SYNDICALISME
La FNSEA demande au gouvernement d’accélérer le mouvement
Le 78e congrès de la FNSEA, qui s’est tenu à Dunkerque du 26 au 28 mars, s’est ouvert dans un contexte de mécontentement agricole. Le millier de congressistes a affiché une détermination ferme de voir les dossiers avancer. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a appelé le président de la République, Emmanuel Macron, à donner, « sans plus attendre », sa vision pour l'agriculture quand le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a tenté de rassurer les congressistes.
« Le président de la République semble hésiter à prendre rendez-vous, celui qu'il nous avait promis au Salon de l'agriculture, en estimant que la situation n'était pas mûre. Nous sommes mûrs pour lui porter notre vision stratégique de l’agriculture », a lancé Arnaud Rousseau, devant 1 000 congressistes réunis à Dunkerque le 28 mars, à l’occasion du 78e congrès de la FNSEA. C’est d’une manière posée mais ferme qu’il a égratigné les temporisations de l’exécutif. « Qu’il a été long le temps de réaction du gouvernement face aux alertes des agriculteurs français. Une année à vous répéter l’importance de la compétitivité, l’enjeu crucial du renouvellement des générations et la nécessité de consolider le lien avec la société… En vain », a-t-il martelé. La situation pourrait peut-être changer avec l’arrivée d’Agnès Pannier-Runacher comme ministre déléguée à l’Agriculture : « Avec deux ministres, allons deux fois plus vite pour deux fois plus de résultats », a-t-il ironisé. Le président de la FNSEA a demandé au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, de « reprendre son administration en main » car « il n'est pas admissible qu'il se passe un mois entre une décision ministérielle et la diffusion de l'instruction aux échelons administratifs territoriaux ». C’est aussi cette absence de réaction et réponse qui a favorisé l’émergence des mouvements syndicaux de l’automne et de l’hiver.
Trop d’incertitudes
« Il faut maintenant cesser de perdre du temps en nous imposant des
gesticulations théâtrales, la politique n’est pas un spectacle », a pointé Arnaud Rousseau. Dans son spectre, la
conférence de presse du Premier ministre, Gabriel Attal, à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne) qui s’était mis en scène autour de bottes de pailles. « Ce n’est pas sérieux », a-t-il dit, soulignant que « rarement, de mémoire de syndicaliste, autant de sujets ont été ouverts aussi vite à l'issue de manifestations agricoles ». La colère qui s’est exprimée a en effet permis de faire avancer certains dossiers. Ce qu’avait évoqué, quelques minutes auparavant, le président de Jeunes agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot : « Ce ne serait pas responsable de dire que rien n'avance (…) Personne ne croyait, il y a encore quelques mois, qu'on arrive à faire bouger les lignes aussi rapidement au niveau européen ». C’est le cas en France pour les dossiers sur le gasoil non routier, la proposition de loi sur les troubles du voisinage, l’avenir de
l’élevage, l’accès aux moyens de
production. « Mais trop d’incertitudes demeurent encore », a-t-il déclaré.
Assurances
du Premier ministre
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a tenté de rassurer les congressistes de la FNSEA sur ses
intentions, assurant connaître « les lourdeurs et les difficultés, les lenteurs et
parfois même, disons-le, les réticences qu’il peut y avoir à faire vraiment bouger les choses. Je sais le sentiment que vous savez que le dire ne produit pas le faire », a-t-il dit. Déclinant les avancées de ses services sur certaines urgences (GNR, maladie hémorragique épizootique-MHE,
inondations…), il a garanti que le
dispositif travail occasionnel-demandeur d’emploi (TODE) serait reconduit cette année et pérennisé. Il a par ailleurs indiqué que « le rehaussement du seuil de
dégressivité de 1,2 à 1,25 Smic sera
effectif dès le 1er mai ». De même, le
réseau des fermes de référence pour l’assurance récolte sera « opérationnel en 2025 », a-t-il promis. Marc Fesneau a également confirmé que la retraite calculée sur les
25 meilleures années serait appliquée à partir du 1er janvier 2026. « J’en ai reçu
l’assurance du Premier ministre et du président de la République. » Par ailleurs, Marc Fesneau a affirmé sa volonté
d’ouvrir le dossier de la gouvernance des agences de l’eau : « Nous avons besoin de pouvoir travailler avec les agences de l’eau en bonne intelligence, a-t-il fait valoir.
