ALÉAS CLIMATIQUES
En Nord-Ardèche, les exploitations victimes de la grêle

Pauline De Deus
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Mercredi 30 août, à l'invitation de la FDSEA et les JA de l'Ardèche, les services de l'État, la profession agricole et les élus du territoire ont visité plusieurs exploitations touchées par la grêle. Dans les vignes et les élevages, les dégâts sont considérables.

En Nord-Ardèche, les exploitations victimes de la grêle
Le tunnel percé de toute part a laissé les 100 mm de la pluie s'infiltrer sur les bottes de paille tout au long du week-end. ©AAA_PDeDeus

Aux alentours de 18 heures, vendredi 25 août, Vincent Brunel est en salle de traite quand l'orage éclate. Pendant une quinzaine de minutes, sur la tôle, les grêlons s'écrasent dans un fracas épouvantable. Puis plus rien. « Ce n'est que le lendemain que je me suis rendu compte des dégâts », raconte l'éleveur de Saint-Alban-d'Ay. Tunnel transpercé, toiture trouée... Samedi, les pluies tant attendues se sont finalement abattues sur le nord de l'Ardèche au pire moment. Qu'il s'agisse de la paille, du foin ou des céréales, toute la récolte de Vincent Brunel risque désormais d'être inutilisable.

Silos, boudins et enrubannages percés de toute part

Même constat au Gaec Chardon, quelques kilomètres plus loin, sur la commune de Roiffieux. Deux jours seulement après la récolte de maïs, les silos, boudins et enrubannages ont été percés de toute part. Samedi 26 août en matinée, en urgence, Aurélien Feasson a cherché à se procurer des bâches pour limiter la casse. Aidé par d'autres agriculteurs du secteur, il a pu tout couvrir dans la journée. Cela aura-t-il suffi à sauver la récolte ? Impossible de s'en assurer. « L'impact n'est pas immédiat, on va voir au fil du temps en donnant la nourriture à nos vaches », explique le jeune éleveur laitier.

Face à ces intempéries, les assurances vont travailler au cas par cas. Et puisque la récolte n'était plus dans les champs, les indemnisations relèveront du dispositif assurantiel classique. Le tout, selon les constations des experts, mais surtout, selon le contrat de chacun et la vétusté des bâtiments et du matériel. Et c'est là où le bât blesse... Car rares sont ceux qui savent vraiment ce que leur assurance prend en charge ou non. « En fin de saison, au moins une fois tous les 3 ou 4 ans, c'est important de rencontrer son conseiller pour voir si l'assurance est en adéquation avec les besoins de l'exploitation », conseille Alain Moins, vice-président au Crédit agricole Sud Rhône Alpes et représentant de Pacifica.

30 à 70 % de perte dans les vignes

Plus au nord, c'est sur la vigne que ces intempéries ont fait d'importants dégâts. À l'image du Gaec Duclot, sur les hauteurs de Sarras, plusieurs viticulteurs déplorent des pertes de rendements allant de 30 à 70 %. Sur ce domaine, ce sont les deux hectares de blanc (Saint-Joseph et Viognier) qui semblent les plus touchés (de 50 à 70 % de perte), tandis que 30 à 50 % de perte sont estimés sur les 5 ha de rouge (Saint-Joseph). Installé depuis peu avec son père, Corentin Duclot est amer : « Entre le risque de champignons, la perte directe des baies écrasées et l'arrêt de la maturité, il y a une perte de rendement, mais aussi de qualité. » Sans compter la perte de temps, avec le minutieux travail de tri au moment des vendanges. « On va attendre au maximum avant de vendanger, être vigilant et essayer de sortir un bon millésime malgré tout », conclut Corentin Duclot.

Car si le Gaec a eu la bonne idée de signer un contrat d'assurance récolte cette année, le préjudice n'est pas seulement financier. Alors que le domaine a redirigé son activité en devenant vignerons indépendants depuis deux ans (auparavant coopérateurs), il faudra pouvoir fournir des volumes suffisants aux clients. Au risque de perdre des marchés.

