SESSION CHAMBRE
Pac : une évolution favorable à la ferme Ardèche

Les élus de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche se sont réunis en session, vendredi 25 mars. Les discussions ont porté principalement sur la présentation de la réforme de la Pac 2023-2027, la hausse du coût des matières premières liée au conflit en Ukraine et la réforme des outils de gestion des aléas climatiques.

Pac : une évolution favorable à la ferme Ardèche
La session était organisée à la Chambre d’agriculture de l’Ardèche.

La dernière session de la Chambre d’agriculture a mis en avant de nombreux sujets d’actualité liés à la guerre en Ukraine et ses conséquences en matière d’inflation, de bouleversement des marchés, de disponibilité des matières premières… L’équilibre économique des exploitations agricoles est dans tous les esprits. Ces inquiétudes n’enlèvent rien aux préoccupations des élus de la Chambre sur d’autres sujets majeurs qui ont marqué l’année 2021 : la prise en compte des dommages climatiques et la gestion des risques, ainsi que la réforme de la politique agricole commune (Pac). Dans le cadre de cette nouvelle Pac, les contours du Plan stratégique national (PSN) transmis par la France à Bruxelles ont fait l’objet, en session Chambre, d’une présentation détaillée par Fabien Clavé, responsable du service Agriculture à la Direction départementale des territoires (DDT).

Un budget maintenu

Le bilan du budget de la dernière Pac a été brièvement établi en introduction. Il présente une évolution et des effets positifs dans le département. Depuis 2014, la ferme Ardèche constate une évolution de +30% des aides apportées aux exploitations, notamment depuis la mise en place des aides découplées. Sur les 2 650 exploitations qui ont effectué une déclaration Pac, 2 100 ont été éligibles aux aides découplées, et 110 000 ha ont été admissibles sur les 135 000 ha déclarés, représentant un gain moyen de 4 800 €/exploitation et 90 €/ha admissible. Pour la nouvelle Pac 2023, le budget devrait se maintenir. « Nous nous attendons à une évolution favorable. La ferme Ardèche va a minima maintenir son enveloppe voire l’augmenter un peu », a indiqué Fabien Clavé, « avec quelques disparités pour certaines exploitations », a ajouté le président de la Chambre Benoit Claret, avant de rappeler que « tant que le PSN n’est pas validé en mai 2023, nous nous attendons à de nouvelles marges de manœuvre ».

Aides au revenu

Le PSN présente diverses orientations stratégiques d’un point de vue économique, dont le maintien d’un revenu de base pour les agriculteurs, un paiement redistributif stabilisé, le ciblage des paiements sur les secteurs en difficultés et les territoires difficiles, ainsi que des aides ciblées sur des secteurs déficitaires (notamment la production de protéines). La convergence des paiements de base (DPB) se poursuit afin d’atteindre 85% de la moyenne nationale par hectare d’ici 2025. « De nombreuses exploitations ardéchoises ne savent pas qu’elles doivent transférer leur DPB », a interpellé le responsable du service Agriculture à la DDT, évoquant un travail de communication à faire sur ce sujet au sein de la profession. « L’accompagnement des jeunes qui s’installent dans les prochaines années sera un peu plus important », a-t-il ajouté, à hauteur d’environ 4 000€ d’aides par entreprise.

Aides couplées

Dans le cadre du PSN, davantage d’animaux seront éligibles à l’aide UGB (unités gros bovin), qui est maintenue, et les aides bovins viande et lait pourront fusionner, mais les montants alloués baisseront. L’aide à la vache devient une aide à l’UGB de plus de 16 mois, légèrement plus favorable à l’élevage laitier et à l’engraissement. « Nous avons encore du mal à évaluer l’impact que cela aura pour l’Ardèche, nous réalisons des estimations. Pour les exploitations mixtes, il y aura un prorata des aides allaitantes et laitières », a ajouté Fabien Clavé. Les dispositifs d’aide en ovin, veau sous la mère et caprin se poursuivent quant à eux. Il est prévu également d’apporter une aide significative aux maraîchers et producteurs de petits fruits spécialisés, d’environ 1 600€/hectare.

