SOCIAL
Un engagement renouvelé pour les publics agricoles fragiles

Les membres du comité de pilotage Regain étaient réunis, jeudi 30 novembre à la MSA à Privas, pour dresser le bilan de l’accompagnement apporté aux agriculteurs en difficulté sur l’année 2022 et présenter les tendances de 2023.

Un engagement renouvelé pour les publics agricoles fragiles
Les responsables et représentants des différentes structures membres du comité de pilotage Regain Réagir. ©AAA_AL

Le dispositif Regain, rebaptisé Regain Réagir, s’inscrit dans une démarche partenariale entre le conseil départemental de l’Ardèche, la chambre d’agriculture et la MSA, avec le soutien de la Dreets1, dans l’objectif d’accompagner les agriculteurs qui rencontrent des difficultés. Depuis 30 ans, cet outil vise à les aider à reconstruire un projet de vie et un projet professionnel en agissant sur les plans social, familial et professionnel afin d’améliorer leur revenu, accroître leur autonomie et ainsi permettre leur intégration sociale et professionnelle. Des moyens à la fois humains et financiers peuvent être déployés pour leur venir en aide, à travers l’accompagnement en binôme de travailleurs sociaux MSA et de conseillers d’entreprise de la chambre d’agriculture avec des appuis spécialisés en interne et en externe. Diverses actions collectives sont proposées également, pour se former en vente directe, effectuer sa déclaration Pac, prendre soin de sa santé, faire face aux difficultés (« Avenir en soi ») et rompre avec l’isolement (actions vacances, journées détente, BSV2).

Un dispositif « reconnu et efficace »

Réunis le 30 novembre dans les locaux de la MSA à Privas, les membres du comité de pilotage Regain Réagir ont dressé le bilan des actions menées en 2022 et des tendances de l’année 2023, « donner des orientations en tenant compte des réalités de nos moyens et des besoins des agriculteurs », explique Henry Jouve, président de la MSA Ardèche Drôme Loire. « Nous avons décidé de continuer à accompagner tous les agriculteurs en difficulté », a souligné Sylvain Balmelle, vice-président de la chambre d’agriculture de l’Ardèche. « Regain est un dispositif reconnu et efficace, qui nous permet de faire remonter des informations concernant des personnes en difficulté le plus tôt possible. » Les personnes accompagnées restent deux ans en moyenne dans le dispositif, près de 38 % n’en sortent qu’à la 4e année voire plus.

« La difficulté est toujours là, avec des aléas climatiques, sanitaires, des crises, qui contribuent à mettre les gens en difficulté », constate Henry Jouve. Les récentes évolutions du contexte socio-économique des exploitations agricoles sont nombreuses, ajoute-t-il : diversité des crises sanitaires et croissance des événements climatiques, pression de l’environnement, essor des installations hors cadre familial sous l’effet du Covid, nouveaux modèles de production, de commercialisation et d’organisation du travail, crises géopolitiques, inflation… Autant d’évolutions majeures susceptibles de fragiliser l’équilibre économique des exploitations et la situation sociale des agriculteurs.

Des besoins importants sur le volet économique et financier

En 2022, le dispositif Regain Réagir a accompagné près de 240 exploitants agricoles bénéficiaires du RSA (BRSA), en très légère baisse, et 128 non BRSA dont un peu moins de la moitié ne bénéficiaient ni du RSA ni de la prime d’activité (PPA). Des exploitants situés en majorité dans le centre et le sud-ouest du département. Si les difficultés peuvent être d’ordre social ou professionnel, on constate qu’une très grande majorité d’entre eux sont accompagnés sur le volet économique et financier (227 BRSA et 89 non BRSA) : aide à la restructuration de dettes, mise en place d’échéanciers, accès aux aides, mise en relation avec des conseillers techniques spécialisés, etc.

