EUROPE
Ministres et eurodéputés prêts pour le dernier round

A.G.
-

RÉFORME DE LA PAC / Les ministres de l’Agriculture de l’UE réunis à Luxembourg sont tombés d’accord dans la nuit du 20 au 21 octobre, après deux jours de tractations, sur une position commune pour la future Pac. Le Parlement européen ayant, de son côté, adopté sa position de négociation le 23 octobre (lire ci-contre), des pourparlers en « trilogues » entre les deux institutions vont pouvoir débuter.

Ministres et eurodéputés prêts pour le dernier round
Tout l’enjeu des pourparlers qui se sont déroulés entre les ministres de l’Agriculture de l’UE a été d’imposer une part de paiements directs au nouveau dispositif d’éco-régimes. ©DR

Les grandes orientations proposées par la Commission européenne ont été validées : des plans stratégiques préparés par les États membres et leur donnant plus de marges de manoeuvre, une conditionnalité renforcée qui intègre désormais les mesures actuelles de verdissement, des nouveaux éco-régimes dans le premier pilier pour répondre à des besoins environnementaux ciblés, 30 % des fonds du second pilier pour des mesures environnementales ou climatiques et un dispositif de suivi des résultats basé sur des indicateurs de performances. Deux ans et demi après ces propositions initiales, les discussions préparatoires ayant permis d’évacuer les sujets les moins sensibles, les pourparlers finaux entre ministres ont tourné autour de la question de l’architecture verte.

Des concessions pour être à la hauteur

Pour faire accepter aux États membres les plus réticents l’idée d’une part de 20 % à consacrer obligatoirement aux éco-régimes dans le premier pilier, la présidence allemande du Conseil a dû introduire un certain nombre de flexibilités dans le dispositif : jusqu’à 50 % des fonds destinés aux éco-régimes pourront être transférés vers des mesures environnementales du second pilier par les États membres qui auront déjà dépensé 30 % de leur enveloppe de ce second pilier pour des mesures environnementales ou climatiques. Autres concessions accordées : la simplification des contrôles pour les petites exploitations, notamment dans le cadre de la conditionnalité, et le maintien d’un seuil de 2 000  d’aide au-dessous duquel le dispositif de discipline financière (réduction de paiements directs pour abonder la réserve de crise par exemple) n’est pas appliqué. « Nous ne pouvons pas raboter les 20 % pour les éco-régimes, alors que le Parlement [s’est prononcé] pour une limite de 30 % », avait insisté la ministre allemande Julia Klöckner, qui préside les débats du Conseil jusqu’à la fin de l’année.

Finalement, Après quelques modifications apportées pour satisfaire les demandes (entre autres) d’une quinzaine de ministres (Autriche, Italie, Pologne, Grèce, Hongrie, Roumanie...) quant aux simplifications insuffisantes accordées aux petites exploitations, l’approche générale du compromis mis sur la table peu après minuit le 21 octobre par la présidence allemande, a pu être adoptée. Seule la Lituanie s’est opposée au texte, craignant que les 20 % des paiements pour les éco-régimes n’entraînent une réduction des paiements de base pour les agriculteurs déjà inférieurs à la moyenne de l’UE. La Bulgarie, la Lettonie et la Roumaine se sont, elles, abstenues.

Dérogations et plafonnement

Une « phase d’apprentissage » de deux ans est prévue (en 2023 et 2024) au titre des éco-régimes. Durant cette période, les États membres pourront ne pas atteindre leur objectif et se familiariser avec le dispositif, qui entrera pleinement en vigueur en 2025. En ce qui concerne la conditionnalité, et particulièrement les nouvelles BCAE 8 et 9, portant respectivement sur la rotation des cultures et les surfaces d’intérêt écologique, le compromis prévoit des dérogations pour les exploitations de moins de 10 ha. Concernant les dispositions relatives au plafonnement et à la dégressivité : les États membres pourront plafonner les aides au revenu de base à partir de 100 000 €, avec un mécanisme volontaire permettant de réduire les paiements directs au-delà de 60 000 € (jusqu’à un maximum de 85 % de réduction pour les montants d’aide directe par bénéficiaire supérieurs à 90 000 €).

Sanctions et autorisations de plantation

En matière de sanctions, la France a obtenu des engagements, dans le cadre d’une déclaration en annexe de l’accord, en vue de garantir la reconnaissance d’un « droit à l’erreur » pour les bénéficiaires de la Pac. Une idée à laquelle tient beaucoup le ministre Julien Denormandie.

En ce qui concerne les droits de plantation de vignes, les ministres ont convenu que le régime d’autorisations s’appliquera du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2040 (contre le 31 décembre 2030 aujourd’hui) « avec un examen à mi-parcours qui sera entrepris par la Commission pour évaluer le fonctionnement du régime et, le cas échéant, faire des propositions ». Une fois le texte entre les Vingt-sept finalisé, le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski s’est félicité « de cet accord, qui constitue un pas décisif » en vue « d’apporter des avantages économiques, environnementaux et sociaux à nos agriculteurs et à nos citoyens ».

A.G.

ÉCO-RÉGIMES / Une liste indicative de mesures envisageables

Dans une note explicative diffusée auprès des États membres, mais qu’elle n’a pas rendu publique, la Commission européenne apporte quelques précisions sur quatre types de mesures qui pourraient être reconnues comme des éco-régimes dans le cadre de la future Pac. L’agroforesterie, tout d’abord : les services bruxellois précisent que les actions concrètes à mettre en place seraient un nombre d’arbres par hectares ou des méthodes de gestion de ces arbres pour maximiser leurs effets bénéfiques. L’agroécologie, ensuite, est définie comme une manière holistique de penser l’agronomie, l’écologie et la biologie. Les mesures reconnues pourraient être : l’agriculture biologique, l’augmentation de la rotation des cultures, les jachères, un niveau plus élevé de surfaces d’intérêt écologique, un soutien à un niveau de pâturage faible ou modéré ou encore la mise en place de bandes fleuries destinées à la biodiversité. Troisième type de mesures : l’agriculture de précision doit permettre d’optimiser l’utilisation des intrants, de réduire les résidus et la pollution, et donc améliorer la qualité des sols et de l’eau. Des plans de gestion des nutriments pourraient être soutenus dans le cadre des éco-régimes. Enfin, l’agriculture « carbonée » : Bruxelles serait prête à valider un soutien à des systèmes basés sur les résultats montrant l’absorption de carbone dans les sols (avec des pratiques comme l’agriculture de conservation, la couverture des sols, la conversion de terres arables en prairies...). Les États membres doivent établir une liste de pratiques agricoles bénéfiques pour le changement climatique et l’environnement, sur la base de leurs besoins et de leurs priorités locales avec « l’autonomie nécessaire pour définir » les actions qu’ils veulent soutenir.

A.G.