VITICULTURE
Un site internet pour concevoir au mieux son chai

Zoé Besle
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Opérationnel depuis novembre 2021, le site monprojetdechai.fr a été créé par les services de santé-sécurité au travail de la MSA. Un outil conçu pour permettre aux vignerons de se poser les bonnes questions lorsqu’ils conçoivent leur chai.

Un site internet pour concevoir au mieux son chai
Pour un chai bien conçu et pratique, il est essentiel de réfléchir aux interventions humaines prévues. ©ZB

Lors de la création d’un chai, l’aspect technique est souvent le plus étudié, au détriment parfois d’autres facteurs pourtant capitaux. La santé et la sécurité des opérateurs qui vont utiliser l’outil, son ergonomie et la manière dont il va être utilisé au quotidien en font partie. Pour bénéficier d’un accompagnement gratuit dans la conception de leur chai, les vignerons peuvent se rendre sur le site monprojetdechai.com. Cette plateforme numérique est le fruit de trois ans de réflexion d’un groupe de travail de la MSA.

Répondre aux attentes du terrain

« Il y a dix ans, la caisse centrale organisait des formations sur la conception de chai à destination des conseillers. Une collègue du Maine-et-Loire, qui n’arrivait pas toujours à répondre aux sollicitations des vignerons, a suggéré la création d’un outil pour permettre aux viticulteurs de se poser les bonnes questions sur leur projet », explique Jacques Vermorel, conseiller en prévention filière viticole de la MSA Ain-Rhône. Un groupe de travail est ensuite lancé en 2019. Il aboutira à la création de cet outil sous la forme du site monprojetdechai.fr, mis en route en novembre 2021. Lors du dernier Sival (Salon international des techniques de productions végétales), il a reçu le prix d’or dans la catégorie « services et logiciels ».

Favoriser la réflexion des viticulteurs

Sur ce site, plusieurs onglets permettent aux visiteurs de construire et structurer leur réflexion. La catégorie « clés de réussite » met l’accent sur trois points : réfléchir aux interventions humaines, rester maître de son projet et impliquer tous les acteurs. Les explications proposées rappellent des informations connues mais essentielles, comme par exemple la différence entre le travail prescrit et le travail réel. Cas pratique avec la question « comment se fait le pressurage du raisin blanc ? ». Du point de vue du travail prescrit, « cela se fait automatiquement : le raisin entre dans le pressoir depuis le conquêt. À distance, grâce au pupitre, je contrôle l’entrée de la vendange, je stoppe le transfert quand le pressoir est plein et je démarre le pressurage. Il s’arrête tout seul quand le cycle est terminé ». Mais la réponse est différente si l’on parle de travail réel : « Je m’assure que le raisin entre correctement dans le pressoir ; je gère les pannes ou blocages lors du transfert de la vendange entre le conquêt et le pressoir ; je monte près du pressoir pour répartir le raisin dans le pressoir ; je peux remonter pour vérifier que le pressoir n’est pas trop rempli ; je commande le démarrage du pressoir à partir du pupitre ; je surveille le cycle pour m’assurer que tout se passe bien ». Une différence essentielle à appréhender dans la conception de l’outil de travail.

Cinq étapes de conception

Dans l’onglet « étapes d’un projet », les viticulteurs retrouvent les cinq étapes de conception d’un chai : intention, programmation, conception, réalisation et rodage. Des petites vidéos explicatives – d’une durée d’une minute ou moins – détaillent le déroulé de chacun de ces cinq moments. Enfin, le site possède une catégorie « Mon projet » qui évoque plusieurs points essentiels du fonctionnement d’un chai. La réception de la vendange, la vinification et le stockage, le pressurage, l’élevage et le stockage ainsi que le conditionnement sont évoqués sous forme de questions. À quelle fréquence arrive la vendange ? À quelle fréquence faut-il déplacer le pressoir ? À quels moments de la journée ? Quels sont les types de contenants choisis (bouteilles de différents formats, BIB, palox pour le tiré-bouché…) ? « Nous avons choisi de présenter ces catégories sous forme de questionnements car ce sont eux qui ont les réponses sur la manière dont ils travaillent. On ne s’intéresse pas aux choix techniques : s’ils ont des cuves en inox cylindriques ou des cuves en béton, c’est leur décision », explique Jacques Vermorel. Pour le conseiller de la MSA Ain-Rhône, l’implication dans toutes les étapes de création du chai est essentielle. « Les vignerons ont souvent tendance à déléguer certains points aux architectes ou aux bureaux d’ingénierie. Si un architecte est capable de placer un pressoir sur un plan de chai, il ne sait pas forcément comment on le remplit, quels raisins ou quels cépages vont dans le pressoir, comment il sera entretenu… Ce sont des points essentiels auxquels seul le vigneron peut avoir la réponse. » Il est donc essentiel d’anticiper les situations d’entretien et de maintenance.

