AVICULTURE
L’interprofession veut préserver la souveraineté alimentaire

Dans un contexte géopolitique tendu, pour soutenir les éleveurs français, l’Anvol plaide pour une réduction des importations de poulet standard des pays tiers et l’instauration de clauses miroirs.

L’interprofession veut préserver la souveraineté alimentaire
Yann Nédélec, directeur de l’Anvol. ©L.G.

Face à une nouvelle hausse des importations de poulet, la défense de la souveraineté alimentaire française reste le cheval de bataille de l’Anvol1. Son directeur Yann Nédélec a expliqué à Valence (Drôme) le 23 novembre que ce combat passe notamment par l’instauration de clauses miroirs aux accords commerciaux en cours. « Les importations doivent être soumises aux mêmes obligations que les volailles françaises et non à leur simple équivalence, et proposer une qualité de produit similaire aux consommateurs. » Toutefois, le contexte géopolitique complique la situation, notamment dans le cas de l’Ukraine. Pour stopper une concurrence ukrainienne jugée déloyale mettant en difficulté la filière française, l’interprofession demande au ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire d’activer la clause de sauvegarde pour empêcher la poursuite des importations de viande de poulet, à droit nul et sans limite de volume, dans le cadre de l’accord commercial entre l’Union européenne et l’Ukraine, renouvelé le 6 juin pour un an. Une demande vaine jusqu’alors. L’interprofession met en avant que ces avantages accordés par l’Union européenne à l’Ukraine depuis le début de la guerre bénéficient essentiellement dans ce secteur de la volaille à la société agro-industrielle MHP2. « Une société qui représente 90 % des produits avicoles ukrainiens exportés et travaille avec des abattoirs dans des pays limitrophes de l’Union », ajoute Yann Nédélec. Il s’agit donc de mieux identifier les flux de volailles provenant de ce pays et transitant par la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne ou les Pays Bas.

Faire la promotion de l’élevage

Le directeur de l’Anvol a rappelé qu’un groupe élevage est en création à l’Assemblée nationale. « Il est urgent de construire un récit pour faire la promotion de l’élevage en général ». Toutefois, la conjoncture inflationniste ne facilite pas la mise au point d’un discours évident pour la volaille de chair. L’augmentation des prix fait apparaître le poulet standard comme un relais de croissance, mais comment soutenir son développement sans mettre plus en difficulté le poulet bio et le Label Rouge qui représentent 20 % de la production française ? Les interrogations économiques, un durcissement annoncé de la réglementation européenne à venir sur le bien-être animal et les normes visant les installations classées ne facilitent pas le dialogue entre les éleveurs et les citoyens ou consommateurs. Dans ce contexte difficile, « le rôle des interprofessions régionales est de se battre pour aider les éleveurs à retrouver l’envie de bâtir ou rénover des bâtiments sans trop craindre les procédures administratives et les problèmes de voisinage ». En ce sens, l’Anvol mise sur l’appui apporté par le plan Reconquête de la souveraineté lancé par le ministre le 17 octobre dernier. Ce plan devrait également permettre de mieux valoriser l’origine France en restauration hors-foyer.

L. G.

1. L’Anvol, association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair, réunit 21 organisations représentant la production française (poulet, dinde, canards à rôtir, pintade, caille et pigeon), dont 20 % sous signe de qualité (Label rouge, Bio, CCP – Certification de Conformité Produit).
2. Myronivskyi Hliboprodukt, boulangerie industrielle de Mironivka (abrégé en MHP), est la plus importante entreprise agroalimentaire d’Ukraine (usines et 360 000 ha de terres à blé). MHP, cotée en bourse, est enregistrée à Chypre et dirigée par le milliardaire Yuriy Kosiuk. À son capital, des fonds d’investissement américain (Kopernik Global Investor), britanniques, norvégien (Norges Bank Investment Management) etc. Depuis le début de la guerre, la BERD a accordé un prêt de 90 millions d’euros à MHP alors que « la conformité des investissements précédents dans les projets du groupe restait en suspens », soulignait Ecoaction, le Centre d’initiatives environnementales ukrainien.

Le Pacte Ambition Anvol 2025

L’interprofession continue à travailler sur son Pacte Ambition dans l’esprit de la RSO (responsabilité sociétale des organisations) montrant sa volonté de contribuer aux enjeux du développement durable et de répondre aux demandes sociétales pour davantage de bien-être animal. Ce pacte comporte six engagements. Le directeur de l’Anvol note « la capacité d’une partie des élevages à satisfaire la norme ECC (European Chicken Commitment), mais dans la situation économique actuelle la conversion n’est pas opérée ». L’ECC est une initiative lancée en 2017 par une trentaine d’organisations non gouvernementales européennes de protection animale, exigeant des entreprises agroalimentaires de nouveaux standards d’élevage et d’abattage des poulets de chair. La grande distribution a suivi et ces cahiers des charges adoptés par les distributeurs se développent aussi au Royaume-Uni et aux État-Unis. Une autre inquiétante question se pose : les grands pays exportateurs de volailles ont-ils la capacité de se convertir rapidement aux normes ECC ? Si tel était le cas, ces poulets arriveraient sur nos marchés à des prix compétitifs et les destabiliseraient.