et gel, les aléas climatiques ne cessent de renforcer la présence de bactériose dans les vergers. Cet été, la sécheresse n'a rien arrangé, tuant certains arbres affaiblis par la maladie. « Dans certaines rangées il ne m'en reste plus que deux », déplore Stéphane Leyronas, arboriculteur à Saint-Étienne-de-Fontbellon.

Sur le bassin albenassien, d'autres arboriculteurs font le même constat. À Aubenas, Robert Constant, se dit démuni face à cette maladie. Lui aussi a vu sa récolte divisée par dix sur ses 3,5 hectares de vergers. À quelques kilomètres de là, à Saint-Sernin, sur environ 2,20 hectares, Marc Dejoux n'a pu récolter que 20 tonnes de kiwis. Chez lui, ce sont les vergers les plus anciens qui sont touchés par la bactériose. « Les premiers symptômes se sont manifestés il y a 3 ou 4 ans », raconte-t-il.

Une bactérie méconnue

Arrivée en France et en Ardèche au début des années 2010, cette bactérie reste encore méconnue. Si des mesures de prévention sont mises en place pour limiter les infections par les plaies de l'arbre, aucun traitement ne permet aujourd'hui de guérir les arbres touchés.

À Saint-Laurent-du-Pape, Sylvain Laprat en sait quelque chose. Depuis qu'il s'est installé, en 2017, il n'a pas connu une seule bonne récolte de kiwis. « Sur les parcelles touchées par la bactériose on n'arrive pas à relancer la production », témoigne-t-il. Traitement au cuivre deux à trois fois par an, taille, désinfection des outils... Malgré ses tentatives, l'arboriculteur n'a pour l'instant pas observé d'amélioration sur ses vergers.

L'autre solution pour limiter la propagation de la maladie serait de couvrir le verger. Une protection au coût non négligeable et qui ne règle pas le problème pour les vergers déjà infectés. « La production de kiwis en Ardèche est en train de péricliter, regrette Marc Dejoux. Il y a une dégénérescence avec la bactériose. » Certains attendent des solutions du côté de la science, mais les travaux menés en Italie ne semblent, pour l'instant, pas avoir permis de trouver une souche plus résistante.

PDD