ARBORICULTURE
Fruits transformés bio : décryptage du marché et des besoins

Bastien Boissonnier, chargé de mission filières au sein du Cluster Bio Auvergne-Rhône-Alpes, livre un éclairage sur le marché des fruits bio destinés à la transformation.

Fruits transformés bio : décryptage du marché et des besoins
L’origine locale des fruits mise en avant. © Fruitys
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Bastien Boissonnier. ©ArchivesAD26

Lorsque l’on parle du marché des fruits transformés, quels types de produits cela recouvre-t-il ?

Bastien Boissonnier : « On parle à la fois des produits les plus courants comme les purées de fruits ou les compotes dont le baby food1, les jus, les confitures, les conserves… Mais on a aussi des produits moins courants comme les fruits déshydratés ou lyophilisés, utilisés pour les granolas par exemple. Fruits lyophilisés et fruits secs sont toutefois des débouchés moins fréquents pour les productions régionales. Les purées de fruits, utilisées également comme base de nombreux autres produits - glace, bières aromatisées aux fruits par exemple -, représentent certainement les volumes les plus importants en transformation avec les jus de fruits. »

Comment évolue la consommation des fruits transformés bio ?

B.B. : « Le marché des fruits transformés bio suit la tendance de consommation du bio avec une baisse depuis 2021 en raison de plusieurs facteurs. D’abord, une descente en gamme des achats en raison de l’inflation. Ensuite, une perte de confiance dans le label bio et ce qu’il garantit, sans oublier un phénomène de dilution des achats parmi toutes les propositions faites au consommateur autour des enjeux de santé et environnementaux, comme la certification HVE ou le label Zéro résidu de pesticides par exemple. Enfin, on constate depuis la crise Covid une tendance à aller vers le local, quitte à l’opposer au bio, alors qu’en fait l’idéal reste d’associer les deux car l’impact carbone du mode de production reste plus élevé que celui du transport. »

Certains produits s’en tirent-ils mieux et constate-t-on des différences selon les circuits de distribution ?

B.B. : « Certains produits résistent mieux. La compote par exemple demeure un aliment de base chez les enfants. L’offre sur ce produit se diversifie via des formats ou des ingrédients nouveaux. On trouve par exemple en magasins spécialisés bio des pots en verre de différentes tailles dont le format familial qui permet d’offrir un prix attractif. Le contenant type gourde a aussi fait son émergence sur ce circuit de distribution et y représente aujourd’hui un quart des ventes. Globalement, le rayon compotes - purées de fruits est un rayon phare des magasins spécialisés. Souvent l’origine des fruits y est mise en avant, notamment en pomme et poire. On y retrouve fréquemment une offre de producteurs locaux. En GMS, en revanche, c’est le format gourde qui prédomine pour les compotes. On notera aussi ces dernières années un transfert des achats en baby food des magasins spécialisés vers les grandes et moyennes surfaces. En quatre ans, entre 2019 et 2022, on a enregistré une baisse de 38 % du chiffre d’affaires sur l’alimentation infantile dans les magasins bio. Le baby food reste une porte d’entrée vers le bio pour les jeunes parents. Désormais ces achats se font en GMS avec une offre importante et surtout de nombreuses marques de distributeurs (MDD) qui intègrent le bio dans leur gamme infantile. »

Quelle est la situation pour les jus de fruits ?

B.B. : « On observe une perte de vitesse sur les jus de fruits bio mais aussi de façon générale en conventionnel, liée notamment aux quantités de sucre qu’ils peuvent contenir. Une marque vient d’ailleurs de sortir un jus de fruit désucré. Dans le même temps, de façon étonnante, on assiste à une hausse des achats de sirops de fruits, peut-être parce qu’ils permettent à chacun de doser la quantité. Concernant l’offre, en magasins spécialisés bio, on retrouve plutôt des petits producteurs locaux alors qu’en grandes et moyennes surfaces il s’agira de grandes marques qui, souvent, proposent des nectars pour offrir des tarifs plus attractifs. On constate également pas mal d’innovations pour essayer de redynamiser ce rayon, avec par exemple le gingembre, très tendance. Les marques essayent aussi de mettre en avant les bienfaits du produit (vitamines…). Enfin, les jus de fruits sont challengés par la dynamique autour des boissons pétillantes à base de fruits, parfois moins sucrées, plus désaltérantes, offrant des associations originales d’ingrédients. »

En Auvergne-Rhône-Alpes, quels conseils donner aux producteurs qui souhaitent fournir des fruits bio pour le marché de la transformation ?

