CIRCUIT COURT

Une épicerie mobile parcourt le plateau ardéchois

« Vous avez encore du jus de citron ? », « la moutarde est forte ? » Sa liste de courses à la main, Pierre-Luc profite, chaque semaine, du passage des Délices du terroir pour faire ses courses. À Silhac, Alicia Delorme et son épicerie itinérante livrent cet habitant et Nadine, sa voisine, directement à domicile. « Ils ont du mal à se déplacer alors je passe chez eux avant de m’installer au centre du village, explique Alicia. Quand c’est comme ça, on s’arrange selon ma tournée. »

Comme chaque jeudi, après sa livraison, elle stationne l’épicerie mobile au centre du village de Silhac. Une fois la porte arrière ouverte, pour donner accès aux rayons, et l’étal de fruits et légumes sorti, elle est prête à accueillir ses clients. En période scolaire, les parents d’élèves se pressent avant d’aller récupérer leurs enfants dans l’école voisine. L’été, en revanche, l’activité est plus calme. Pourtant, qu’il fasse un soleil de plomb ou des pluies diluviennes, certains ne manquent jamais ce rendez-vous hebdomadaire. Ce jeudi-là, à peine le camion est-il garé que déjà s’approche une cliente. Marie-Claude est souriante, blagueuse, et à 80 ans cette sortie est pour elle une manière de refaire du lien avec les Silhareins et de se tenir au courant. Elle s’installe sur une chaise, à l’ombre, près du camion et donne sa liste de courses à Alicia. Tranquillement, la jeune femme lui déniche tout ce dont elle a besoin.

La volonté de vivre sur le territoire

Pour ces personnes âgées, Alicia et ses Délices du terroir offrent une dose de bonne humeur et l’opportunité de faire des provisions de qualité. Car les 170 produits disponibles ont été minutieusement choisis, selon des critères bien précis : la qualité des ingrédients, leur provenance et le lieu de transformation, ainsi que le type de contenants. « Je préfère du verre ou du vrac quand c’est possible », précise Alicia. Et évidemment, parmi ses fournisseurs, la majorité sont des Ardéchois et des Drômois. Des légumes, en passant par les pâtes, la charcuterie, les fromages et même les savons… Dans la région, ce ne sont pas les productions qui manquent !

Pour compléter sa gamme et proposer un maximum de produits du quotidien, Alicia a également élargi ses horizons. Son fournisseur le plus éloigné est installé en Bretagne, il fabrique des crèmes et des dentifrices, « avec des ingrédients simples et des produits de qualité », assure l’épicière.

« Dans mon parcours, j’ai toujours été en lien avec la valorisation des produits locaux », détaille Alicia. En alternance à Ardèche le Goût pendant son master en économie sociale et solidaire (ESS), elle a ensuite été animatrice de Bienvenue à la Ferme à la chambre d’agriculture de la Drôme, avant de revenir s’installer dans son « coin », à Mariac. « J’avais la volonté de vivre sur ce territoire et de le dynamiser », assure la jeune femme. L’idée d’une épicerie itinérante de produits locaux commence alors à germer… Une manière de lutter contre l’isolement et la désertification des commerces, tout en proposant une consommation responsable aux habitants.

« Alicia, sous la pluie, en hiver, elle est toujours là »

Outre le service de proximité qui était un réel besoin pour les personnes âgées, d’autres habitants de Silhac sont aussi sensibles à la démarche d’Alicia. Comme Pascal pour qui la consommation locale est une évidence : « Je tiens à soutenir ce type d’initiative ! » Et si le prix est parfois plus élevé qu’en grandes surfaces, pour lui, ça ne reflète pas la réalité : « Si on prenait en compte, dans le prix d’achat, le coût de la pollution lié au transport et au traitement des déchets, on aurait tout intérêt à aller vers ce type de produits ! » En faisant ces provisions dans le camion, il croise d’autres habitants : une maraîchère du village, ou encore Gabrielle, venue d’un hameau à sept kilomètres de là. « Je n’aime pas aller dans les magasins, précise-t-elle. Mais Alicia, sous la pluie, en hiver, elle est toujours là… Et surtout, ses produits sont délicieux ! »

Des délices qui peinent, pourtant, à séduire le plus grand nombre. Si à Silhac, les clients sont réguliers, ce n’est pas le cas dans tous les villages. « Je rembourse les frais, mais je ne me paye pas encore », précise Alicia qui a lancé son activité il y a un peu plus d’un an. Les « préjugés persistants » restent, pour elle, un frein au développement de son épicerie, dans une zone où la concurrence est pourtant quasi inexistante. « Certaines personnes ont leurs habitudes de consommation et pensent que si ce ne sont pas les marques des grandes surfaces, ça ne va pas leur plaire. Ou elles se disent que c’est forcément trop cher, analyse Alicia Delorme. Ce n’est pas forcément le cas… Tout dépend de sa manière de consommer. Et ici quand on prend du sirop, il est fait avec de vraies fraises et pas avec des arômes ! » Mais la jeune femme ne baisse pas les bras, il suffit de quelques clients de plus pour que son concept devienne réellement viable. Un simple « changement d’habitude » qui pourrait progressivement entrer dans les mœurs.

Pauline De Deus