CLIMAT

Cinq nouvelles espèces fourragères estivales testées pour résister aux étés plus secs

À cause des sécheresses et canicules de 2022 et 2023, les prairies naturelles n’ont pas exprimé tout leur potentiel fourrager. Deux saisons estivales compliquées à gérer pour les éleveurs et les producteurs de lait des pays de Savoie qui cherchent des alternatives à cette baisse des volumes de foin récolté et à l’impossibilité de faire pâturer des prés grillés par le soleil. La chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc, avec ses groupes de développement, teste et expérimente de nouvelles espèces fourragères adaptées aux fortes chaleurs et au stress hydrique : le moha, le teff grass, la chicorée, le millet perlé ou encore le sorgho multicoupes. Des parcelles sont semées, les conditions d’implantation sont observées, les valeurs alimentaires et énergétiques sont analysées et les rendements mesurés selon plusieurs types de conduites d’exploitation. Sur le bassin-versant des Usses (Haute-Savoie), avec l’aide de Laure-Émilie Nako, conseillère agro-fourrages à la chambre d’agriculture, les essais de l’année dernière ont permis d’acquérir des données sur la culture et les attendus de ces plantes d’origine tropicale à cycle court, avec l’édition de fiches techniques. On apprend que le moha, semé début juillet, a pu être pâturé au fil dès la première semaine de septembre. Cette graminée mono-coupe a des valeurs alimentaires plus adaptées aux génisses qu’à des animaux en production (0,7 – 0,8 UFL ; 60-70 PDI). Le teff grass est fauchable au bout de 6 ou 7 semaines puis toutes les 4 semaines (plante multicoupes) avec une bonne capacité de repousse dès le retour des pluies. Pour sa première exploitation, une fauche assez haute est plus adaptée qu’un pâturage car son enracinement prend du temps. Le sorgho a été utilisé en dérobée multicoupes pour du pâturage estival et le renouvellement de prairies. Cette fourragère est très appétente et présente de bonnes valeurs alimentaires (0,8 UFL ; 90-100 PDI) mais attention : pour éviter toute toxicité en vert, il faudra atteindre entre 50 et 80 cm (selon la variété) avant d’être consommée par les animaux (le fanage élimine cette toxicité). Enfin, la chicorée est testée en prairie, en général pour 2 ans, en pur ou en mélange, pour le pâturage uniquement car trop humide pour être séchée. Semée au printemps, elle est très appétente, avec de bonnes valeurs alimentaires (0,8-0,95 UFL ; 85-120 PDI). Son cycle est très rapide avec un retour possible au pré tous les 15 jours, voire toutes les semaines en conditions favorables.

Adaptées aux étés de plus en plus chauds et de plus en plus secs, ces cinq espèces peuvent apporter une solution concrète à la reconquête de l’autonomie fourragère des fermes d’élevage. À condition que ces plantes n’exercent pas une influence négative sur la qualité organoleptique des fromages AOP-IGP des Savoie. Le programme de R&D FESTIG 2023-2025, animé par le centre d’études et de ressources pour l’agriculture de qualité et de montagne (Ceraq), vise justement à caractériser des tommes de Savoie IGP fabriquées avec une alimentation à base de 50 % de chicorée dans la ration d’un lot de vaches. Le respect des fondamentaux des cahiers des charges des filières AOP-IGP des fromages savoyards, basés sur le lien au terroir, étant un préalable pour fixer le cadre local d’utilisation de ces nouvelles fourragères estivales.

B.C.