B.B. : « Les transformateurs régionaux cherchent à répondre à la demande des consommateurs sur le local. Ils sont notamment en recherche de fruits rouges origine France. Il y a des partenariats à mener entre producteurs et transformateurs sur les questions liées aux contraintes techniques, au prix… Par exemple, l’entreprise Le Mas de
l’Armandine en Haute-Loire, qui fabrique des compotes, préparations pour yaourts, confitures, purées de fruits, a développé sa filière fraises de France en travaillant directement avec un producteur sur l’itinéraire technique et sur un prix objectif qui satisfait les deux parties. Fin novembre, le Cluster bio a d’ailleurs organisé en Drôme une journée filière fruits bio. Des échanges avec les transformateurs, il ressort qu’il faut travailler pour mieux valoriser les écarts. Cela signifie anticiper sur ce qui pourrait ne pas trouver preneur sur le marché du frais, massifier les volumes entre producteurs et aussi faciliter la mise en réseau avec les transformateurs. Mais l’objectif c’est aussi de développer des parcelles dédiées pour l’industrie. Le producteur doit définir avec l’acheteur un itinéraire technique adapté, peut-être moins coûteux que pour du fruit destiné au marché du frais mais qui correspond aux besoins du transformateur en termes de qualité, de conditionnement… L’idée est de conserver sur son exploitation une mixité frais - transformé pour être davantage résilient. Le producteur ne doit pas considérer le transformateur comme un débouché de dernière minute mais vraiment comme un débouché structurant. »

Propos recueillis par Sophie Sabot

1. Catégorie d’aliments spécialement conçus pour répondre aux besoins nutritionnels des nourrissons et jeunes enfants.

CONSOMMATION

Quelles tendances pour les fruits transformés bio ?

Justine Dragon, chargée de projets développement des entreprises au Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes, identifie trois tendances sur les produits à base de fruits bio transformés : le local avec de plus en plus d’affichages de l’origine - même si certaines filières peinent à s’approvisionner en local voire en France -, la praticité des produits et la communication sur les bienfaits des fruits. De son côté, Bastien Boissonnier alerte sur la question des quantités de sucre dans les produits. « C’est un sujet émergent qui a déjà pas mal impacté les jus de fruits et qui pourrait avoir aussi des répercussions sur le secteur des purées et compotes. Comment le secteur peut y répondre ? C’est loin d’être évident, la purée de fruit contenant naturellement du fructose. »

S. S.

FRANCE

La filière transformation en manque de fruits et légumes

FranceAgriMer a présenté dernièrement un panorama statistique des fruits et légumes transformés pour l’année 2022, toutes productions confondues, conventionnelles et bio. En France, ces filières regroupent producteurs et transformateurs d’une soixantaine d’espèces variétales et font vivre 14 700 exploitations agricoles, 186 entreprises et 26 000 emplois pour un chiffre d’affaires industriel de 4,5 milliards d’euros. Un tiers des légumes consommés par les Français le sont en conserves ou congelés et deux cinquièmes des fruits sous forme de confitures, compotes ou confits. Après le gel et la canicule de 2022, la production de légumes en conserve a toutefois chuté de 11 % en volume, celle des vergers destinés à l’industrie de 2,5 %. Ces baisses de production en volume et en qualité ont désorganisé les entreprises de transformation. Celles-ci ont aussi vu leurs coûts de production augmenter en raison des hausses de prix de l’énergie et des emballages. Pour s’adapter, elles ont dû augmenter leurs prix de vente de 10 % en deux ans, conduisant les consommateurs à réduire leurs achats ou à baisser de gamme. Ainsi, après plusieurs années de croissance, la consommation à domicile de produits bio s’est ralentie, toutefois ce marché est tiré par la restauration hors domicile. La demande des collectivités en légumes bio, de conserves ou surgelés, reste en croissance grâce aux règles de la loi Egalim. Le défi reste aujourd’hui d’inciter les producteurs à s’engager dans les productions de fruits et légumes destinés à la transformation. Échaudés par les mauvaises conditions climatiques, certains agriculteurs ont préféré se tourner vers les céréales. Pourtant, la demande, si elle a faibli, ne s’est pas effondrée. Le consommateur reste attaché aux fruits et légumes transformés pour leurs qualités intrinsèques.

Actuagri