VIANDE BOVINE
« Nous avons formalisé notre accord verbal dans un contrat »

Philippe Blateyron, éleveur dans le Puy-de-Dôme vend en moyenne une bête tous les quinze jours à Franck Taillandier, boucher à Clermont-Ferrand. Habitués de longue date à travailler ensemble, les deux hommes ont récemment couché sur papier leur engagement réciproque comme l’impose la loi Egalim depuis le 1er janvier dernier.

« Nous avons formalisé notre accord verbal dans un contrat »
A Joze, rencontre entre des artisans bouchers et des éleveurs, à l’initiative d’Interbev Auvergne-Rhône-Alpes. © SC

Sur la commune de Joze dans le Puy-de-Dôme, en bordure de la plaine de la Limagne, la famille Blateyron produit sur 300 hectares¹ : du blé, du maïs semences, des semences potagères, mais aussi du foin et de la luzerne, destinés à son troupeau de charolaises. Conserver une activité de naisseur-engraisseur au cœur d’une zone très céréalière, était une évidence pour Philippe, son épouse Chrystelle et son fils Pierre, qui ont rejoint l’exploitation en 2021. Une centaine de génisses sont engraissées chaque année, tandis que les broutards sont exportés vers l’Italie. Au-delà de l’intérêt de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, l’élevage procure un amendement précieux, « qui nous permet de nous inscrire dans une boucle verte. Nous y trouvons un intérêt économique et agronomique », témoigne Philippe Blateyron. Et puis, il y a une forme de passion pour les bêtes chez ces gens-là, matérialisée par le souci du travail bien fait, et valorisée historiquement par une commercialisation auprès de Franck Taillandier, boucher clermontois. Jusqu’à présent, la relation entre l’éleveur et le boucher était régi par un contrat oral et moral. Une poignée de main et le tour était joué. Aujourd’hui, conformément à la loi Egalim qui impose la signature d’un contrat entre acheteur et vendeur, Philippe et Franck ont mis par écrit cette parole donnée avec un engagement sur la durée, sur le volume, et assortie d’une fourchette de prix indexée sur la cotation hebdomadaire entrée abattoir. Une formalité pour les deux hommes et pour Philippe, la continuité d’une pratique coutumière en filière céréales. Aujourd’hui, la famille Blateyron vend en moyenne une bête tous les quinze jours au boucher. Les éleveurs travaillent également avec le magasin Intermarché d’Ennezat.

Pourquoi la contractualisation ?

Si le profond respect de la parole donnée a guidé pendant plusieurs décennies les pratiques en élevage, la contractualisation a été rendue nécessaire par un défaut manifeste de rentabilité, et une nécessité de redonner la main au premier maillon de la chaîne : l’éleveur en lui permettant de proposer un contrat à son acheteur lui garantissant de couvrir ses coûts de production. Face à des chiffres implacables, la filière toute entière a en effet souhaité prendre le taureau par les cornes. Depuis 2017, la France a perdu 760 000 vaches. Rien qu’à l’échelle d’Auvergne-Rhône-Alpes, 140 000 têtes ont disparu en l’espace de dix ans, soit l’équivalent du cheptel du seul département de la Loire. Et si rien est fait, les projections de l’Idèle sont on ne peut plus sombres : à l’horizon 2035, une baisse de 30% du troupeau français est annoncé. En donnant un cadre aux relations entre vendeur et acheteur avec un objectif de prix, la contractualisation entend stopper l’hémorragie, ou tout du moins la ralentir. La contractualisation pourrait, toujours selon l’Idèle, contenir la baisse du cheptel à -16%. Alors que le contrat est devenu obligatoire pour toutes les catégories d’animaux depuis le 1er janvier 2023, où en sommes-nous aujourd’hui ? L’observatoire interprofessionnel de la contractualisation amont a dévoilé ces premiers chiffres en juin dernier : 17% d’animaux contractualisés au 30 juin 2023, 28% des JB viande, 13% des génisses viande, 48% des JB mixte lait et viande et 8% des vaches génisses mixtes et lait. Autant dire que les marges de progression sont importantes. « Nous devrions observer une augmentation significative sur les chiffres qui seront publiés fin décembre », estime Romain Kjan, directeur d’Interbev Auvergne-Rhône-Alpes.

Sophie Chatenet

1. La moitié de la surface est irriguée. En parallèle, des ateliers « culture » et « élevage », l’exploitation a développé une activité d’entreprise de travaux agricoles.

Défaut de contrat : de lourdes amendes

La contractualisation est obligatoire, pour les éleveurs comme pour les acheteurs. Après une phase de discussion puis le cas échéant de rappel à la loi, les éleveurs et acheteurs qui ne respectent pas la contractualisation obligatoire risquent une amende administrative allant jusqu’à 2 % de leur chiffre d’affaires.

Contractualisation : mode d’emploi

Contractualisation : mode d’emploi

Des modèles de contrat, des questions-réponses sont en accès libre sur le site d’Interbev. Découvrez-les en scannant ce Qr-Code.