Un outil adapté à toutes les exploitations

Les process propres à chaque exploitation changeant selon le type de production, oublier de mentionner telle ou telle technique de travail peut amener à des situations compliquées une fois le chai réalisé. « Dans une cave coopérative, un chai d’une grande envergure avait été installé, avec de nombreux égrappoirs. Le problème était que le hérisson de la machine, qui doit être extrait et nettoyé régulièrement pour garantir la bonne qualité du vin, était bloqué : les égrappoirs étaient installés dans une fosse, il était impossible de sortir cette partie de la machine en intégralité. » Toute la fosse contenant les égrappoirs a donc dû être démontée et cette partie refaite pour pouvoir être utilisée correctement. Une bonne conception de chai permet d’éviter ce genre d’écueil et d’économiser du temps et de l’argent.

Zoé Besle

Couverture
Entièrement gratuit, le site monprojetdechai.fr offre de nombreuses pistes de réflexion et des conseils pour la création d’un chai. ©monprojetdechai.fr
Vidéos
Le site monprojetdechai.fr propose des vidéos résumant les cinq étapes clés d’une conception de chai : intention, programmation, conception, réalisation et rodage. ©monprojetdechai.fr
Des vignerons convaincus par l’outil
Le site monprojetdechai.fr est né du lancement d’un groupe de travail à la MSA Ain-Rhône en 2019. ©Pixabay
TÉMOIGNAGES

Des vignerons convaincus par l’outil

Plusieurs vignerons ont déjà utilisé le site pour pousser la réflexion autour de leur projet de chai. C’est le cas de Brieg Clodoré, vigneron à Rivolet (Rhône). Installé depuis 2020 sur son exploitation, il a récupéré un cuvage en 2021 qu’il cherche à rénover. « J’ai 2 ha de vignes, les trois-quarts sont en rouge (Gamay) et le reste en Chardonnay, le tout en appellation Beaujolais », explique-t-il. Le cuvage qu’il a récupéré est assez ancien, il a été utilisé pour la dernière fois en 2006. Le viticulteur a déjà prévu des travaux d’aménagement, notamment pour l’évacuation des eaux usées, qui interviendront en avril 2022. « J’ai entendu parler du site monprojetdechai.fr dans une publication viticole. En cherchant des informations sur internet, je suis également tombé sur une vidéo de la MSA qui m’a reconduit vers le site. » Il a ensuite contacté la MSA pour bénéficier de l’accompagnement d’un conseiller dans son projet. « Aujourd’hui, j’ai déjà une dizaine de cuves en béton de 70 hl. Mon objectif est d’atteindre les 200 hl vinifiés d’ici cinq à dix ans », précise Brieg Clodoré. Pour l’instant, il vinifie une soixantaine d’hectolitres, le reste de ses raisins étant vendu. Le site monprojetdechai.fr lui a permis de voir plus clair dans les différentes étapes de son projet. « Le site est intéressant pour sa partie questionnements, puisqu’il détaille quelles questions il faut se poser et dans quel ordre. Les interrogations sur les interventions humaines sont très intéressantes et détaillées », constate-t-il. Céline Balandras, vigneronne, possède quant à elle deux exploitations – une certifiée HVE 3 et l’autre en agriculture biologique – sur la commune de Pommiers (Rhône). Pour la première, d’une surface de 52 ha en Gamay et en Chardonnay, elle compte réaliser un chai. « On est un peu court en place sur notre chai déjà existant. Notre nouvelle infrastructure d’une surface de 120 m2 accueillera deux cuves de vinification et deux autres de stockage dans un premier temps », explique-t-elle. Pour ce chai créé de A à Z, contrairement à l’autre chai de l’exploitation placé dans un bâtiment déjà existant, la vigneronne prévoit d’encuver par gravité. « Le site et l’accompagnement de la MSA permettent de bien réfléchir au projet, en calculant et en vérifiant tout ce que l’on veut faire », conclut-elle.

Z.B.