On ne peut pas être soumis à des décisions qui par trop seraient politiques. » « Il faut
du stockage de l’eau », a-t-il appuyé,
insistant sur sa volonté de faire
appliquer les décisions prises dans ce sens. Enfin, sur le projet de loi
d’orientation agricole, il a précisé que
l’agriculture serait reconnue d’intérêt général majeur, que le régime de la haie y était intégré, de même qu’un volet sur l’accélération des contentieux sur l’eau et les bâtiments d’élevage ou la
question des sanctions pour les atteintes à
l’environnement. Une chose est certaine : la FNSEA n’entend « ni marcher sur la tête, ni se laisser marcher sur les pieds », a prévenu Arnaud Rousseau.
Christophe Soulard
“On veut du sonnant et du trébuchant”
Aujourd’hui, si le mouvement initié à l’automne dernier est suspendu, les attentes dans les rangs des agriculteurs sont grandes. Tous appellent de leurs voeux un changement de logiciel rapide.
« Arrêtez d’emmerder les agriculteurs », a lancé de la tribune, Patrick Valois, vice-président « Ruralité » du conseil départemental du Nord, en paraphrasant Georges Pompidou. Celui-ci aurait vilipendé en 1966 un de ses jeunes collaborateurs de Matignon qui venait lui présenter un parapheur rempli de décrets : « Arrêtez d’emmerder les Français ». Ce jeune collaborateur s’appelait Jacques Chirac. Patrick Valois a résumé ce qu’une immense majorité des agriculteurs français pense des surtranspositions qui pèsent sur leur quotidien. D’où la nécessité pour Arnaud Rousseau, patron de la FNSEA, de vouloir « changer de logiciel ». C’est le principal message que les agriculteurs ont fait passer lors des manifestations du mois de janvier qui ont paralysé la France entière sous la bannière « On marche sur la tête ».
« Ras-le-bol »
La FNSEA a consacré une partie du congrès à revenir, sans nostalgie, sur la genèse de ce mouvement d’ampleur, le plus important du monde agricole depuis une trentaine d’années. « Un mouvement venu de loin », a témoigné Jean-Marie Dirat, secrétaire général de la FRSEA Occitanie qui voyait qu’on « ne gagnait plus d’argent », notamment en raison de l’effet ciseaux dans de nombreux secteurs, avec une hausse des coûts de production et une baisse des prix payés au départ de ferme. Les pressions extérieures comme les recours juridiques contre des installations ou des extensions de bâtiments ont agacé les syndicaux locaux. « En 2023, à cause de ces recours, on n’a installé personne en volailles dans mon département », s’est agacé Thierry Coué, secrétaire général adjoint de la FNSEA, éleveur en Bretagne. Son collègue, Romain Blanchard, a évoqué un « long sentiment de frustration, de résignation puis de ras-le-bol dans toutes les filières ». Pour lui, c’est ce sentiment qui a été « le point de bascule » pour sortir des tracteurs.
« C’est brûlant »
« Il faut encore attendre un peu avant de tirer le bilan de ces manifestations », a tempéré Arnaud Rousseau, assurant « être toujours dans la bagarre car on n’a pas terminé le temps du travail. Comment continuer le dialogue respectueux, mais ferme avec les pouvoirs publics pour sortir de cette crise par le haut ? » Si l’écoute est là, a ajouté Arnaud Gaillot, président de Jeunes agriculteurs, « elle n’est pas suffisante ». « Ce qu’on attend, c’est le déploiement des soixante-deux mesures que nous avons portées au gouvernement. Il doit répondre aux questions : Comment ? Et quand ? » a martelé le président de la FNSEA très attaché à la « culture du résultat ». En clair, le mouvement est en sommeil et les agriculteurs sur leurs gardes ? Pourrait-il reprendre ? « L’attente est toujours là, car toutes les décisions du gouvernement ne sont pas encore arrivées dans les cours de ferme et dans le portefeuille », a rappelé Thierry Coué, suivi par Romain Blanchard : « On est toujours dans le rapport de force ». Fort du soutien d’une grande majorité de la population, les manifestations pourraient reprendre s’ils n’obtenaient pas gain de cause : « C’est brûlant », a concédé Jean-Marie Dirat. « On veut du sonnant et du trébuchant, car les discours, on n’en veut plus ». Le message est on ne peut plus clair.