Ces dernières années, « nous constatons l’arrivée de nouveaux porteurs de projets agricoles, un nouveau public qu’il faut accompagner car il peut se trouver en forte difficulté », prévient Martial Peucelle, chef du service entreprises de la chambre d’agriculture. Des projets qui manquent parfois de viabilité économique pour s’assurer un revenu suffisant, et des exploitants « noyés sous la charge des compétences nécessaires à avoir, notamment quand ils mènent différents ateliers ». Sylvain Balmelle d’appuyer ce message, particulièrement pour la filière maraîchage qui a le vent en poupe auprès des candidats hors cadre familial, mais aussi pour la filière élevage : « Il serait judicieux de rappeler les difficultés de travail liées à ces filières, donner plus d’éléments pour calibrer les projets d’installation, prévenir les candidats et analyser les carences que peuvent rencontrer les exploitants en difficulté pour mieux les orienter ». Marcelle Peucelle de rappeler les atouts d’une installation progressive, notamment pour des candidats qui disposent seulement de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) pour se lancer. Les échanges ont porté sur les aides pouvant être apportées : « Le RSA n’est pas une forme de subvention mensuelle pour développer son activité […] Il faut faire preuve de réalisme sur certaines situations », a indiqué le vice-président du Département en charge de l’agriculture, de l’environnement et du tourisme, Matthieu Salel.

Regain Réagir n’accompagne pas que des petites structures non viables, ont rappelé les travailleurs sociaux : « Il y a aussi beaucoup de grandes exploitations qui fonctionnent bien mais ont rencontré un accident de vie, une problématique conjoncturelle ou climatique qui a percuté la santé économique de l’exploitation et la santé de l’exploitant. » Dans ce contexte, le déclenchement d’aides publiques a permis de soutenir leur revenu et de les aider à rebondir.

Aide au répit : « un problème d’état d’esprit »

Dans le cadre de l’aide au répit déployée par la MSA, 8 exploitants actifs travaillant principalement en maraîchage/horticulture ou en élevage ont pu en bénéficier en 2022 pour un total de 28 jours de remplacement accordés (entre 2 et 10 jours selon la situation), dont 6 BRSA. Un peu plus de la moitié d’entre eux étaient âgés de plus de 51 ans. Des chiffres assez faibles au regard des besoins. « Nous ne manquons pas de remplaçants, nous avons un problème d’état d’esprit sur ce sujet-là. Beaucoup d’exploitants ne sont pas organisés pour être remplacés ou ils ne le veulent pas et malheureusement le déclic arrive à l’issue d’un accident », indique Jean-Marc Giraud, président du service de remplacement en Ardèche. Pour 2023, les chiffres sont en nette augmentation : plus d’une centaine de jours de remplacement ont été accordés au 30 septembre dernier dans le cadre du dispositif Regain Réagir.

Enfin, le développement du réseau Sentinelles a été évoqué. Composé de bénévoles formés, il intervient sur le repérage et l’orientation des personnes en situation de mal-être ou de détresse. L’Ardèche ne dispose que de 36 personnes au sein de son réseau.

A.L.

1. Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.

2. Bourse solidarité vacances.

Les tendances de l’année 2023
De gauche à droite : Matthieu Salel, vice-président du Département en charge de l’agriculture, de l’environnement et du tourisme, Henry Jouve, président de la MSA Ardèche Drôme Loire, et Sylvain Balmelle, vice-président de la chambre d’agriculture de l’Ardèche. ©AAA_AL
À NOTER

Les tendances de l’année 2023

Au 30 septembre 2023, le dispositif Regain avait accompagné 365 dossiers sur l’année, avec une forte proportion de personnes âgées de 25 à 44 ans (58%), d’accompagnements portant à la fois sur le volet social et le volet économique ou professionnel (46%) et de bénéficiaires du RSA (72%). Ces derniers se composent majoritairement de personnes ayant des enfants à charge et/ou isolées, dont 97 femmes et 166 hommes. Durant cette même période, 72% de sorties positives du dispositif ont été recensées, en raison principalement de l’amélioration de la situation des personnes suivies.

Pour l’année 2024, Regain Réagir entre dans un dispositif d’appels d’offres pluriannuel (2024-2027), « avec une prise en charge un peu différente mais un accompagnement similaire apporté aux agriculteurs en difficulté », explique Sylvain Balmelle. « Nous sommes passés d’une convention partenariale à un marché spécifique aux bénéficiaires du RSA sur le département pour clarifier les choses juridiquement et nous permettre de continuer à soutenir le dispositif Regain », ajoute Matthieu Salel.

A.L.