FOURRAGES
Une situation « très préoccupante »

L’évolution des productions fourragères inquiète les éleveurs ardéchois, qui redoutent une fois de plus d’importantes pertes de récolte. Cette année, le déficit pluviométrique est plus intense qu’en 2020, de l’ordre de 80% en mars et avril par rapport à une année normale.

Une situation « très préoccupante »

« Il faudrait 100 millimètres de pluie minimum pour sauver la récolte », s’inquiète Hervé Morfin, éleveur à Bozas et responsable de la section bovins lait de la FDSEA. Cette année, l’évolution des prairies et des cultures fourragères est marquée par un démarrage précoce suivi d’un coup de froid brutal en Ardèche. Une nouvelle fois, l’hiver a été doux et des prairies sont restées vertes sur certains secteurs durant toute la saison. « Des espèces comme les ray-grass – italien et hybride – ont poussé et permis une mise à l’herbe précoce dès la mi-février à 500 m d’altitude », indique Emmanuel Forel, conseiller spécialisé Agronomie, fourrages et systèmes fourragers à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. « Le froid intense de fin mars et le gel du 8 avril ont cependant freiné cette avance et le gel a perturbé la croissance des plantes. »

Des réserves en eau du sol vides depuis le 20 mars

Sur l’ensemble du département, le déficit pluviométrique observé depuis le début de l’année est plus intense qu’en 2020. Il est particulièrement important en mars et avril, de 80% par rapport à une année normale, alors que cette période de l’année assure habituellement une pousse active des prairies. « Ce déficit était de 60% en 2020, année déjà difficile pour la production fourragère », ajoute Emmanuel Forel. Le manque de précipitations et la douceur du climat en février et mars ont également conduit à un dessèchement important des sols. « Nous pouvons peut considérer que sur sol à réserve utile moyenne (50 mm), la réserve en eau était au plus bas dès le 15-20 mars sur la majeure partie du département. Avec le temps sec qui perdure, la montagne est également affectée par ce phénomène, en particulier le secteur de Saint-Agrève. »

En Nord Ardèche, la situation est jugée « très préoccupante », indique Hervé Morfin. Les pertes estimées s’élèvent d’ores-et-déjà entre 50 et 70 % par rapport à une année normale, « 20 % par rapport à 2020 ». « Nous commençons à être très inquiets. C’est la 5e année consécutive que la récolte de fourrage est en baisse, ce qui bouscule les trésoreries des éleveurs. Certains éleveurs commencent déjà à se faire livrer du foin… S’il ne pleut pas suffisamment cette semaine, nous aurons besoin d’aide pour sauver nos exploitations et l’avenir de la production laitière du département ! »

A.L.

Quels impacts et solutions ?

GESTION DE L’HERBE / Face à cette situation climatique exceptionnelle, il n’existe pas de solution unique. Le raisonnement doit se faire au cas par cas en tenant compte de la situation spécifique de chaque exploitation.

Avec près de 97 000 ha de surface toujours en herbe1 et une pousse saisonnée centrée sur le printemps et un peu l’automne, l’Ardèche est fortement impactée par cette situation climatique exceptionnelle. Il est primordial que la situation se retourne et que la pluie finisse par tomber afin d’assurer du pâturage, de favoriser les repousses sur les prairies déjà récoltées, et de permettre les premières coupes en montagne car les secteurs d’altitude sont concernés également même si rien n’est joué.

Les solutions tactiques – à court terme – passent soit par l’augmentation de la disponibilité de la ressource fourragère (production/achat), soit par la diminution des besoins, voire les deux en même temps :  

  • Gestion de l’eau : mobiliser les pompages en rivière pour ceux qui en possèdent tant que les arrêtés sécheresse ne sévissent pas ; pour ceux qui ont des retenues, conserver suffisamment d’eau pour sécuriser la production des fourrages d’été (viser 2500 m3/ha en maïs ou luzerne).
  • Envisager des achats de fourrages.
  • Au cas par cas, imaginer des dérobées derrière céréales pour ceux qui en ont. Opter pour les solutions les moins chères (moha, chou fourrager) en fonction des conditions météo. Ces solutions peuvent également être imaginées derrière méteil fourrager d’ici une dizaine à une quinzaine de jours. Préférer alors une culture d’été (moha).
  • Pour ceux qui le peuvent, mobiliser des ressources pastorales (landes, sous-bois, friches…) pour des animaux dont les besoins sont modérés ou faibles (génisses…).
  • Réformes anticipées et globalement diminution du nombre d’animaux improductifs.  

Emmanuel Forel, conseiller spécialisé à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche

1. STH – source Agreste.