Pauline De Deus

Les agriculteurs non assurés invités à déclarer leurs dégâts

La DDT demande aux agriculteurs non-assurés qui auraient été touchés par la grêle de l'informer de leurs dégâts sur www.demarches-simplifiees.fr. Cela permettra d'organiser des missions d'enquête et d'étudier si les pertes sont de nature à émarger à l'indemnité de solidarité nationale (ISN).

Assurance récolte : « une année de rodage »
Les élus du territoire, la chambre d'agriculture, les élus des assurances et la MSA avaient répondu à l'invitation de la FDSEA et des JA de l'Ardèche. ©AAA_PDeDeus
RENCONTRE

Assurance récolte : « une année de rodage »

La visite du mercredi 30 août a aussi été l'occasion d'évoquer la nouvelle assurance récolte et les problématiques soulevées par cette réforme.

« On a encore du mal à avoir une idée de la couverture assurantielle », reconnaît Fabien Clavet, chef du service agriculture à la direction départementale des territoires en Ardèche. Si l'aide PAC - qui permet d'obtenir un remboursement de 70 % des cotisations et primes de l'assurance récolte – a certainement incité les exploitations à s'assurer, ce n'est pas encore le cas de tous les agriculteurs. Il faut dire que la marge de progression est large : en 2020, moins d'un quart des surfaces agricoles françaises étaient assurées face aux risques climatiques. D'ici 2030, le ministère de l'Agriculture espère doubler ce chiffre. C'est d'ailleurs l'un des objectifs de la réforme assurantielle entrée en vigueur au 1er janvier 2023.

La moyenne olympique pointée du doigt

Mais pour y arriver encore faut-il que les agriculteurs aient intérêt à assurer leurs récoltes... Depuis quelques années, avec le changement climatique, les rendements ne cessent de baisser sur les exploitations. Or, l'indemnité d'assurance récolte est basée sur une moyenne triennale ou olympique. Le potentiel de rendement est donc calculé en faisant la moyenne des rendements de ces 3 dernières années ou de ces 5 dernières années en enlevant la meilleure et la moins bonne année. 

Mathématiquement, si les rendements baissent cette moyenne est tirée vers le bas. Une exploitation qui aurait subi un épisode de grêle en 2020, un épisode de gel en 2021, une sécheresse en 2022, se retrouverait donc avec une moyenne de rendement sur trois ans très faible. « Si vous assurez 5 hectolitres par hectare, est-ce que ça vaut le coup ? », interroge Frédéric Bosquet, président des caisses Groupama en Ardèche, face à la secrétaire générale de la préfecture Isabelle Arrighi. Si cet arbitrage se joue au niveau européen, la haute fonctionnaire assure être là pour porter ses messages au niveau national. « Cette réforme est toute neuve, on est sur une année de rodage, insiste-t-elle. Des journées comme aujourd'hui sont nécessaires pour améliorer ce système. »

Comprendre la nouvelle gestion des risques

Depuis le 1er janvier 2023, le principe des calamités agricoles a disparu. Désormais, les sinistres liés aux aléas climatiques sont intégrés au nouveau dispositif de couverture des risques.

1- Trois étages : de quoi s'agit-il ?

Première étage : les pertes de faible intensité. Le seuil de déclenchement de l'assurance récolte est fixé à, au minimum, 20 % de perte. Jusqu'à 20 % de perte de récolte, il s'agit de la franchise, aucune indemnisation n'est donc versée.
Deuxième étage : les pertes de moyenne intensité. Dès que le sinistre touche plus de 20 % de la récolte c'est l'assurance récolte qui se déclenche, selon le contrat souscrit.
Troisième étage : les pertes importantes. Dès lors que plus de 50 % de la récolte de céréales, de légumes ou de vigne est touchée par un aléa climatique, l'indemnité de solidarité nationale (ISN) est versée en complément de l'assurance. Pour les autres productions, et notamment l'arboriculture et les prairies, l'ISN se déclenche dès lors que 30 % de la récolte est sinistrée.