CRISE SANITAIRE
La solidarité à l'épreuve du Covid-19

Alison Pelotier & S.C.
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CRISE SANITAIRE / Depuis le 17 mars, la France, comme une bonne partie du reste du monde, est confinée pour faire face au Covid-19. Crises sanitaire, économique, sociale, cette situation inédite n’épargne personne et fragilise, encore un peu plus, les plus défavorisés d’entre nous. Comme souvent dans les coups durs, la solidarité s’organise pour aider les plus démunis, et dans ce domaine, l’agriculture n’est pas en reste.

La solidarité à l'épreuve du Covid-19
Sur les trois premières semaines de confinement, Solaal a collecté 340 tonnes de produits dont 90 % de fruits et légumes.

À l’heure où les Français s’interrogent sur l’impact économique de la crise sanitaire du Covid-19, des actions de solidarité se mettent en place pour soutenir les agriculteurs de l’Hexagone mais aussi ceux des pays en voie de développement pour qui les conséquences risquent d’être dévastatrices. Dans le même temps, Solaal, association qui facilite les échanges entre agriculteurs et associations d’aide alimentaire, a vu ses dons augmenter depuis le début du confinement. Sa présidente, Angélique Delahaye, revient sur l’implication des agriculteurs français dans le soutien aux plus démunis.

Comment Solaal et les associations d’aide alimentaire se sont-elles organisées pour faire face à la crise du Covid-19 ?

Angélique Delahaye : « Cette crise sanitaire a donné lieu à des situations inédites. Les agriculteurs dont les circuits de distribution ont été perturbés se sont retrouvés avec des produits périssables sur les bras pour lesquels il a vite fallu trouver des solutions. De leur côté, les associations d’aide alimentaire ont connu des demandes grandissantes de la part des populations fragiles, alors que leur organisation interne s’est rapidement déstructurée. Moins de salariés, moins de bénévoles... Le confinement les a mises à rude épreuve. Elles ont vu arriver énormément d’étudiants qui, du jour au lendemain, ont dû arrêter leurs petits boulots. Elles ont dû répondre aussi à beaucoup de femmes seules avec enfants. Quant à Solaal, nous avons atteint 10 % de notre vo- lume annuel dans les trois premières semaines du confinement. Nous avons rapidement été confrontés à des pro- blèmes de circulation et de logistique. Ayant des poids lourds qui roulent à vide pour revenir aux entrepôts, Carrefour, notre partenaire historique, et d’autres entreprises de transport, nous ont mis à disposition des camions pour mener nos dons à destination. »

Quels produits de première nécessité sont les plus demandés par les associations en cette période de confinement ?


A.D. : « Absolument tous ! Les associations manquent de tout : de fruits et légumes, de produits frais, de produits d’hygiène, notamment de couches pour bébé. Et je crains que les choses s’empirent. En tant que maraîchère, je me suis rendue compte qu’il y avait tout un tas de produits qu’on ne mettait pas sur le marché car considérés hors normes, au calibrage non standardisé. Il s’agit de fruits et légumes, parfois trop gros, parfois trop petits, ayant des formes inhabituelles... En tant que producteurs, nous avons l’habitude de les manger car ils sont tout à fait comestibles, mais le consommateur n’a pas l’habitude de les voir. Les associations ont accepté de les récupérer. Ce sont des petites quantités mais ne dit-on pas que ce sont les petites gouttes d’eau qui forment les grandes rivières ? Nous sommes aussi en train de nous renseigner sur le retrait communautaire. En effet, en cas de difficulté à vendre la production, les règles européennes prévoient la possibilité de réaliser des retraits de fruits et légumes du marché, en dédommageant les agriculteurs. Nous travaillons avec l’ensemble des parties prenantes afin que le gouvernement puisse monter son dossier et mettre en place cette mesure exceptionnelle. »

Combien de repas ont été distribués aux personnes les plus démunies pendant la crise?


A.D. : « Depuis le début de la crise, une très grande variété de produits a afflué vers les associations d’aide alimentaire. Nous en avons collecté 340 tonnes, soit 680 000 repas sur les trois premières semaines de confinement, dont 90 % de fruits et légumes, des produits en très forte demande. Les agriculteurs ont montré une grande solidarité envers le monde associatif. Solaal a vu son nombre de donateurs doubler dans les quinze premiers jours. Les agriculteurs ont répondu présents dans le souci premier de ne pas gaspiller les denrées alimentaires. Il s’agit de l’un des trois piliers de Solaal portés par son fondateur, Jean-Michel Lemétayer, sans oublier le rééquilibrage du bol alimentaire des populations en précarité et l’accompagnement des agriculteurs en situation de mévente. »


Solaal aide les plus démunis mais souhaite aussi trouver des solutions pour les agriculteurs. Qu’a-t-elle prévu pour accompagner les producteurs de fromages sous appellation en grande difficulté en ce moment ?


