MACHINISME
Agroéquipement : "grand frein dans les investissements"
Face à une conjoncture politique mouvementée et des coûts toujours plus importants, la filière du machinisme a bien du mal à tirer son épingle du jeu. Le point avec Fabrice Boleis et Jean-Marc Bosson, respectivement président de la fédération Bourgogne-Franche-Comté et de la fédération Rhône-Alpes du Syndicat national des entreprises de service et distribution du machinisme agricole, d’espaces verts et des métiers spécialisés (Sedima).
Quel bilan dressez-vous de la situation du marché de l’agroéquipement à l’issue du premier semestre 2024 ?
Jean-Marc Bosson : « C’est en bilan en dents de scie, avec un volume d’affaires toutefois stable. La météo capricieuse a freiné les achats de printemps, notamment de matériel de fenaison, mais les ventes ont ensuite redémarré. Nous sommes plus inquiets pour la suite. »
Fabrice Boleis : « Nous avons eu de la chance d’avoir maintenu notre marché, notamment celui du tracteur qui n’a subi que 5 % de baisse. Nous avons connu une baisse des ventes du matériel de récolte (- 15 % pour les moissonneuses), avec un transfert vers les énergies vertes (+ 25 % pour le marché de l’ensileuse). Les plus grosses chutes concernent le matériel d’accompagnement (- 15 à - 20 %) et les matériels d’occasion (- 20 à - 30 %). Globalement, nos clients ont fait l’impasse sur certains investissements pour réaliser des achats plus raisonnés. »
Quelles sont les perspectives sur les ventes de cette fin d’année ?
J.-M. B. : « Nos portefeuilles de commandes s’amenuisent. Dans une ambiance plutôt morose, après des
récoltes qui ne sont pas à la hauteur des espérances et la hausse des coûts de l’énergie, nous ressentons un grand frein dans les investissements. Nous n’avons pas vraiment d’éléments rassurants pour les semaines et mois à venir, d’autant plus avec les évènements politiques… Toutefois, les constructeurs commencent à revoir leurs tarifs ou nous proposer des déstockages… Cela se ressentira peut-être sur les prises de commandes à l’automne. »
F. B. : « Selon les prévisions, le marché du tracteur serait en baisse de 10 à 20 % par rapport à l’an dernier, tandis que les prises de commandes de matériels de récolte vont continuer à baisser. La problématique consistera à écouler les stocks et faire rentrer les finances… Compte-tenu des conditions climatiques peu favorables et des récoltes en demiteinte, les investissements ne vont pas repartir à la hausse. La politique
économique mondiale va également avoir une incidence très forte, notamment à la suite des élections américaines. Sans faire de la sinistrose, nous ne sommes pas à l’euphorie. »
L’enjeu de la main-d’oeuvre est-il toujours d’actualité ?
J.-M. B. : « C’est l’un de nos principaux soucis. Nous avons du mal à recruter dans tous les postes. Nous devons remonter la pente de trente années de dénigrement de la profession, et cela est compliqué. Aussi, nous faisons face à un manque de connaissance auprès des jeunes. Les collégiens, par exemple, ne connaissent pas les métiers. Selon moi, les stages découverte d’une semaine ne sont pas suffisants. Il est difficile de faire sortir les étudiants de leur collège ou lycée pour qu’ils viennent à notre rencontre, qu’ils voient ce que l’on fait, les métiers que nous proposons… Aujourd’hui, je ressens une forte inquiétude quant à la pérennité de nos métiers. Ce n’est pas qu’une question de salaire… »
F. B. : « Plus que jamais, le recrutement de main-d’oeuvre est une nécessité, dans tous les domaines (technicien, vendeur, accompagnement clientèle, etc.). Il manque toujours 5 % des effectifs en moyenne dans les concessions. Pour tenter de contrer cette carence, nous ouvrons nos portes aux stages et à l’apprentissage, nous allons à la rencontre des étudiants, nous travaillons notre visibilité sur les réseaux sociaux, etc. »
À quels autres enjeux le Sedima doit-il répondre à l’avenir dans nos régions ?
J.-M. B. : « Si le recrutement est un enjeu majeur, celui d’assurer la pérennité de nos entreprises l’est tout autant. De gros groupes se forment aujourd’hui, au même titre que dans l’automobile. Les constructeurs veulent réduire et concentrer le nombre de concessionnaires, alors que nos contrats de distribution sont renouvelables et donc précaires… Aujourd’hui, notre historique n’a plus de valeur… Face à cette pression, nous devons sans cesse nous réadapter. »
F. B. : « Nous devons nous montrer toujours adaptables aux nouvelles attentes des agriculteurs, en termes de solution digitale ou d’intelligence artificielle par exemple. Par ailleurs, il va nous falloir être capable – au niveau des concessions – de passer ces périodes difficiles à gérer en termes de trésorerie. »