JOURNÉE DU 8 MARS
La parole aux femmes !

À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, mercredi 8 mars, l'Avenir agricole de l'Ardèche a donné la parole à plusieurs agricultrices ardéchoises. Comment ont-elles vécu le fait d'être femme dans un milieu plutôt masculin ? Quelles évolutions ont-elles constaté ces dernières années ? Voici leurs témoignages.

La parole aux femmes !

24 %

des chefs d’exploitations ardéchois sont des femmes, soit 879 personnes1. Elles représentent 30 % des permanents agricoles. Une proportion semblable à celle de la région Auvergne Rhône Alpes, où l'on dénombre 15 323 femmes cheffes d’exploitation, soit 25 % (contre 8 % en 1970). Aussi 52 % des cheffes d'exploitation ardéchoises ont plus de 50 ans.

1. Source: MSA Ardèche Drôme Loire, chiffres 2022.
Astrid Barthomeuf, éleveuse de cochons à Alboussière

Astrid Barthomeuf, éleveuse de cochons à Alboussière

« Personnellement, je n’ai jamais ressenti de difficulté dans mon métier du fait d’être une femme. Au contraire, ça a été un atout et j’ai l’impression que les agriculteurs locaux et mes différents interlocuteurs ont été encore plus bienveillants et accueillants lorsque je me suis installée. Par exemple, le charcutier Christophe Guèze, qui est l’un de mes premiers clients, a mis en avant le fait que j’étais une jeune agricultrice. Que ce soit durant mes stages, mon parcours d’installation ou encore aujourd’hui, on m’a toujours encouragée et soutenue. J’ai même bénéficié de la solidarité de mes voisins agriculteurs lorsque j’ai eu des soucis sur ma ferme, La seule difficulté, je la rencontre aujourd’hui alors que je suis enceinte de mon premier enfant. En effet, je ne prévois pas de m’arrêter de travailler à la naissance, car les indemnités sont trop bien trop faibles. Je vais devoir réduire énormément le travail, mais je n’ai pas le choix ! De toute façon, je ne me vois pas confier mes cochons à quelqu’un d’autre. »

Anne Colombo, vigneronne et présidente du syndicat de l'AOC Cornas
Anne Colombo, vigneronne, œnologue et présidente du syndicat de l’appellation Cornas.

Anne Colombo, vigneronne et présidente du syndicat de l'AOC Cornas

« Je suis dans le métier depuis presque 40 ans alors évidemment j'ai vu la situation évoluer. Au départ, nous étions tous les deux œnologues, avec mon mari, mais je constatais que mon avis n'intéressait pas les vignerons. Pour les conseils ils s'adressaient toujours à mon mari. S'il n'était pas au courant je lui donnais les informations et c'est lui qui transmettait. Je dirais qu'il y a fallu une dizaine d'années pour qu'on m'accorde une vraie légitimité. On revient de loin ! À l'époque, il n'y avait pas de femme cheffe d'exploitation et les épouses n'étaient pas du tout impliquées. Les femmes ne mettaient pas les pieds dans la cave et elles ne goûtaient pas le vin. Et si une famille de vignerons avait des enfants, la succession allait en priorité au fils. Je dirais que ça a commencé à changer à la fin des années 90. Cela dit, encore aujourd'hui on voit assez peu de femmes... Au conseil d'administration du syndicat de l'AOC Cornas j'ai été pendant longtemps la seule et depuis deux ans nous sommes deux. Même si on a tendance à nous mettre davantage en avant et que la légitimité des cheffes d'exploitation n'est plus remise en cause, les femmes sont encore rares dans le milieu viticole. »

Fanny Berne, inséminatrice en Nord-Ardèche
Fanny Berne, 23 ans, inséminatrice en alternance en Nord-Ardèche.

Fanny Berne, inséminatrice en Nord-Ardèche

« Il y a une vraie féminisation du métier d'inséminateur. Actuellement je suis en alternance et dans ma classe il n'y a que des filles ! Mais c'est assez récent. Jusqu'à là c'était un métier très masculin. Peut-être parce que c'est assez physique ? C'est sûr qu'on manipule des bêtes énormes mais je pense que les femmes réfléchissent avant de faire les choses pour éviter d'avoir à forcer... Et finalement, on se débrouille aussi bien que les hommes ! Là où on voit la différence, c'est chez les éleveurs. Quand ils savent que c'est une femme qui vient, ils sont présents alors que ce n'est pas toujours le cas habituellement ! Ils vont aussi davantage tenir leurs animaux, avoir une meilleure contention... Il y a plus d'attention de la part des éleveurs et à la fois je ressens le besoin de faire mes preuve avec eux. En revanche du côté des collègues, ça se passe vraiment bien ! Même si ça doit leur faire bizarre de ne voir que des filles arriver dans le métier ! »

