OLÉICULTURE
« Promouvoir la filière oléicole ardéchoise »

Propos recueillis par Marin du Couëdic 
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Récolte, changement climatique, subventions régionales, concurrence… Le point sur l’actualité de la filière oléicole départementale avec Jean-Noël Berneau, président du Syndicat des oléiculteurs de l’Ardèche méridionale.

« Promouvoir la filière oléicole ardéchoise »
Jean-Noël Berneau.

Quel bilan tirez-vous de la campagne 2021-2022 pour l’olive ardéchoise ?

Jean-Noël Berneau : « Cette année, nous avons eu une jolie production. D’autant plus jolie que la maturation des olives s’est faite dans de bonnes conditions climatiques : il n’y a pas eu de gel important ni trop de piqûres de mouche. Les olives ont mûri doucement grâce à des températures clémentes, qui ont donné des huiles de bonne qualité, aux saveurs assez douces. Les rendements ont été convenables voire exceptionnels en fin de campagne, atteignant 3,5 kg par litre d’huile. Il est difficile d’estimer un volume de production global en Ardèche pour le moment mais le résultat de la campagne devrait être meilleur que celui des deux dernières années, après une récolte 2019 catastrophique et une campagne 2020 marquée par de fortes disparités. »

Comment la filière évolue-t-elle depuis le plan de rénovation entamé dans les années 2000 ?

J-N.B : « Nous connaissons une certaine stagnation puisque les volumes escomptés avec le plan de rénovation ne sont pas forcément au rendez-vous, du fait des aléas climatiques. Nous n’avons plus connu de très belle récolte depuis un moment. Nous observons malgré tout quelques plantations, notamment à proximité de la vallée du Rhône. Les plantations récentes sont plutôt le fait de viticulteurs qui souhaitent se diversifier. Depuis les années 2000, nous pouvons toutefois nous réjouir de l’augmentation du nombre de moulins, qui sont passés de deux ou trois à une quinzaine en Ardèche, et d’une surface qui atteint aujourd’hui 600 hectares d’oliviers en production dans le département, avec des arbres en bonne qualité sanitaire et majoritairement de variétés locales. »

Comment faire face à la concurrence, notamment européenne ?

J-N.B : « Sur notre territoire, les coûts de production ne sont pas souvent pris en compte dans le prix de vente de l’huile d’olive, ce qui en fait une culture annexe voire d’amateur, avec un prix de revient de l’ordre de 30 euros le litre. Nous ne sommes pas distribués sur les grandes surfaces, à quelques exceptions près. En France et encore davantage en Espagne, les coûts de production en culture intensive sont bas et pourraient venir concurrencer notre production traditionnelle. Au syndicat, nous estimons que la seule chance de maintenir notre production, c’est de travailler sur les spécificités, avec une forte accroche locale. »

Où en est le projet d’obtention d’un signe de qualité ?

J-N.B : « Nous avons une discussion stratégique à avoir sur ce sujet. Aujourd’hui, comme la production n’a pas augmenté significativement, l’huile se vend facilement. Dans ce contexte, obtenir un signe de qualité n’est pas forcément une urgence pour les oléiculteurs. Je pense toutefois que nous ne devons pas abandonner cette perspective et continuer le travail vers une IGP, en englobant toutes les variétés présentes sur le territoire, ou en AOP avec les oléiculteurs du Gard, avec qui nous sommes en contact. »

Quelle place pour l’olive ardéchoise dans le plan régional fruits ?

J-N.B : « Dans le cadre de ce plan, qui va être mis en application pour les trois prochaines années, nous avons travaillé avec la Chambre d’agriculture de l’Ardèche et le Syndicat des oléiculteurs de la Drôme pour obtenir des mesures visant à l’aide à la plantation d’oliviers et au développement des variétés locales. En Ardèche, nous avons souhaité flécher ces aides sur des zones remontant jusqu’à la basse vallée de l’Eyrieux, sur des altitudes inférieures à 250 mètres, et sur des variétés ardéchoises qui font l’objet d’un cahier des charges spécifiques à la marque Goûtez l’Ardèche. Nous avons aussi obtenu une aide à la restauration de vergers abandonnés, relativement modeste avec 15 hectares espérés, mais qui est à mon avis un premier pas vers la restructuration d’oliveraies abandonnées qui sont nombreuses en Ardèche. Nous avons enfin des perspectives d’aides à la commercialisation et la communication pour développer notre image de marque et pour l’établissement de diagnostic sanitaire pour la protection des vergers et faire face au changement climatique. »

Quels objectifs pour 2022 ?

J-N.B : « Le premier objectif, c’est de faire profiter les oléiculteurs de ce plan d’aides régional. Plus largement, de faire face au manque d’eau et au changement climatique. Au niveau départemental, nous souhaitons aussi développer un projet de "Route de l’olivier" en fédérant les moulins, domaines et associations patrimoniales qui le souhaitent pour promouvoir la filière olive ardéchoise à travers une communication homogène, en partenariat avec l’ADT et les Étapes savoureuses. Nous souhaitons également continuer le travail entamé avec la Chambre d’agriculture pour fédérer les oléiculteurs et leur savoir-faire mais aussi obtenir des ressources techniques. »

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Comme les autres productions, l’oléiculture ardéchoise subit de plein fouet le réchauffement climatique. En Ardèche, les producteurs d’huile d’olive sont particulièrement inquiets face à la raréfaction de la ressource en eau, inévitable dans les prochaines années. « La filière oléicole va être fortement impactée car l’olivier n’est pas spécialement prioritaire sur l'irrigation. Des arbitrages devront être menés sur cette problématique », estime Jean-Noël Berneau, président du Syndicat des oléiculteurs de l’Ardèche méridionale. En attendant, de nombreuses questions se posent pour les oléiculteurs. « Doit-on planter en plaine ou continuer à travailler sur les coteaux ? Doit-on planter en haute densité irriguée ou en verger conventionnel ? Devons-nous aller vers une IGP ou une AOP pour protéger notre production ou prioriser l’implantation de variétés étrangères ? Ce sont autant de questions stratégiques sur lesquels la filière devra se positionner », poursuit Jean-Noël Berneau.