A.D. : « Grâce à des financements par région ou par département, nous allons mettre en lien les organisations de pro- ducteurs avec les associations d’aide alimentaire. Nous allons essayer de faire acheter les fromages sous appellation à prix coûtants pour éviter que les éleveurs cumulent trop de stocks. Selon le type de fromage, ils n’ont parfois même pas la possibilité de stocker et doivent jeter une partie de leur lait, en essuyant des pertes sèches. Nous sommes en train de fixer le cadre sanitaire pour que nos associations partenaires, qui ne sont pas équipées de rayons de découpe règlementés, puissent quand même vendre ces fromages. Pour cela, il va nous falloir l’aide des industriels. Ils devraient s’occuper de la découpe des meules et de l’emballage sous-vide des fromages avant d’entamer la distribution au sein des différentes associations. »

Quelles conclusions pouvez-vous tirer de cette crise sanitaire inédite ?


A.D. : « Au-delà de toutes les difficultés que nous avons dû affronter, cette crise sanitaire a créé un lien social entre les agriculteurs et les associations que nous n’avions pas soupçonné. Malgré les adversités, les producteurs se sont aperçus qu’ils pouvaient faire du bien autour d’eux. Ils se sont dit : « Finalement je ne perds pas tout, je continue à faire du bien à quelqu’un ! » On touche clairement à l’affect des personnes. On a tendance à croire que les agriculteurs en détresse se replient souvent sur eux-mêmes. Là, ils nous ont prouvé le contraire. Derrière leur don, on s’est aperçu qu’il y avait, certes, un vrai appel au secours mais aussi un grand élan de solidarité. »

Propos recueillis par Alison Pelotier

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FNSEA-VINCI / Des paniers pour les chauffeurs de poids lourds


Dans la foulée de la convention de partenariat signée à l’occasion du Salon de l’agriculture, la FNSEA et Vinci Autoroutes ont pris l’initiative commune d’offrir aux routiers des paniers de produits locaux, de fruits et légumes et de fromages. Une première distribution s’est déroulée les 29 et 30 avril sur le parking de la boutique des Ulys de Saint Arnault-en-Yvelines, sur l’A10 et A11. D’autres distributions sont prévues dans le courant du mois de mai près de Toulouse, Angers, Tours et Bourges.


AURA / Des entreprises mobilisées


Dérogation en main, une cinquantaine d’entreprises d’Auvergne Rhône-Alpes ont été mises à contribution pour réorienter leur production afin de participer à la lutte contre la propagation du virus Covid-19. La distillerie de Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche) a fourni de l’alcool à Greentech (Puy-de-Dôme), spécialisée dans les produits cosmétiques et pharmaceutiques, qui a réorienté sa production pour fabriquer du gel hydroalcoolique. Centre Pharma a procédé à la mise en flacon, donnés par Danone. Orapi Hygiène (Ain), Phytema (Savoie) et Labojal (Rhône) produisent également du gel hydroalcoolique. Real Inox (Loire) fabrique des distributeurs de gel hydroalcoolique. Les équipes d’Evian viennent en aide et livrent gratuitement 50 000 flacons chaque semaine à desti- nation des officines pharmaceutiques. Enfin, Sodevi (Puy-de-Dôme) produit du gel et des gants à usage court. Pour les masques, les contributions sont toutes aussi nombreuses. Boldoduc (Rhône), spécialisé dans les textiles techniques, a reconfiguré sa production pour faire des masques prêts à l’emploi. Thé à Coudre (Puy-de-Dôme) répare et crée des masques en tissu. Ouvry (Lyon), spécialisé sur les risques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques) a travaillé depuis plusieurs mois sur la conception d’un masque réutilisable 100 fois. Les tissages de Charlieu (Loire), fabriquant de tissus jacquard, sont parmi les premiers à avoir réorienté leur production pour fabriquer des masques en tissu, en kit. Spécialiste des emballages industriels, IPS groupe (Haute-Loire) a proposé une surblouse jetable en plastique avec des manches amovibles. ACETT (Ain) fabrique et monte des masques de protection. Brave (Savoie) a fait un don de 2 000 masques FFP2. Porcher Industries (Isère), spécialisé dans les matériaux techniques alliant textile et chimie et Faurecia (équipementier automobile) proposent des masques textiles en grande quantité et réutilisables. Tissage Carret (Savoie) et Henitex (Loire) proposent des masques en tissu. Savoy International (Haute-Savoie) produit un modèle de masque de protection. Pigagnol (Cantal), fabriquant de parapluies haut de gamme, produit des blouses lavables. L’entreprise Comas (Ain), spécialiste de l’emballage en bois, et Harmonyl 2 (Isère), fabriquant de boîtes à bonbons, ont produit des visières et plaques de protection. Le lycée Louis Armand à Chambéry a lui aussi produit plus de 1 000 l de solution hydroalcoolique chaque semaine pour les Ehpad, les forces de l’ordre et l’ensemble des services publics de Savoie.

S.C.