FORÊT-BOIS
La forêt ardéchoise et sa filière bois en transition

Avec une forêt qui représente 57 % de son territoire, l’Ardèche a le taux de boisement le plus élevé de la région. Une ressource a un fort potentiel, à condition d'initier des stratégies d’adaptation, dans un contexte de crise climatique.

La forêt ardéchoise et sa filière bois en transition
La forêt ardéchoise est composée pour moitié de résineux et pour moitié de feuillus, mais ces derniers sont peu utilisés en bois d’œuvre sur le territoire.

Aujourd'hui, dans le secteur, une double dynamique s'opère. D'un côté, une filière qui se structure. Et de l'autre, une adaptation à marche forcée dictée par le changement climatique.

Une filière d’avenir

Historiquement l'Ardèche n'est pas un département de culture forestière. Au début du XXe siècle, moins de 20 % du territoire était boisé. Exode rural, déprise agricole, politique de reboisement... La forêt a progressivement gagné du terrain.

La ressource reste toutefois peu valorisée. Seul un quart de l'accroissement forestier annuel est utilisé. Cela s’explique notamment par une mise en gestion complexe. « 90 % des forêts sont détenues par plus de 50 000 propriétaires. De petites parcelles morcelées et souvent difficile d’accès », souligne Aude Cathala, chargée de mission forêt-bois au Département de l'Ardèche.

Pourtant, entre matériau bas carbone et énergie renouvelable, le bois est de plus en plus plébiscité. « Pour répondre en local à cette demande croissante, il faudra mobiliser davantage de bois issu des massifs ardéchois », estime Aude Cathala.

Une forêt aux multiples facettes

Au-delà de son aspect productif, la forêt a aussi des bienfaits environnementaux (biodiversité, captation du carbone, qualité de l'eau, etc.) et sociaux (paysages, accueil du public, activités de loisirs). La gestion forestière sert l'ensemble de ces intérêts ainsi que la lutte contre les feux (en facilitant, par exemple, l'accès aux massifs).

Cette ressource est donc essentielle mais elle est aujourd'hui menacée. Face à un changement climatique fulgurant, les mécanismes d'adaptation naturelle des arbres s'avèrent trop lents. « Il y a urgence ! », alerte Aude Cathala. Diversification des essences, des itinéraires sylvicoles, préservation de la biodiversité et des sols… Autant de solutions à expérimenter dès à présent pour rendre les peuplements plus résilients et faire de la forêt un allié de poids pour limiter nos émissions de CO2.

Pauline De Deus

Chiffre

823

C'est le nombre d'entreprises de la filière forêt-bois en Ardèche (hors bois énergie). Elles emploient 1700 personnes et représentent un chiffre d'affaire de 187 millions d'euros.

 

Joyeuse : un nouveau collège qui valorise le bois

Joyeuse : un nouveau collège qui valorise le bois

Inauguré le 16 septembre dernier, le nouveau collège de Joyeuse et la salle multisports Vallée de la Beaume mettent en valeur le bois local.

« C’est un chantier exemplaire quant aux choix des matériaux, avec la valorisation de la filière bois », s’est félicité Matthieu Salel, vice-président du Département en charge de l’agriculture, de l’environnement et du tourisme. Et pour cause : le nouveau collège de Joyeuse dispose de murs en ossature bois, de charpente bois, de bardage en bois de sapin ou d’épicéa labellisé « Bois des territoires du Massif central ». Dans l’entrée, des œuvres artistiques sont également en bois de châtaignier local !

Ce nouveau collège de 3000 m2, pouvant accueillir 300 élèves, est également exemplaire en matière énergétique et environnementale. Largement végétalisé, il dispose d’une bonne inertie thermique et d’une chaudière à granulés. Des protections solaires ainsi qu’un système de ventilation optimisé permettent de garantir le confort d’été dans ce bâtiment. À l’extérieur, des espace verts accueillent une diversité d’espèces d’arbres ! « Avec ce chantier de 15 M€, le Département a affirmé son soutien à l’économie locale avec l’intervention de nombreuses entreprises régionales », a salué Olivier Amrane.

Mylène Coste

« La forêt a besoin d’entretien pour se régénérer »

Les 5e Assises drômardéchoises de la filière forêt-bois ont eu lieu le 7 octobre dernier à Upie, dans la Drôme. Matthieu Salel, vice-président du Département en charge de l'agriculture, de l'environnement et du tourisme revient sur les sujets évoqués lors de cet événement.

Quels ont été les grands axes de ces Assises ?

Matthieu Salel : « L’impact du changement climatique et les adaptations possibles étaient les principales thématiques. D’autres sujets ont également été évoqués par les intervenants tels que la disponibilité de la ressource ou l’acceptabilité sociétale de l’exploitation de la forêt. »

Est-ce que cette acceptabilité fait débat aujourd’hui en Ardèche ?

M.S. : « C’est un vrai sujet. Il y a des possibilités d’exploitation en Ardèche mais un certain nombre de personnes le voit d’un mauvais œil. Pourtant la forêt a besoin d’entretien pour se régénérer. Il faut faire de la pédagogie… L’exploitation avoisine les 20-25 % de la croissance annuelle de la forêt, il faudrait peut-être passer à 30-35 % pour répondre à nos besoins. Il faut être clair : si on encourage à une conversion vers le bois, en circuit court, il faudra disposer de volumes plus conséquents localement ! »

Quelles politiques départementales pour soutenir la filière ?

M.S. : « On attend le plan régional pour établir notre stratégie. On va continuer de soutenir le regroupement foncier, on pourrait aussi accompagner les porteurs de projets qui vont dans le sens des besoins locaux. Pas forcément financièrement mais en étant des facilitateurs de projets. Aujourd’hui le budget annuel départemental consacré à la politique forêt-bois est de l’ordre de 2 millions d’euros. Un budget qui finance notamment notre unité de forestiers-sapeurs dont on veut aussi conforter le rôle et la mission. »

Propos recueillis par Pauline De Deus

L’ONF teste des îlots d’avenir

Les îlots d’avenir expérimentent de nouvelles essences ou provenances d’arbres susceptibles de présenter une meilleure adaptation aux évolutions climatiques. Ces tests concernent de petites parcelles d’un demi à cinq hectares, en forêts domaniales ou communales. Début 2020, une dizaine d’îlots étaient en cours d’installation en Auvergne-Rhône-Alpes. Parmi les premiers îlots, plusieurs concernent la forêt domaniale de Mazan l’Abbaye en Ardèche, peuplée en grande partie de sapins pectinés. Selon l’ONF, il semblerait intéressant que cette espèce locale s'hybride avec un sapin méditerranéen comme le Bornmüller (originaire de Turquie) pour renforcer sa capacité de résistance à la sécheresse. Le Bornmüller a également été introduit dans le Vercors et la Chartreuse, ainsi que le Cèdre de l’Atlas et différentes provenances de Douglas. Des essais sont également en cours avec l’implantation de pin pignon dans les Baronnies.

Sophie Sabot