CAPRIN
Caprin : tendre vers l’autonomie, l’expérience de Nicolas Revol

Installé depuis peu à Boffres en élevage caprin fromager, Nicolas Revol fait tout pour renforcer la résilience de son élevage aux aléas.

Caprin : tendre vers l’autonomie, l’expérience de Nicolas Revol
Depuis la mi-août, l'ensemble du troupeau est au pâturage. Mais plus tôt dans l'été, une partie du troupeau a dû être nourrie au bâtiment, faute d'herbe, du fait de la sécheresse.

Il a travaillé dans le bâtiment pendant cinq ans, jusqu’au jour où ses parents, Andrée et Gilles, lui ont annoncé leur désir de prendre leur retraite. « Ce n’était pas forcément dans mes plans, mais j’ai finalement décidé de reprendre la ferme, confie Nicolas Revol. J’ai travaillé sur l’exploitation durant un an comme aide familial avant de m’installer officiellement en 2020 en Gaec. » Il est rejoint dès 2021 par sa compagne, Claudine. Ensemble, ils élèvent 54 chèvres productrices de race saanen, dont le lait est transformé en picodon et fromage frais. La Ferme de Vidal a ses propres chevrettes de renouvellement ainsi que trois boucs pour la reproduction.

« D’ordinaire, les chèvres sont au pâturage de mars à octobre, explique Nicolas Revol. Mais cette année, avec la sécheresse et la canicule, on a dû garder une partie du troupeau en bâtiment et les affourager. » La première coupe de fourrage n’était pas mauvaise sur ses 6 ha de fauche (prairies naturelles et temporaires). « Contrairement à certains confrères du nord Ardèche qui ont connu de grosses pertes, j’ai réussi à avoir 80 % de ma récolte sur la première coupe. Les stocks de l’an dernier, qui était une saison exceptionnelle, pallient l'absence de deuxième coupe. Les pluies à partir de mi-août ont reverdis les pâturages, ce qui nous a permis de ressortir l'ensemble du troupeau. »

Moins d’eau, moins de lait

Cet été, le climat chaud et sec n’a pas été sans conséquences : « Le stress hydrique a engendré une baisse de la production de lait, mais aussi de sa qualité, puisque les taux butyreux et protéique ont chuté, souligne Nicolas Revol. Cela représente une perte économique. Heureusement, dès qu’on a de nouveau eu de l’eau, tout a rapidement remonté ! »

Autre difficulté : l’inflation, qui a rogné sur les marges de l’exploitation : « Tous les prix ont augmenté : la luzerne a pris 50 €/t et le coût de l’aliment a grimpé de 150 €/t ! Sachant qu’on est à environ 750 g/jour d'aliment par chèvre (250g pour un litre de lait en moyenne), ça devient difficilement supportable. C’est la raison pour laquelle je souhaite ajouter des surfaces de luzerne pour devenir autonome en fourrage. » C’est sans parler du prix des emballages et étiquettes qui a augmenté de 30 % !

Un système résilient face aux aléas

Le système d’exploitation mis en place par Nicolas Revol lui permet d’être moins vulnérable aux aléas, qu’ils soient climatiques ou économiques. Son troupeau est désaisonné, et les mises bas ont lieu en septembre / octobre. Un tiers des femelles sont en lactation longue, ce qui lui permet d’avoir du lait toute l’année.

 « Mes chèvres en lactation longue sont restées au pâturage tout l’été, dans une prairie avec des sols profonds. Avec un faible chargement, l’herbe a suffi pour les alimenter tout l’été. Les chèvres gestantes sont quant à elles restées à l’intérieur. Il a fallu les nourrir, mais nous avions suffisamment de stock. Il poursuit : Ce système nous permet d’être moins dépendant des achats de foin à l’extérieur, moins vulnérables face aux sécheresses estivales et au manque d’herbe, mais aussi à la hausse des prix, du fait d'un pic de production hivernal et d'un tarissement de fin juillet à fin septembre. »

M.C.

Le séchage en grange pour plus d'autonomie

Construit par Andrée et Gilles Revol en 1997, un bâtiment de stockage en grange permet aujourd’hui à Nicolas d’optimiser la récolte de fourrage et de stocker jusqu'à 24 t de foin. « On garde une partie du foin en vrac pour donner au troupeau l’hiver, et le reste est conservé en ballot, explique-t-il. Le séchage en grange permet de conserver toutes les qualités nutritives du foin, avec une meilleure appétence, réduisant refus. »

Il existe toutefois quelques bémols : « Pour pouvoir installer un bâtiment de séchage en grange, il faut avoir du foncier et pouvoir construire ! » Avant la construction, il est important de bien déterminer la capacité de stockage nécessaire. L’Idele conseille de prévoir 1,1 t de MS de capacité de stockage par chèvre. La manutention peut également grignoter du temps lorsqu’il faut, régulièrement, charrier le fourrage du bâtiment de stockage à la chèvrerie. « Comme les bâtiments sont proches, j’envisage de mettre en place un système qui permettrait de transporter directement le foin de l’un à l’autre avec la griffe téléscopique, sans avoir à utiliser le tracteur. »

Le séchage en grange permet de conserver toutes les qualités nutritives du foin, et de réduire les refus des chèvres avec une meilleure appétence
Le séchage en grange permet de conserver toutes les qualités nutritives du foin, et de réduire les refus des chèvres avec une meilleure appétence
 La Ferme de Vidal a ses propres chevrettes de renouvellement ainsi que trois boucs pour la reproduction.
La Ferme de Vidal a ses propres chevrettes de renouvellement ainsi que trois boucs pour la reproduction.

Quid des chevreaux ?

La question revient chaque année : que faire des chevreaux ? Alors que la filière chevreaux subit une crise continue depuis près de deux ans, Nicolas Revol s’interroge sur le devenir de ses chevreaux : « Cette année, l’engraisseur nous a déjà fait savoir qu’il ne collecterait plus jusqu’à chez nous à cause de la hausse des coûts de transport et du lait en poudre utilisé pour l’engraissement. Ce n’est pas rentable pour lui ! » Faute de solution, l’éleveur envisage de garder une partie de ses chevreaux et de les engraisser à la ferme, pour les ventes ensuite en direct. « J’ai déjà investi dans une louve pour cela. Mais je me pose quand même des questions : est-ce que j’aurai l’espace suffisant pour les garder à la ferme si je dois tous les engraisser ? »

Depuis plusieurs années déjà, la filière travaille à une meilleure valorisation de la viande caprine. La crise sanitaire a stimulé les initiatives et notamment donné corps à un projet de chevreau Label rouge porté par le syndicat caprin de la Drôme.