MAEC
À la recherche de plantes indicatrices de bonnes pratiques environnementales
C’est dans les prairies de montagne de l’EARL de Caqueyre à Mazan-l’Abbaye que rendez-vous était donné aux agriculteurs engagés dans les mesures MAEC (Mesures Agro-Environnementales et Climatiques) pour (re) découvrir la diversité florale du plateau ardéchois.
« Il faut retrouver quatre plantes minimums indicatrices de l’équilibre agroécologie des prairies permanentes dans vos parcelles engagées dans les MAEC. Cette formation permet d’identifier les plantes demandées correspondant au cahier des charges », expose Emmanuel Forel, en charge de l’animation de la visite et conseiller agronomie et fourrages à la chambre l‘agriculture de l’Ardèche, aux éleveurs rassemblés sur l’exploitation de Sébastien Thermes.
À la recherche des plantes indicatrices de bonne santé des prairies
En ce matin du 17 juin, dans les prairies montagneuses du côté de Mazan-l’Abbaye, la visite est dédiée à la mesure PRA1 du PAEC « Mezenc-Vivarais » qui « concerne deux types de milieux : soit des parcelles principalement fauchées, soit des surfaces pastorales ». Alors que sur les prés de fauche, au moins 4 plantes indicatrices de bonnes pratiques agroenvironnementales doivent être retrouvées sur les trois tiers d’une diagonale d’observation qui traverse la parcelle, concernant les pâturages, « il y a une liste de plantes indicatrices d’eutrophisation à ne pas avoir dans ses parcelles », avertit Emmanuel Forel. Parmi les plantes synonymes d’une trop forte fertilisation des sols, on retrouve le groupe des chardons et des cirses, des amarantes ou encore celui des armoises et ambroisies. « Il est commun d’en trouver quelques-unes même sur des parcelles de fauche », précise cependant l’agronome. Toutefois une trop forte fertilisation des sols induit une perte en biodiversité, puisque les plantes indicatrices d’eutrophisation ont tendance à prendre le dessus sur les autres plantes.
Au milieu des herbes hautes, dans la parcelle de fauche de l’EARL de Caqueyre, Emmanuel Forel explique : « Ici nous sommes sur un sol granitique et maigre, d’une manière générale il n’y a pas de trace de dégradation et on retrouve un bon nombre de plantes indicatrices du bon équilibre agroécologique ». Parmi elles, le millepertuis, la légumineuse gesse des prés, du plantain. Quelques pas de plus suffisent à tomber nez à nez avec de la centaurée noire, de l’avoine jaunâtre faisant partie du groupe des graminées, ou encore le géranium des bois.
De l’importance de maintenir un bon équilibre agroécologique
Maintenir un bon équilibre agroécologique est essentiel pour plusieurs raisons : « C’est important d’avoir des prairies qui ne soient pas uniquement précoces pour garder la valeur qualitative du fourrage avec des plantes qui ont eu le temps de se développer. L’objectif est d‘avoir des prairies productives et diversifié », ajoute Emmanuel Forel. « L’intérêt est de préserver les prairies naturelles au maximum », opine Éric Tournayre, éleveur bovin à Coucouron, dont c’est le second contrat MAEC.
La visite se poursuit sous l’œil expert de Nicolas Glebeau, du Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche : « Mon rôle est de m’assurer qu’aucun aspect n’est négligé, car les acteurs n’ont pas toujours en tête tous les enjeux liés à une parcelle. En tant que chargé de mission Natura 2000, j’utilise des cartographies d’habitats et d’espèces pour vérifier que rien n’a été omis. En informant les agriculteurs, ils comprennent mieux l’importance de leurs actions. Nous rédigeons des rapports spécifiques indiquant les habitats et les mesures à prendre, comme éviter la surcharge en bétail dans les zones humides. Les zones à protéger incluent les sites Natura 2000, les Espaces Naturels Sensibles (ENS), les plans nationaux d’actions, pour la protection de certaines espèces emblématiques et les zones humides. »
« Cela permet de reconnaître les plantes »
Jérôme Benoit, éleveur bovin en bio depuis 2004 et engagé dans la protection des zones humides, souligne : « La nature est notre gagne-pain et lieu de vie. Plus on accroît la diversité floristique, plus on produit de la viande de qualité. Mes parcelles sont sur des sites Natura 2000, zones humides, pâturage et prairies de fauches ». Il a contractualisé 70 hectares sur les 300 de son exploitation aux mesures, optant pour une fertilisation des sols « 100 % fumier, sans lisier ». Sylvie Brun, en GAEC aux Estables (Haute-Loire) depuis 2015 et impliquée dans les MAEC sur 50 hectares, participe également à cette formation : « Cette visite nous aide à reconnaître les plantes », constate-t-elle.