Christophe Soulard
ÉLECTIONS DES CHAMBRES D’AGRICULTURE 2025 / La FNSEA et JA feront liste commune
« Nous ferons liste commune FNSEA/JA » aux prochaines élections des chambres d’agriculture en janvier 2025, a indiqué, sans surprise, le président de Jeunes agriculteurs, Arnaud Gaillot, lors du congrès de la FNSEA, le 28 mars à Dunkerque. « Nous avons un calendrier », a-t-il ajouté, invitant à « ne pas céder à la précipitation. Nous avons un bon bilan. À l’issue de ces mobilisations, nous n’aurons pas à rougir de tout ce que nous avons fait ». De son côté, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a rappelé à Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, l’attitude « responsable » et les « propositions concrètes et pragmatiques » du syndicat lors des récentes manifestations. « Pensez-y, Monsieur le ministre, au moment où vous sortirez enfin les décrets relatifs aux élections chambres », a-t-il lancé, alors que des textes sont attendus pour réformer le mode de scrutin et le financement des syndicats qui découle des élections professionnelles. Et de marteler : « Il est juste de redonner toute leur place aux acteurs responsables et aux anciens exploitants qui souhaitent participer à la vie démocratique de la profession ». La piste d’une exclusion de certains retraités du corps électoral est en effet sur la table.
Agrafil
Michel Joux : “Sauvons l’excellence de notre agriculture”
Le mercredi 27 mars, deuxième jour de congrès de la FNSEA, la parole a été donnée aux représentants des régions. Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, a appelé à un « changement de logiciel » immédiat avec une administration française « au service de l’agriculture ».
Comme le veut la tradition, le 27 mars au matin, au deuxième jour du congrès de la FNSEA à Dunkerque, un temps a été consacré à l’expression des régions et des associations spécialisées. Un temps primordial de remontées de terrain révélatrices d’attentes fortes des agriculteurs qui dénoncent l’inaction de l’État après plusieurs mois de mobilisation. Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) l’a rappelé haut et fort : « Lors des mobilisations, nous sommes allés chercher un véritable contrat de confiance entre notre agriculture et notre société et une reconnaissance du travail accompli pour un monde agricole qui le mérite bien. Une reconnaissance qui doit passer par la confiance inconditionnelle de toute la société ! » Ce « contrat de confiance » ne pourra s’établir, selon le représentant aurhalpin, que si la rentabilité des exploitations agricoles françaises est au rendez-vous. « Le prix à la production est un élément clé dans la recherche de cette rentabilité, a clamé l’éleveur aindinois. C’est pour cela que la loi Égalim doit non seulement être appliquée sans restriction, mais l’outil doit également être amélioré significativement. » En ce sens, le président de la FRSEA Aura appelle à prendre en compte les indicateurs interprofessionnels de coûts de production, à renforcer l’observatoire des prix et des marges pour davantage de transparence, et à faire en sorte que la loi concerne également la restauration hors domicile.
Avoir la liberté d’entreprendre
Si un prix à la production à la hauteur demeure un prérequis pour atteindre la rentabilité, Michel Joux a également rappelé que les moyens de production en sont aussi des facteurs primordiaux. « Il est indispensable de libérer les moyens de production pour développer notre liberté d’entreprendre », a-t-il souligné avant de demander « un plan beaucoup plus ambitieux sur le prix de l’énergie, mais aussi sur les prix des services aux agriculteurs. Nous avons souvent parlé de changement de logiciel. Le changement doit se mettre en place immédiatement ! » Pour le président régional, « l’administration française doit se mettre au service de l’agriculture française, au service des agriculteurs qui sont au coeur de l’avenir de notre société. » Si les échelons territoriaux semblent « avoir compris les enjeux de l’agriculture française », le président de la FRSEA Aura déplore qu’il soit encore difficile de faire « bouger les lignes ». Toutefois, pour Michel Joux, l’espoir est encore vivace : « Je me laisse aller à croire qu’un chemin est en train de se former pour apporter des modalités indispensables aux nouvelles générations ! […] L’agriculture va devenir d’intérêt général majeur de la nation. Ce nouveau rang ne sera pas anodin. L’agriculture doit être considérée à sa juste valeur avec ses missions : nourrir nos concitoyens, créer de la biodiversité et faire vivre nos campagnes ! Soyons fiers de défendre les femmes et les hommes qui s’engagent pour nos productions. Rappelons haut et fort que nous sommes la plus belle agriculture du monde. »