PIÉGEAGE
Des tests sur le piégeage du frelon asiatique en Drôme-Ardèche

Sophie Sabot
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Depuis 2020, les sections apicoles des GDS de la Drôme et de l'Ardèche ont lancé avec différents partenaires* une série d’essais pour identifier les techniques les plus efficaces pour piéger le frelon asiatique et limiter son impact sur les ruchers.

Des tests sur le piégeage du frelon asiatique en Drôme-Ardèche
L’un des objectifs des essais est de vérifier la sélectivité de différents types de piège, ici le Jabeprode. ©AD26

Identifié en France dès 2004, le frelon asiatique (vespa velutina nigrithorax) peut provoquer des dégâts énormes au sein des ruches. Espèce exotique envahissante, il capture des insectes qu’il décortique pour confectionner des boulettes riches en protéines afin de nourrir ses larves. Des chercheurs ont récemment mesuré qu’une colonie de frelons asiatiques pouvait consommer plus de 11 kg d’insectes par saison (de mars à octobre).  Les abeilles domestiques font partie de ses proies de prédilection. « Pour qu’une ruche soit mise en péril, quinze frelons asiatiques suffisent », rappelle Alain Marion, vice-président de la section apicole du GDS de la Drôme. Le prédateur capture les abeilles devant la ruche. Face à la menace, celles-ci finissent par ne plus sortir et la ruche s’affaiblit. Le frelon peut ensuite entrer et finir de la décimer. « En 2020, le frelon a visité dix de mes ruches, j’en ai perdu sept », témoigne Virginie Bouchet, apicultrice et technicienne sanitaire apicole qui intervient en prestation pour le GDS de la Drôme. Elle suit notamment, avec les responsables de la section, les essais de piégeage réalisés dans le département. 

Confirmer la sélectivité des pièges

Ces essais ont démarré depuis trois ans. « Notre premier objectif était de tester un type de piège, le Jabeprode, pour vérifier sa sélectivité sur le frelon asiatique et son impact réduit sur les autres insectes », explique-t-elle. Le Jabeprode est un bac, muni de deux entrées en forme de cône grillagé, dans lequel est placé un appât. « La première année, nous en avons testé trois : le jus de cirier, un mélange de bière, vin blanc et sirop de fraise, et un appât à base de surimi puis de viande crue. Nous avons finalement décidé de ne garder que les deux premiers », précise Bernard Guellard, président de la section apicole. Les frelons asiatiques peuvent entrer par la pointe du cône mais sont ensuite dans l’incapacité de retrouver la sortie. Les autres insectes peuvent par contre s’échapper par les interstices du grillage, dimensionnés pour ne pas laisser passer le prédateur. Une fois emprisonné, le frelon asiatique émet des phéromones qui vont attirer ses congénères, démultipliant ainsi l’efficacité.

Un partenariat avec la CNR

Pour mener ces essais, la section apicole a conclu un partenariat avec la compagnie nationale du Rhône (CNR). Des pièges ont été disposés sur son territoire entre La Roche-de-Glun et Charmes. Une autre partie des essais se déroule sur le site du Valentin à Bourg-lès-Valence qui héberge le rucher école du GDS de la Drôme. En 2020, les piégeages ont eu lieu uniquement à l’automne. Ils ont confirmé la bonne sélectivité du Jabeprode, notamment au travers de l’inventaire des espèces capturées réalisé par la Ligue de protection des oiseaux (LPO). En 2021, les piégeages ont démarré au printemps, au moment où les fondatrices sortent de leur hibernation pour fonder une nouvelle colonie de frelons. « Une fondatrice tuée, c’est un nid de frelons asiatiques en moins », résume Alain Marion. Le piégeage de printemps a donc un rôle préventif. Celui d’automne a pour but d’éliminer autant de frelons que possible. « D’août à novembre, nous avons pu relever jusqu’à cent-cinquante frelons par piège sur nos deux années d’essais », précisent le président et le vice-président. 

Une quarantaine de pièges suivis

Cette année, les essais se poursuivent avec toujours un piégeage au printemps et un second à l’automne. Objectif : mesurer sur le long terme leur incidence sur les populations de frelons, en gardant à l’esprit que les conditions climatiques peuvent aussi influer grandement sur l’évolution du prédateur. À noter que les travaux menés dans la Drôme ont été remarqués par l’Institut de l’abeille (Itsap) et le Museum d’histoire naturelle qui ont demandé à la section apicole du GDS de la Drôme de tester un autre type de piège arrivé récemment sur le marché. Au total, une quarantaine de pièges sont en service sur les sites suivis à Bourg-lès-Valence et sur les bords du Rhône. Toutefois, déplore Bernard Guellard, « les apiculteurs sont un peu les seuls à se préoccuper de la lutte contre le frelon asiatique ». La menace qu’il fait peser sur les populations d’abeilles mérite pourtant d’être prise au sérieux. La FAO, organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, alerte régulièrement sur le rôle des insectes pollinisateurs pour la sécurité alimentaire. Depuis cinq ans, l’ONU et la FAO ont d’ailleurs instauré le 20 mai « journée mondiale des abeilles ». L’occasion de rappeler que la lutte contre le frelon asiatique concerne bien au-delà du monde apicole. 

*FRGDS, Itsap, CNR notamment. 

Pièges non-sélectifs : à écarter

Bernard Guellard déconseille formellement l’usage de pièges bricolés avec une bouteille ou de pièges « cloche » qui n’offrent aucune sélectivité vis-à-vis du frelon asiatique et présentent, selon lui, « un vrai risque pour la biodiversité ». 

La section apicole du GDS 26 suit actuellement une quarantaine de pièges installés sur le territoire du rucher école du Valentin à Bourg-lès-Valence (photo) et sur celui de la CNR entre La Roche-de-Glun et Charmes. ©AD26