Coralie Reynaud, éleveuse de Montbéliarde à Coucouron

« Mon mari s'est installé en 1989 et je l'ai rejoint en 1994. J'ai toujours travaillé sur la ferme mais pour être conjointe-collaboratrice il fallait obligatoirement être mariée, je n'ai donc pas pu prendre le statut avant 2002. Ensuite, pour prétendre à davantage de droits, notamment pour la retraite, je me suis installée en tant qu'associée avec mon mari en 2007. J'avais déjà un diplôme agricole mais j'ai dû repasser un BPREA en formation libre pour gérer une exploitation. Mais à part pour la retraite, le statut d'exploitante n'a rien changé pour moi ! J'ai toujours travaillé avec mon mari. Lui, il est plutôt sur tout ce qui est alimentation et moi, je m'occupe de la traite et des veaux. Je mène l'exploitation autant que lui ! Quand il y a des décisions à prendre on y réfléchit ensemble et s'il est absent je peux faire le travail seule. Et inversement. Maintenant, les femmes sont plus présentes dans le milieu agricole. Même au sein de l'OP de Gérentes, nous sommes trois. Il n'y a plus vraiment de différence entre hommes et femmes, nous sommes tous agriculteurs. »

Édith Cabello, arboricultrice à Saint-Marcel-d'Ardèche
Édith Cabello, arboricultrice à Saint-Marcel-d'Ardèche.

Édith Cabello, arboricultrice à Saint-Marcel-d'Ardèche

« Déjà à l'école, à Aubenas, j'étais la seule fille en arboriculture. Il y avait des avantages et des inconvénients... Mais là où ça a vraiment été compliqué c'est quand j'ai pris la place de cheffe d'exploitation... Avec le personnel. Il a fallu que mon père tape du poing sur la table. Mais entre agriculteurs, auprès des fournisseurs, ou même des clients, je n'ai jamais eu de réflexion misogyne ou de souci particulier. Pour ce qui est du travail en lui-même, c'est sûr qu'il y a certaines tâches qui sont très physiques. Par exemple, mon père n'a jamais voulu que je conduise les tracteurs par peurs de soucis de santé : les descentes d'organes, ce genre de choses. Finalement je me suis plutôt concentrée sur les autres activités : la taille, le travail sur le terrain, le commerce, l'administratif... Mais aujourd'hui il y a eu beaucoup d'évolutions qui facilitent les tâches, que ça soit avec les tracteurs ou les autres outils, comme les sécateurs électriques. Sur mon exploitation, l'apprentie et la salariée permanente sont toutes les deux des femmes et elles peuvent tout faire. »

Meddy Guilhon, éleveuse de porcs à Berzème
Meddy Guilhon, 34 ans, éleveuse de porcs installée à Berzème en 2018.

Meddy Guilhon, éleveuse de porcs à Berzème

« Dès mes études j'ai côtoyé beaucoup de filles. En BTS Acse on était même plus nombreuses que les garçons. Et aujourd'hui on est autant de femmes que d'hommes installés ! Dans ce contexte je n'ai pas vraiment eu à démontrer ma légitimité dans la profession, et en étant fille d'agriculteur ça aide aussi. C'est plus à moi-même qu'il a fallu que je prouve certaines choses... C'est pour ça que j'ai mis un moment à m'installer, je suis restée salariée pendant 8 ans. C'est surtout le rythme de vie qui me faisait peur car je voulais des enfants et pouvoir passer du temps avec eux. Et il y a aussi le côté physique. Je pense qu'hommes et femmes sont différents et il faut pouvoir adapter notre activité à nos capacités physiques. Quand j'ai commencé j'ai travaillé en bovin laitier, entre les traites 7 jours sur 7 et les charges à porter c'est compliqué... Aujourd'hui, avec l'élevage de porcs plein air, je pense avoir trouver le bon équilibre sur tous ces aspects ! Et auprès de mes clients bouchers tout s'est toujours très bien passé, même si c'est un milieu d'hommes. C'est même un avantage d'être une femme : il y a toujours quelqu'un qui vient m'aider à porter mes carcasses.  »

Lucie Abrial, salariée viticole et arboricole à Talencieux
À 30 ans, Lucie Abrial est salariée agricole à l'Earl de Blacieux, à Talencieux.

Lucie Abrial, salariée viticole et arboricole à Talencieux

"J'ai commencé en tant que saisonnière à partir de 18 ans, pendant les vacances dans un premier temps, puis dès que j'avais besoin d'un travail. J'ai suivi le même parcours de formation que mes parents, d'abord en pâtisserie comme mon père, puis dans le social, comme ma mère. Finalement je suis revenue à l'agriculture parce que je me suis rendue compte que c'est là où je suis bien ! J'adore travailler avec des outils, conduire les tracteurs... Et dans le quotidien, c'est des tâches dont je vais souvent me charger même si parfois mes collègues ou mes patrons sont à côté. Le fait d'être une femme ne m'a jamais posé de problème dans mon travail. C'est sûr qu'il y a certaines choses que je ne fais pas aussi vite qu'un homme. Sur certaines tâches on doit s'y prendre à deux avec ma collègue. Mais finalement on trouve toujours le moyen de s'adapter et on ne se débrouille pas si mal je trouve ! Et puis souvent il y a autant d'hommes que de femmes dans l'équipe, ça permet de se répartir les tâches plus facilement."