PORTRAIT
Meneur de chevaux de trait : une passion en héritage

André Fay, 76 ans et originaire du Sud-Ardèche, a grandi sur le dos d’un cheval. À 5 ans, il accompagnait du haut de sa monture ses parents agriculteurs labourant les vignes.

Meneur de chevaux de trait : une passion en héritage
André Fay attelant son comtois de 10 ans, Diamant ©AAA_MMartin

Le manque d’opportunité professionnelle éloigne André Fay de son mode de vie agricole. Le voilà à Lyon, faisant carrière au service des eaux. Pourtant, la passion ne le quitte pas, il prend en pension un cheval et se remet à l’équitation dans les années 1980. À la suite d’un accident dans les années 1990, il n’a plus le choix que d’arrêter l’équitation, tirant un trait sur ce qui le relie encore à son passé, au milieu des vignes de son enfance.

Pour garder le contact avec cet animal à qui « il parle beaucoup, comme à un humain », il se met à l’attelage et commence à s’équiper en calèches et en harnachements. Il intègre, puis devient le président, pendant un temps, de l’Association des Attelages Lyonnais. À la retraite, réinstallé sur ses terres à Largentière, il continue sa route au sein du syndicat local d’attelage. Ensemble, ils organisent des sorties. André Fay peut donner libre cours à sa passion. Il propose alors des promenades en calèches aux écoles, lors des fêtes et des mariages. Cependant, la Covid et les années passant, les activités de l’association diminuent jusqu’à s’éteindre.

Tout en restant adhérant à L’Union des syndicats d’éleveurs de chevaux de trait, désormais, il s’octroie une sortie par an avec famille et amis pour célébrer les chevaux de trait et l’attelage. Le reste du temps, il ne sort ses chevaux que pour promener aux alentours, deux ou trois fois par semaine.

« Un attelage, c’est un équipage »

En véritable connaisseur des chevaux de trait, il confie sa technique pour choisir un bon cheval : « C’est une question de regard. Il faut que l’œil renvoie une image douce et non pas qu’il gesticule dans tous les sens ».

Lorsqu’il commence à détailler la façon dont il travaille avec un cheval, ses yeux s’illuminent et un sourire se dessine sur son visage avant d’expliquer : «Tout d’abord au sevrage, à partir de 8 ou 9 mois, on peut commencer à leur apprendre à tirer quelque chose derrière eux et à les habituer au harnais, ainsi qu’à marcher correctement à toutes les allures. Une fois qu’ils sont habitués au monde, au goudron et à rester tranquille à l’attache, on peut vraiment commencer le tractage », assure le meneur. « C’est une histoire de patience. Il faut environ entre 3 semaines et un mois pour que le cheval soit en condition d’être attelé. Il ne faut pas oublier qu’un attelage, c’est un équipage. »

Un équipage relié par les rênes, appelées « les guides ». Lâches et mesurant entre 2 ou trois mètres derrière le cheval, il insiste sur le fait « qu’il est important de l’habituer à la voix, car nous ne sommes pas en rênes courtes, au contact direct avec le cheval comme pour l’équitation ».

Meneur de chevaux, un métier qui a du sens

Heureux de partager sa passion, il remarque ces derniers temps, l’essor de l’utilisation de chevaux de trait sur certaines exploitations. « C’est intéressant pour l’agriculteur, car il ne tasse pas la terre, et la laisse respirer par rapport au tracteur. La charrue est plus légère ». Un avantage utile jusque dans les forêts. « Le débardage est un travail difficile autant pour l’homme que pour l’animal, mais un cheval permet de protéger la forêt en ne créant pas de dégâts sur les autres plantes. »

Un métier utile donc, même pour l’avenir, mais qui d’après André Fay, n’est pas d’actualité pour tous. « Concernant les plus grandes des exploitations le chemin inverse sera difficile, car les équipements mécaniques sont bien ancrés .Les petites exploitations bio en maraîchage sont davantage intéressées pour utiliser le cheval, car elles sont déjà dans une démarche plus naturelle", analyse le meneur.

La Fête du cheval de trait, essentielle pour se retrouver

Lors de la Fête du cheval de trait organisée le 6 août à Mirabel, André Fay se fait une joie de sortir sa calèche, dont la plus ancienne date des années 1940. Il attellera Diamant, son comtois de 10 ans. Sa jeune jument Milly Way n’ayant qu’un an, le hongre est l’unique cheval en sa possession rodé à l’attelage.

« Lors de la fête, il y aura deux attelages, un en simple, avec mon cheval et un en paire. » Il rappelle l’importance de se retrouver entre passionnés de chevaux de trait, afin de s’exprimer au sujet des difficultés parfois rencontrées. « On échange au sujet des maladies des chevaux, mais aussi pour se donner des conseils. Il y a par exemple une vraie difficulté à trouver des parcs pour nourrir les chevaux. Certains partent en transhumance en altitude, l’été, du côté de Mazan où les éleveurs louent les terrains aux gens du coin. »

Le meneur n’oublie pas de penser au futur de l’activité et à la transmission des traditions. « Il faut que le relais se fasse, par le contact, comme lors de la fête du cheval de trait par exemple, on espère toujours que des personnes viennent pour reprendre le flambeau. »

En attendant la relève, il profite de ses balades en calèche, accompagné de son fidèle Diamant à qui il murmure à l’oreille.

Marine Martin