CHANGEMENT CLIMATIQUE
La chambre d’agriculture, en pole position des expérimentations

Avec plus de 300 jours par an de temps agents dédiés aux expérimentations, la chambre d’agriculture de l’Ardèche n’a pas attendu que le dérèglement climatique s’accélère pour accompagner les agriculteurs à s’adapter.

 La chambre d’agriculture, en pole position des expérimentations
Trouver des cépages résistants aux maladies (ici Mildiou), plus fréquentes en raison du changement climatique, font partie des expérimentations mises en place par la chambre d'agriculture. ©AAA

Si la chambre d’agriculture est rarement pilote des expérimentations, souvent instiguées par des Instituts techniques, grâce à ces ingénieurs, elle met tout en œuvre pour que ces essais prennent vie. Entre 15 et 20 expérimentations sont en cours ou en projet. Si elles ne concernent pas toutes le changement climatique, certaines y sont consacrées. Calcul de la résistance sécheresse des fourrages, de la résistance de certains cépages aux maladies, expérimentations sur les besoins en eau, élaboration d’un verger conservatoire ou encore d'une bibliographie recensant tous les travaux... Pas un des thèmes liés au changement climatique n’est oublié.

Lucia Latre, cheffe de service Économie et Filières à la chambre d’agriculture, suit un panel d’expérimentations innovantes et à la pointe. « Sur le châtaignier par exemple, nous faisons de la recherche fondamentale, car il y a eu peu d’expérimentations réalisées sur cette production. » Les essais Denver et Veget’eau sont en cours de réalisation. L’objectif est de tester plusieurs méthodes de diagnostic de l’état hydrique pour comparer les différentes variétés ou espèces. Denver est une expérimentation réalisée sur les espèces fruitières majeures en Auvergne-Rhône-Alpes.

Expérimentations autour des besoins en eau

« L’objectif est de calculer les besoins de l’arbre en eau », synthétise la cheffe de service Économie et Filières. « On évalue le stress hydrique des arbres, ce projet est financé par l’Agence de l’eau. » Traditionnellement, les châtaigniers ne sont pas irrigués, mais « certains commencent à mourir de sécheresse, donc le système d’irrigation devient important, surtout pour les jeunes plants. Cela pose des questions du type, dans quelle zone continuera-t-on à faire des châtaigneraies ? », interroge-t-elle. « À travers ces expériences, nous démontrons à quel moment il est pertinent d’arroser et en quelle quantité. Il faut avoir une vraie réflexion. Tant que l’on n’a pas trouvé de systèmes plus durables, l’irrigation restera une solution d’urgence », analyse Lucia Latre.

Toutes ces expérimentations ont fondamentalement un rôle à jouer pour l’agriculture de demain. « Elles apportent connaissance et savoir. Toutes les filières sont concernées par le changement climatique. De plus, cela ajoute une expertise à nos agents. »

Une communication à développer

Mais une fois constats et hypothèses validés, Lucia Latre reconnaît qu’il est parfois difficile de communiquer sur ces expérimentations : « Passer de la connaissance à la vulgarisation auprès du public cible, est parfois un peu compliqué. Il faudrait être plus disponible et créer par exemple une bibliographie. C’est un volet qui reste encore à améliorer ».

Toutefois, les journées techniques et formations sont là pour sensibiliser les agriculteurs et les guider en « rendant simple d’usage » les constats qui découlent des expérimentations. « Par exemple, les thèmes abordés peuvent être : que semer pour un couvert végétal, à quel moment broyer ? Nous avons des journées techniques sur la taille, qui repensent les pratiques ». Mais au-delà des journées techniques, le « changement des pratiques se réalise sur un temps long et qu’il est multifactoriel. La question est de savoir « comment on change les pratiques pour continuer à vivre de l’agriculture ».

Apporter du changement par l’expérimentation

Pour sensibiliser les professionnels au changement des pratiques, « il faut avoir une stratégie globale. Nous avons besoin du soutien des metteurs en marché, des coopératives, des syndicats pour toucher les agriculteurs. Pour faire évoluer les systèmes, il nous faut l’appui de la filière dans sa globalité », résume-t-elle.

S’il n’y a pas de solution parfaite, les expérimentations pour lutter contre le changement climatique, menées à la chambre d’agriculture, constituent une boîte à outils à disposition des agriculteurs, pour les inciter à changer leurs pratiques et à s’adapter.

Marine Martin

Analyser les leviers d'adaptation les plus adaptés
TROIS QUESTIONS À

Analyser les leviers d'adaptation les plus adaptés

José Guzman, conseiller agronomie et viticulture à la chambre d’agriculture de l’Ardèche suit l’expérimentation AdapTénuer, mise en place pour la viticulture en 2023.

En quoi consiste l’expérimentation AdapTénuer ?

José Guzman : « Le projet consiste à étudier des pratiques viticoles déjà mises en place, par des viticulteurs pour faire face au changement climatique. Des pratiques d’adaptation et/ou d’atténuation, et de mesure du bilan carbone que ses pratiques impliquent. En Ardèche, nous réalisons le suivi de 10 parcelles d’observation, plus une parcelle expérimentale, sur lesquelles nous trouvons plusieurs techniques différentes : engrais verts, couverts végétaux, différents types de taille, viti pastoralisme et agroforesterie. Par exemple, au domaine Olivier de Serres à Mirabel, nous effectuons le suivi d’une parcelle expérimentale où nous avons installé des filets d’ombrage, avec différentes modalités grâce à des instruments comme des sondes tensiométriques et capacitives, pour mesurer la disponibilité de l’eau. L’objectif est de savoir combien d’eau est stockée dans le sol, jusqu’à quelle profondeur et si pour la plante l’eau est facile à extraire ou non. Nous avons également un suivi de température du sol et de la température pour le feuillage ainsi que l’hygrométrie à l’intérieur du feuillage, grâce à des capteurs d’humidité. Ainsi, nous comparons les modalités avec et sans filets. »

Quel est le but ?

J.G. : « Le but est d’analyser quel est l’effet, mais aussi l’impact de ces techniques sur le développement de la vigne et sur sa résistance aux aléas climatiques. L’objectif est d’analyser quels sont les leviers d’adaptation et/ou d’atténuation les plus adaptés sur un contexte donné tout en diminuant l’impact environnemental de ses pratiques. »

Comment communiquer et inciter les agriculteurs à adapter leurs pratiques ?

J.G. : « Une fois que les expérimentations sont installées, il est important de transmettre. Une formation sur les couverts végétaux aura lieu les 28 et 29 novembre prochains. Cette formation concerne les choix de couverts végétaux à faire dans un climat méditerranéen ainsi que le mode de destruction le plus adapté, point essentiel en Ardèche pour bien gérer la concurrence hydrique. Nous allons également apporter une étude technique des sols pour que les agriculteurs puissent prendre les bonnes décisions avant et pendant l’implantation de la vigne. Une formation à ce sujet suivra d’ici 20241»

Propos recueillis par M.M.

1. 23 janvier 2024 et 2 février 2024.