FRUITS
Châtaigne : la reconquête se poursuit !

Mylène Coste
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En 2006, la filière castanéicole officialisait l’obtention de l’AOP au château de Craux, à Genestelle. 15 ans plus tard, le 27 juillet dernier, elle se réunissait une nouvelle fois dans ces lieux pour les assemblées générales du syndicat de défense et du comité interprofessionnel de la châtaigne d’Ardèche (SDCA et Cica). L’occasion de faire un bilan du chemin parcouru.

Châtaigne : la reconquête se poursuit !
De gauche à droite : Dominique Allix, président du Parc des Monts d'Ardèche, Matthieu Salel, vice-président du Département à l'Agriculture, l'Environnement et le Tourisme, Michel Grange et Daniel Vernol, présidents respectifs du Cica et du SDCA, Isabelle Massebeuf, conseillère régionale, Fabrice Brun, député, et Mickaël Giraud, élu à la Chambre d'agriculture.

S’il est une filière dynamique, c’est bien celle de la châtaigne. En Ardèche, elle fédère depuis plusieurs années déjà producteurs, transformateurs et expéditeurs, mais également élus et consommateurs, autour d’objectifs ambitieux. Cette dynamique n’est pas étrangère à l’obtention de l’AOP, il y a 15 ans déjà, qui a permis de revaloriser ce fruit longtemps méprisé. De 2007 à 2020, le prix moyen payé au producteur est passé d’à peine 1,20 € à 1,86 € le kilo. « La châtaigne d’Ardèche est aujourd’hui reconnue, et la demande est là », souligne Daniel Vernol, président du SDCA. L’objectif de la filière est donc simple : être en mesure de répondre à la demande croissante de châtaigne AOP. 

« S’engager dans un nouveau programme pour la filière »

Il manque aujourd’hui 1500 t pour satisfaire les entreprises de transformation ardéchoises. En 4 ans, le Plan régional « châtaigneraies traditionnelles »1 a déjà permis de produire 500 t supplémentaires : entre 2017 et 2020, 15 000 arbres ont ainsi été réhabilités et 9000 plantés ou greffés. Mis en place par la profession, un parc à greffons et une pépinière ont permis aux producteurs d’acquérir du matériel végétal en variétés sativa AOP, et ainsi d’accélérer le rythme des nouvelles plantations. Des démarches ciblées sur des secteurs à fort potentiel ont par ailleurs été mises en place par le Parc des Monts d’Ardèche et la Chambre d’agriculture afin d’encourager des dynamiques collectives de reconquête (créations de pistes d’accès, chantiers d’entretien…). À Aizac, Juvinas, Brahic, Beaumont, Labastide-sur-Besorgue ou encore Mayres, diverses démarches sont ainsi en cours avec les propriétaires, agriculteurs et élus locaux.

Prolongé en 2021, avec quelques nouveautés (aides à la création de pistes individuelles, à l’achat de matériel de récolte…), le plan devrait bientôt être reconduit : « La Région et le Département souhaitent s’engager dans un nouveau programme, soulignait Isabelle Massebeuf, conseillère régionale. Reste à en définir les contours avec la profession. »

L'assemblée générale s'est tenu en plein air, au château de Craux (Genestelle)
L'assemblée générale s'est tenu en plein air, au château de Craux (Genestelle).

Le défi climatique, dans toutes les têtes

La filière doit toutefois faire face à de nouvelles problématiques de plus en plus prégnantes, qui n’étaient pas sur sa feuille de route. « Trois années de sécheresse, mais aussi des aléas récurrents comme la neige ou le gel, ont fragilisé le potentiel productif », s’inquiète Daniel Vernol, président du SDCA. C’est pourquoi la profession travaille sur la connaissance du comportement des variétés, et des pratiques culturales permettant une meilleure résilience. Une étude a ainsi mis en avant les effets bénéfiques des couverts et de l’apport de matière organique pour diminuer la température des sols et limiter l’érosion. Des recherches sur la pertinence de l’irrigation ou encore des engrais verts sont en cours. « Nous manquons encore de connaissances sur la châtaigne, nous n’avons pas vraiment de visibilité sur les expérimentations qui se font dans les autres régions et pays, souligne Michel Grange, nouveau président du syndicat national des producteurs. Nous avons là un enjeu de représentation et de dialogue entre les producteurs en France et en Europe. »

Les souches hypovirulentes autorisées contre l’endothia

Si le cynips semble bel et bien vaincu, la filière doit faire face à de nouveaux défis sanitaires, et en premier lieu la maladie de l’encre qui ne cesse de progresser. Pour y faire face, des recherches de porte-greffes et plants résistants adaptés à l’Ardèche sont en cours. Par ailleurs, pour lutter contre l’endothia et le chancre, la profession a obtenu tout récemment l’autorisation d’utilisation pour 120 jours, à titre dérogatoire, des souches hypovirulentes dans la lutte contre l’encre. « C’est un soulagement pour les producteurs, affiche Éric Bertoncello, animateur du syndicat national de la châtaigne. L’objectif est maintenant d’obtenir une autorisation de mise sur le marché. » 

M.C.

1.         Financé par la Région Auvergne Rhône-Alpes, mais également le Département de l’Ardèche et l’Europe, ce plan rassemble de nombreux partenaires : SDCA et Cica, PNR des Monts d'Ardèche, Chambre d'agriculture…
La châtaigne fraîche décroche

La châtaigne fraîche décroche

COMMERCIALISATION / Si la châtaigne d’Ardèche AOP est de plus en plus convoitée par les transformateurs, elle semble boudée par les marchés du frais. Un écueil que la filière tente de dépasser. Explications.

Sur les 1500 t de châtaignes d’Ardèche AOP produites en 2020, seules 55 t ont été destinées au marché du frais. « C’est désolant, regrette David Loupiac, castanéiculteur à Désaignes. Pour le marché de la transfo, la revalorisation apportée par l’appellation est à la hauteur des ambitions. Mais sur la châtaigne fraîche, c’est un constat d’échec. » Un constat partagé par l’expéditeur Michel Chabert : « Nous avons du mal à convaincre la GMS. D’une part, le manque de régularité nous fait défaut. D’autre part, la grande distribution a tendance à considérer la châtaigne comme un fruit sec, elle est donc mal conservée et parvient souvent au consommateur desséchée, de piètre qualité. Cela nous dessert ! »

Une réalité amplifiée par la crise sanitaire et l’annulation des foires et marchés, au détriment des grilleurs. « Nous avons toutefois tenté de lancer une campagne auprès des distributeurs pour valoriser la châtaigne d’Ardèche, localement, souligne Daniel Vernol. Elle sera reconduite cet automne ! » Pour promouvoir l'AOP, le Cica a également saisi en février 2021 Vinci Autoroute pour obtenir un panneau de signalétique d’animation « Châtaigne d’Ardèche » sur les bords de l’autoroute A7.

 

Les chiffres clés de l’AOP (pour 2020)

1 500 t produites en AOP sur un total de 4 250 t de châtaignes récoltées soit :

  • 55 t pour la vente en châtaignes fraîches
  • 610 t portées aux entreprises d’expédition
  • 510 t portées aux transformateurs
  • 100 t transformées en autres produits 

317 castanéiculteurs produisent de la châtaigne AOP

10 entreprises d’expédition habilitées

3 entreprises de transformation

74 500 châtaigniers