RESSOURCE
Le nouvel arrêté préfectoral sécheresse présenté

Un nouvel arrêté cadre, déterminant les conditions de restriction de la ressource en eau est entré en vigueur au 1er juin. L’occasion de revenir en détail sur les modifications apportées.

Le nouvel arrêté préfectoral sécheresse présenté
Le préfet de l’Ardèche, Thierry Devimeux a présenté le bilan de la gestion de la sécheresse et l’application des mesures de restriction des usages d’eau en période d’étiage.

Constat des ressources en eau du territoire

Malgré les précipitations de ces dernières semaines, la situation reste très préoccupante pour le département de l’Ardèche. « Nous avons un déficit très fort sur la moitié sud du département et un déficit quasiment partout sur le département », annonce Bernard Cascalés, chargé de mission à Météo France aux départements Drôme Ardèche. « Il est difficile de prévoir les précipitations à plus ou moins long terme. Nous pouvons avoir un été sec, pluvieux ou normal. Cependant, au niveau des températures, les prévisions relatent un signal très fort, l’été sera plus chaud que la normale, mais moins qu’en 2022 », analyse le spécialiste. Depuis janvier 2023, l’indice d’humidité des sols (SWI) est sous la valeur médiane, avec un pic le 6 mai dernier qui a frôlé le record le plus sec de la période. Même si les dernières précipitations ont permis de se rapprocher de cette valeur médiane. Les cours d’eau oscillent entre niveau de vigilance et niveau d’alerte (voir encadré). « Au niveau de l’état de la ressource des différents bassins, au 30 mai, il y a un statu-quo concernant les seuils : le niveau alerte concerne l’Ardèche, l’Eyrieux, l'Ouvèze, et le Chassezac. Seul un bout de l’Ardèche, sur le bassin de la Cèze, est concerné par l’alerte renforcée. Nous avons 30 ans de déficit, c’est une sécheresse récurrente", conclut l’expert de Météo France.

Des changements pour l’arrêté préfectoral

Face à ce constat, le nouvel arrêté préfectoral, qui fait suite à celui de 2021, s’est appuyé sur l’expérience de l’année dernière. La quasi-totalité du département s’était retrouvé à un niveau de crise au cœur de l’été. Les changements apportés concernent essentiellement cinq points.

Le premier stipule qu’il n’y aura plus de distinction concernant l’origine de la ressource en eau pour les usages, hormis pour les industriels et agriculteurs. Le préfet de l’Ardèche Thierry Devimeux précise : « Par exemple, le Rhône n’étant pas une ressource limité, pour plus d’égalité, nous ne ferons plus le distinguo. Le niveau de restriction sera appliqué partout sur le bassin de l’Ouvèze si nous sommes au niveau crise. Avant, on tenait compte de l’origine de la ressource, ce qui créait des déséquilibres suivant les zones.  Si sur le bassin de l’Ouvèze, nous sommes en crise, il sera interdit d’arroser : c’est clair pour tout monde. Seule dérogation sera accordée aux entreprises et agriculteurs. C’est important pour la cohérence du message ».

Un deuxième changement concerne les activités économiques, industrielles et artisanales en particulier. « Les industriels doivent présenter un plan de sobriété hydrique, lors des périodes en crise, afin de mener les plus grands consommateurs d’eau à aller vers des pratiques plus économes. Nous réaliserons des dérogations. Si en période de crise, l’entreprise n’a pas réfléchi à un plan de sobriété, on coupera l’eau. C’est une dimension nationale que nous avons reprise à l’échelle départementale », annonce Thierry Devimeux.

La troisième mesure, concerne davantage l’importance de rester audible et clair dans le message. Le délai pour lever les restrictions à l’aide d’un nouvel arrêté passe de 5 à 10 jours. « Une inertie plus lente est nécessaire sinon c’est l’incompréhension de la part de tout le monde, le dernier arrêté en date du 25 mai reste en vigueur notamment », précise le préfet.

En quatrième point, l’ordonnance prévoit un fort cadrage et une limitation des dérogations.

Même si pour le préfet, il est important de « garder la capacité à avoir des dérogations en période de crise, pour que les activités essentielles prélèvent un peu d’eau. Ce qui change, c’est que la concertation sera rendue publique, pour plus de transparence. Le but, c’est que l’arrêté cadre soit plus facilement contrôlable et compréhensible. Personne ne doit être lésé : agriculteurs, industriels ou citoyens », résume-t-il.

Si la préfecture se doit d’être juste, les citoyens sont appelés à être responsables.

Exemption pour les maraîchers et les jardiniers

Enfin, le préfet introduit des exemptions en période de crise, concernant les jardins potagers et le maraîchage, afin de ne pas pénaliser économiquement les agriculteurs, en pleine production, ni de léser les ménages qui possèdent leur potager. « L’accès à la ressource en eau se fera sous condition : au goutte-à-goutte ou par arrosoirs », prévient-il. « Pour le maraîchage, ce qui tenait lieu de dérogation jusqu’à l’an dernier va désormais devenir une règle générale afin de consolider cette activité, sous réserve qu’elle soit économe en eau. L’assouplissement concerne uniquement les maraîchers. Pour les autres agriculteurs, il y aura des dérogations sous réserve de motivation, car les besoins sont incontournables », reconnaît-il.

Thierry Devimeux met également l’accent sur l’importance de communiquer pour aller vers une consommation plus raisonnée de l’eau. « Il faut faire passer le message de la responsabilité de tous les secteurs, acteurs et citoyens pour aller vers davantage de sobriété «. Les gens doivent comprendre ce qu’il se passe avant de se responsabiliser », martèle le préfet. "Les acteurs publics doivent davantage se concerter pour partager les analyses et décider d' un plan d’action clair. Avec ce nouvel arrêté, le but annoncé est « d’effacer le sentiment d’inégalité pour une équité de traitement pour tous ».

Marine Martin

Explication des seuils de restrictions
Source Prefecture de l'Ardèche

Des restrictions de l’eau sont activées lors du franchissement des seuils suivants :

Seuil de vigilance : peut servir pour la communication du grand public et des professionnels mais il n’y a pas de restrictions.

Seuil d’Alerte : débit mesuré en dessous de 20 % du débit annuel moyen. Ce niveau signifie que la coexistence de tous les usages et le bon fonctionnement des milieux n’est plus assurées. Premières mesures de restrictions mises en place.

Alerte renforcé :  lorsque le débit annuel moyen est à 10 % (la rivière atteint le dixième de son niveau). Ce niveau est une aggravation du niveau d’alerte. Tous les prélèvements ne peuvent plus être simultanément satisfaits. Cette situation permet une limitation progressive des prélèvements et le renforcement substantiel des mesures de restriction des usages si nécessaire, afin de ne pas atteindre le niveau de crise.

Seuil de crise : le débit moyen atteint 2.5 %. Lorsque la rivière coule une dizaine de litres par seconde, on ne compte plus en mètre cube. Nécessité de réserver les capacités de la ressource pour l’alimentation en eau potable des populations, pour les usages en lien avec la santé, la salubrité publique, la sécurité civile, la sécurité des installations industrielles, l’abreuvement des animaux et de préserver les fonctions biologiques des cours d’eau

Tours d'eau agricoles, carte provenant de l'arrêté du 25 mai 2023