Le budget de l’aide ICHN (indemnité compensatoire de handicap naturel) se maintient à l’identique, mais sur une baisse du taux de cofinancement. Évolution notoire, notamment en Ardèche : son seuil d’entrée passera de 3 à 5 UGB. 62 exploitations ardéchoises sont concernées par cette évolution, une vingtaine étant quasiment à 5 UGB et une trentaine entre 3 et 5 UGB. « Un travail de communication doit être mené dès cette année, là aussi, auprès des exploitations ayant un chargement entre 3 et 6 UGB pour que celles qui le peuvent puissent s’adapter. Certains éleveurs bovins doivent augmenter leur cheptel dès aujourd’hui. »

Socle environnemental et climatique

Le socle environnemental et climatique de la prochaine Pac se renforce, ainsi que ses niveaux d’exigence. Priorité sera donnée à la diversité et la biodiversité, l’autonomie des productions, des territoires et des filières, la résilience et la sobriété en intrants. Dans ces ambitions, le PSN soutient une évolution importante de l’agriculture biologique et des aides pour les pratiques favorables à l’environnement. Nouvelle aide facultative, les écorégimes seront accessibles par trois voies d’entrée non cumulables, a rappelé Fabien Clave : les pratiques de gestion agroécologique des surfaces agricoles, une certification environnementale (AB, HVE et autres certifications), ou des éléments et surfaces favorables à la biodiversité et aux paysages agricoles (IAE/SAU). « Les écorégimes ne devraient pas présenter de grandes difficultés, la conditionnalité est renforcée, en matière de vigilance et d’accompagnement des exploitations », a indiqué le responsable du service Agriculture à la DDT. « Grâce au maintien de prairies permanentes non labourées, des exploitations ardéchoises peuvent y entrer. » Concernant les MAEC (mesures agroenvironnementales et climatiques), des crédits d’animation seront apportés pour faire émerger de nouveaux contrats notamment, et les aides se maintiendront.

Elus
De gauche à droite : Jérôme Volle, 2e vice-présidente de la Chambre d’agriculture, accompagné du président Benoit Claret et de Christel Cesana, 1ère vice-présidente.
Zoom sur le suivi des parcelles en temps réel
PAC

Zoom sur le suivi des parcelles en temps réel

À partir de 2023, les déclarations de surface seront contrôlées via un système de suivi des parcelles en temps réel (monitoring). Une mise en place progressive du dispositif est prévue sur les deux prochaines années.

Le registre parcellaire graphique (RPG) restera le socle de la déclaration Pac, mais une nouvelle relation entre l’administration et les agriculteurs s’appliquera à partir de 2023 dans le cadre du système de suivi des parcelles en temps réel (monitoring). Les couverts et l’activité agricole sur les parcelles seront contrôlés par images satellites. En cas d’erreur de déclaration constatée, une alerte sera transmise à l’exploitant pour l’inviter à modifier sa déclaration sans impact financier. Une application dédiée permettra de transmettre des photos géolocalisées si besoin. Les contrôles sur place existeront toujours mais pourront concerner les autres aspects des demandes d’aides (absence de phytos sur bandes tampon, espèces des jachères mellifères…).

Les images satellites seront acquises, en permanence, tous les 3 à 5 jours (10 m de résolution), dans le but de suivre la croissance des couverts et successions culturales, de confirmer la présence d’un couvert admissible ou vérifier la culture en place, et de suivre les surfaces fourragères extensives de manière spécifique. Les couverts, quant à eux, seront vérifiés par date clés afin de générer des alertes si besoin.