Une reconnaissance des « aménités positives »
Pour Nicolas Beillon, accompagnateur de projets biodiversité et agroforesterie à la chambre d‘agriculture de l’Ardèche, la compatibilité entre les MAEC et les pratiques agricoles existantes est une reconnaissance des bonnes pratiques et motive l’engagement des agriculteurs. « Il est dommage que les produits agricoles issus de systèmes d’élevages relativement extensifs, basés sur la valorisation d’espaces remarquables, dans des conditions souvent difficiles, ne soient pas encore suffisamment reconnus et rémunérés », développe l’animateur. « Les MAEC contribuent, en partie et temporairement, à cette reconnaissance par la société du travail d’entretien des milieux semi-naturels par les éleveurs, mais d’autres démarches complémentaires peuvent permettre de la pérenniser, en la reliant directement aux consommateurs, comme le montre la nouvelle marque « bœuf des prairies fleuries » de l’association des éleveurs bovins viande de la Montagne ardéchoise, visant à consolider les débouchés et revaloriser les prix. Ces initiatives locales et collectives permettent aussi aux éleveurs de redécouvrir les richesses de leurs prairies, de monter en compétences et de rendre les surfaces agricoles plus résilientes face aux défis du changement climatique », conclut Nicolas Beillon.
Marine Martin
Qu'est-ce que la mesure PRA1 ?
Lundi 17 juin, des éleveurs ont participé à une visite à propos de l’une des huit MAEC concernant « surfaces toujours en herbe » (prairies naturelles, landes, parcours, estives), du projet territorial "Mézenc Vivarais" piloté par le PNR des Monts d'Ardèche, connue sous le nom de code PRA1. Les agriculteurs dont les parcelles sont engagées dans cette mesure reçoivent une aide de 51 € par hectare et par an, durant cinq ans. Ils doivent respecter un cahier des charges incluant notamment l’interdiction de fertilisation azotée minérale sur les parcelles concernées et veiller à la présence d’au moins quatre plantes indicatrices de l’équilibre agroécologique sur les prairies de fauche.
En outre, « la gestion des surfaces pastorales doit aussi être équilibrée, pour éviter à la fois le sous-pâturage et l'embroussaillement mais aussi le sur-pâturage et la dégradation du couvert végétal voire du sol », précise Nicolas Beillon. Autrement dit, « il faut avoir en général une pratique assez extensive, mais pas trop, pour conserver des milieux intéressants en termes de biodiversité et maintenir une agriculture durable ». Les zones d’intervention ou d'éligibilité de cette MAEC incluent les périmètres des Plans Nationaux d’Actions (PNA),les sites Natura 2000 et les Espaces Naturels Sensibles (ENS). S'il n’y a pas de cumul possible avec les aides surfaciques à la conversion à l’agriculture biologiques (CAB) sur les mêmes parcelles, les MAEC sont compatibles avec les autres aides PAC (DPB, ICHN, écorégime).
Deux territoires PAEC en Ardèche
En Ardèche, il existe le Projet Agro-Environnemental et Climatiques PAEC « Mézenc Vivarais » porté par le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche, qui comprend 8 MAEC et le PAEC « Nord Ardèche » porté par la Chambre d’Agriculture et qui propose 4 MAEC aux exploitations concernées et volontaires.
L’année dernière, 80 exploitations se sont engagés pour cinq ans, avec les appuis techniques de la Chambre, des collectivités territoriales gestionnaires de sites et des partenaires environnementaux (FRAPNA Ardèche, LPO AURA et CEN RA). Cette année, 85 exploitations supplémentaires ont déjà rejoint la démarche, pour un budget total d'environ 5 millions d’euros sur cinq ans. « Cet été, nous allons essayer d’accompagner une dernière vague de contractualisation des MAEC en Ardèche sur certains types de zones d’éligibilité comme les sites Natura 2000, les zonages PNA et les ENS, avec des financements de l’État en complément des aides de l’Union européenne », explique Nicolas Beillon de la chambre d'agriculture.
Cette année, des zonages complémentaires sont ouverts à la contractualisation des MAEC pour les « Espaces Naturels Sensibles » et les « Zones humides » dans les bassins-versants Rhône-Méditerranée-Corse grâce aux interventions du Conseil Départemental pour les ENS et de l'Agence de l'Eau RMC sur les zones humides. A noter aussi un un nouvel enjeu agro-environnemental DFCI (Défense des forêts contre les incendies) a également été introduit pour les MAEC 2024 sous la forme d'une expérimentation sur une douzaine de sites représentatifs du contexte de l'Ardèche méridionale.
Pour connaître davantage les PAEC ardéchois et leurs MAEC, rendez-vous sur le site internet de la chambre d’agriculture de l'Ardèche : site de la chambre d’agriculture de l'Ardèche.
Une quarantaine de plantes indicatrices répertoriées sur chaque secteur géographique.
Les conservatoires botaniques nationaux du Massif Central et des Alpes ont publié un guide régional destiné aux agriculteurs et partenaires concernés par certaines MAEC dont la mesure PRA1, pour les aider à identifier les plantes indicatrices d'un bon équilibre agroécologique des prairies et surfaces pastorales en Auvergne-Rhône-Alpes. En montagne ardéchoise, ce guide recense plus de quarante espèces ou groupes d'espèces différents.