CASTANEICULTURE
Une récolte prometteuse mais hétérogène

Marin du Couëdic
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Un peu tardive cette année, la récolte des châtaignes bat désormais son plein en Ardèche. Si le rendement s’annonce globalement similaire à celui de la saison passée, l’incertitude demeure concernant la qualité des fruits, très hétérogène selon les parcelles et les variétés. Retours tout en nuances des châtaigneraies.

Une récolte prometteuse mais hétérogène
Cécile Leroux et Alain Feynerol, castanéiculteurs depuis 2004 à Saint-Pierre-Saint-Jean, dans le sud de l'Ardèche.

À Saint-Pierre-Saint-Jean, au cœur des Cévennes d’Ardèche, la ferme des Alrassets vit au rythme des châtaignes. Depuis que les premières précoces des Vans sont tombées à la fin du mois de septembre, les pentes de cette petite exploitation située à 430 mètres d’altitude sont jonchées de précieux fruits et les paires de bras s’activent sans relâche pour tout récolter au plus vite. « Elles sont dodues et jolies cette année mais les arbres donnent moins que la saison dernière », observe Cécile Leroux, une poignée de Comballe à la main. « Nos châtaigniers ont manqué d’eau en fin d’été, au moment où il en fallait. On espère de meilleurs volumes sur les variétés tardives », complète Alain Feynerol, appliqué à « écrémer » un sceau de châtaignes pour ne conserver que les plus saines. Les deux castanéiculteurs, épaulés par leur fils Étienne et trois bénévoles venus prêter main-forte, espèrent en récolter 3 à 4 tonnes d’ici la mi-novembre. Une fois transformées, les châtaignes seront vendues en magasin de producteur, dépôt-vente ou lors d’événements festifs.

« D’habitude, tout est déjà tombé ! »

Une centaine de kilomètres plus au nord, à Boffres, les châtaignes commencent tout juste à tomber sur les filets posés au sol. « L’aperçu est assez limité pour l’instant mais les arbres ont l’air de bien se porter et sont assez chargés en termes de bogues », commente Brice Julien de la ferme du Chaléat, qui cultive trois hectares de châtaigneraie à 700 mètres d’altitude. « Ce qui tombe n’est pas forcément très gros mais on espère un rendement correct, meilleur que l’année dernière », reprend le castanéiculteur dont la voix à l’autre bout du fil est couverte par le bruit rond des châtaignes jetées dans un sceau. La saison passée, les 5 tonnes produites par la ferme avait été écoulées presque exclusivement en vente directe.

Plus au sud, à Rompon, c’est moins la quantité que la qualité sanitaire des fruits qui inquiète Firmin Brivet-Naudot, de la ferme de Tallans : « D’habitude à cette période, tout est déjà tombé ! Sur nos parcelles, les volumes sont là et le calibre est satisfaisant mais les mauvaises sont nombreuses et ne remontent pas toutes à la surface au trempage. On espère une meilleure qualité dans les jours et semaines à venir ».

« La récolte devrait être assez importante »

Conscient des inquiétudes remontées par certains castanéiculteurs, le syndicat national des producteurs de châtaignes s'attend toutefois à une saison globalement prometteuse en Ardèche. « La récolte devrait être assez importante dans l’ensemble mais très hétérogène, estime Michel Grange, président du syndicat et castanéiculteur à Lamastre. Les pertes de production sur les variétés sensibles comme la Comballe et les bogues tombées prématurément suite aux attaques de sceptoriose devraient être compensées par une bonne production sur d’autres variétés. Au centre et au sud du département, les arbres sont très chargés, notamment en Bouche rouge, c’est une belle saison qui s’annonce. »

« On peut s'attendre à de grosses différences de volume selon les variétés »

« On peut s'attendre à de grosses différences de volume selon les variétés »

SANITAIRE / La pluie pendant la floraison a causé des dégâts dans certaines châtaigneraies. Le point avec Hélina Deplaude, conseillère spécialisée châtaignes et petits fruits à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche.

« Le point d'interrogation cette saison, c'est la qualité sanitaire », signale Hélina Deplaude, conseillère spécialisée châtaignes et petits fruits à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. En cause : les fortes pluies de septembre en période de floraison ou juste post-floraison, qui ont pu accélérer la pourriture des châtaignes dans leurs bogues. Le phénomène touche des parcelles au nord comme au sud du département et inquiète certains castanéiculteurs, susceptibles d'avoir des pertes de production importantes. « C’est compliqué d’agir maintenant car la contamination est déjà là. Les mauvaises châtaignes ont une densité pas forcément éloignée d’une châtaigne saine, elles ne remontent pas forcément à la surface quand on les trempe. Les castanéiculteurs concernés peuvent seulement agir sur la conservation des châtaignes : ramasser, trier avec soin et mettre au froid au plus vite. » Sur un plan plus positif, le climat a été plutôt propice à la châtaigne, sans épisodes de sécheresse. « Sur de nombreuses châtaigneraies, la récolte est jolie, avec du calibre. Les variétés hybrides comme la Bouche de bétisier, tout est déjà tombé, avec un bon volume. Au final, on peut s'attendre à une saison satisfaisante mais avec de grosses différentes de volumes selon les variétés. Avec moins de Comballe, extrêmement sensible à la pourriture, et davantage de Bouche rouge par exemple, qui peut maintenir une qualité correcte. »

La saison tardive, un atout !

Selon Hélina Deplaude, le début légèrement tardif de la saison, avec une semaine de retard, serait à considérer comme un atout. « C’est mieux pour la châtaigne qui se valorise bien à l'automne. Le froid, c'est une bonne condition pour un marché porteur, dépendant des événements festifs qui se tiendront en novembre et décembre. L’an dernier, l’interdiction des marchés de Noël a été très préjudiciable. En Ardèche, avec 50% de la production en frais, beaucoup de castanéiculteurs-transformateurs vont vendre sur les marchés, les salons. Ce n’est pas le seul débouché, mais c'est un débouché important. »

 

EN CHIFFRE / 4 250 tonnes à battre !

En Ardèche, l'année 2020 avait été correcte avec une production de 4 250 tonnes de châtaignes d'une bonne qualité sanitaire moyenne. La saison avait été marquée par des disparités entre le sud et le nord du département, qui avait subi plus fortement la sécheresse.