« L’agriculteur va devoir être pro-actif »

La nouvelle programmation met l’accent sur la prévention des erreurs et l’interaction avec les exploitants. Certaines images satellites ne pourront être exploitées en raison d’éléments perturbants la visibilité des parcelles, tels que des nuages, ou présenter des erreurs. Les analyses seront donc restituées à l’exploitant sous forme simple et visuelle, pour lui permettre de connaître l’avancement et les éventuelles difficultés du suivi de ses parcelles. Une application sur smartphone guidera l’exploitant sur les images mises à disposition (téléchargeables) ainsi que dans la prise de photos qui pourrait être demandée sur des lieux précis puis leur envoi à l’administration. Cette application sera disponible y compris hors connexion réseau téléphonique dont les zones blanches.

La mise en œuvre du système de suivi de parcelles sera étalée sur deux ans d’ici 2023, a rappelé le responsable du service Agriculture à la DDT en session Chambre. « Ce système deviendra incontournable, notamment pour le paiement des aides découplées et de l’ICHN. L’agriculteur va devoir être pro-actif pour nous aider à comprendre le couvert déclaré si l’intelligence artificielle ne permet pas de le faire par elle-même », a indiqué Fabien Clave. L’année 2022 sera une première année à blanc pour se préparer. Pour l’heure, cinq exploitations ardéchoises testent le dispositif. « Une majorité d’agriculteur doit se former à prendre en main ces outils. Les surfaces pastorales extensives et les châtaigneraies peuvent occasionner pas mal de photos. Nous avons besoin de savoir combien de photos nous aurons besoin, pour quelles filières plus particulièrement, etc. »

MOTIONS /

Gestion des aléas climatiques

Trois motions ont été adoptées lors de cette session Chambre. La première concerne la gestion des aléas climatiques et demande que l’ordonnance et les décrets d’exécution du projet de loi portant sur la réforme des outils de gestion des risques en agriculture et d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture adoptée par l’Assemblée nationale le 22 février 2022 puissent être mis en œuvre au plus tard le 1er janvier 2023 et couvrent les pertes touchant les cycles de production débutant en 2022. Elle demande également que les engagements du Premier ministre pour que chaque arboriculteur et viticulteur assuré victime du gel d’avril 2021 puissent bien avoir un soutien financier au moins égal à ceux des non assurés.

Retrait du Phosmet

Une seconde motion portant sur les conséquences du retrait de la dernière matière active Phosmet a été adoptée. Elle réclame le maintien des molécules nécessaires à une protection sanitaire tant que les techniques alternatives ne sont pas avérées, une meilleure visibilité et prise en compte de l’importance de la filière pour le territoire ardéchois, et une réhomologation des matières actives efficaces avec des spectres d’action plus large permettant d’utiliser moins de produits phytopharmaceutiques, limiter le nombre de passage dans les vergers et plus de cohérence dans les délais de ré-entrée dans la parcelle et avant récolte dans le cadre de la lutte contre la Drosophila suzukii. Cette motion porte également sur la poursuite et l’amplification des travaux de recherche pour trouver au plus tôt possible des solutions de lutte adaptées et produits limitants l’utilisation de phytopharmaceutiques.

Augmentation des charges

Une troisième motion a été votée, concernant l’augmentation des charges accentuée par le conflit en Ukraine. Ses demandes portent sur l’application de la loi Egalim 2 avec la mise en place d’une clause de revoyure, la réouverture des négociations commerciales et la prise en compte de la hausse conjoncturelle des prix, la mise en place de système anti-spéculation avec contrôles des prix sur les céréales et l’énergie, ainsi que le maintien des dispositifs de réduction du coût des carburants pour l’agriculture (remboursement anticipé sur TVA, TICPE ; protection de la ferme France). Cette motion sollicite également l’éligibilité des éleveurs de ruminants au dispositif d’aide « transitoire de quatre mois » pour compenser les pertes résultant du surcoût de l’alimentation animale, ainsi que des marges de manœuvre sur les filières élevage. Par cette motion, les élus de la Chambre ont aussi demandé la régulation des volumes et de la disponibilité de certains produits pour les consommateurs, promouvoir et faciliter l’accès aux produits locaux et sous signes de qualité. Ils se sont engagés également en complément de l’accueil des réfugiés ukrainiens à proposer des activités agricoles salariées.