ÉVÉNEMENT
Retour sur le 60e Congrès des œnologues de France

Le 28 avril à Pierreclos (Saône-et-Loire), le Congrès national des œnologues de France a « fait parler les bouteilles ». Après de riches études et débats sur les vins sans sulfite ajouté, il a été question d’étiquetage numérique et de recyclage. 

Retour sur le 60e Congrès des œnologues de France
Plusieurs exemples de U-Labels à scanner. ©DR

Secrétaire générale du Comité européen des entreprises du vin (CEEV), Ignacio Sanchez Recarte est intervenu sur la réglementation de l'étiquetage des vins, lors du congrès des œnologues de France organisé le 28 avril à Pierreclos (Saône-et-Loire). Pour lui, à l’avenir, l’étiquetage des ingrédients et l’étiquetage nutritionnel vont « impacter le travail et les produits » des œnologues et vignerons. En effet, après la réforme de la Pac, il ne cache pas que « le secteur des vins s’est auto-imposé d’afficher la liste des ingrédients. La pression sociétale est forte et ça allait nous tomber dessus de toute façon. Nous avons réclamé en contrepartie l’utilisation du digital pour le faire ». Car, même avec une contre-étiquette, les obligations se rallongent, avec « le classement énergétique, tous les allergènes… » à rajouter. Sans oublier pour l’export, les traductions techniques propres à chaque pays. Si une « période de transition de deux ans » a été obtenue jusqu’en juin 2023, « nous n’avons pas tellement le temps », presse déjà l’Espagnol, avant même d’imaginer des retards de livraison (cartons, étiquettes…) en raison de la guerre en Ukraine. « Si toutes les entreprises du vin veulent de nouvelles étiquettes en juin 2023, les imprimeurs n’auront pas la capacité de répondre à tous. »

Quelles substances ?

De ces contraintes, Ignacio Sanchez veut donc plutôt voir une « opportunité de sauter dans le digital ». Son travail actuel consiste à « démontrer à la Commission européenne que cela fonctionne », au risque de revoir « les ministres de la Santé européens enlever cette possibilité » d’étiquette numérique. C’est peu probable car à chaque chose malheur est bon, et la pandémie de Covid et le passe sanitaire ont démocratisé l’utilisation du numérique et notamment des QR codes. Encore faut-il s’accorder sur ce que contiendra cette étiquette digitale. « Toute substance ou tout produit, y compris les rajouts du type sucre de la chaptalisation » est considéré comme un ingrédient. En revanche, « les résidus ne sont pas des ingrédients ». Pour l’heure, le règlement faisant loi est celui du 12 mars 2019 (/934). « Nous attendons encore des réponses sur les gaz (argon, nitrogène, gaz carbonique…) même si c’est absurde, car à l’exception du gaz carbonique, ils ne sont pas solubles. » Une confusion pourrait également se faire avec les vins pétillants. Autre inquiétude, « les acides sont des additifs » et il faudra dès lors communiquer dessus, « bien que naturellement présents » avec les fermentations. Ignacio Sanchez précise la philosophie à respecter : « Il y a toujours plus de risques à cacher, car la presse va nous dire que nous avons cherché à les cacher ».

En avant U-Label

Devant tant d’informations à indiquer, le Ceev a développé une solution numérique « collective » : le U-Label. Le consommateur doit en effet avoir un accès direct. Ce sera donc via un QR-code « sans tracking du client », règlement de protection des données (RGPD) oblige. Un travail mené avec GS1 pour qu’à « cette seule plateforme puissent s’interconnecter d’autres bases de données, pour que l’information circule sans risque d’erreur », rêve-t-il. Pour l’heure, cela fonctionne et U-Label permet de créer des étiquettes digitales « en vingt-quatre langues en cinq minutes ». Par géolocalisation, le client ayant scanné le QR-code tombe sur la langue du pays où il est localisé, mais peut en changer facilement. Hors de l’Europe, l’anglais est la langue par défaut. Attention toutefois, la plateforme « traduit ce qui est traduisible ». Trois types d’informations sont à renseigner côté producteurs : obligatoirement une image et le nom du produit, ainsi que les ingrédients donc, les indicateurs nutritionnels et les messages pour une consommation responsable, « déjà préparés avec les autorités publiques ». Cela suffit à générer les QR-codes. Ensuite, il est possible de rajouter des informations autorisées sur les vendanges, les variétés… comme actuellement il est possible sur les étiquettes et contre-étiquettes papier. Enfin, un espace « marque » permet d’indiquer un lien vers une page web du producteur et une photo par client. À l’inverse, il est impossible, car interdit, de mettre des informations « marketing ».

Trop d’info tue l’info ?

La plateforme U-Label traduit le nom des ingrédients de façon intelligente, ce qui donne quelques faux amis : « preservatif » en anglais correspond à « conservateur » (antioxydatif) en français… « On travaille avec Oenobia pour expliquer à quoi servent les ingrédients mais cela nécessitera des clics supplémentaires » et n’empêchera pas des inquiétudes hâtives. Trop d’information tue l’information, avancent les œnologues qui vont devoir faire des analyses et construire des références avec la filière pour certains indicateurs. À l’image des informations sur le score nutritionnel des vins. « En France, le Nutriscore vise à simplifier mais à trop simplifier, cela donne parfois de mauvaises compréhensions », allant jusqu’à « tromper » les consommateurs, n’hésite pas à trancher Ignacio Sanchez. Au départ, le Ceev avait demandé que les vins soient « exemptés » d’affichage mais finalement, « ce pavé énergétique ira sur le digital ».

Des U-Labels de garde !

En attendant, cela ne semble pas faire peur aux entreprises. « Nous avons sondé des centaines d’entreprises et toutes veulent pouvoir donner un maximum d’informations, car le vin est un moment de partage », rétorque Ignacio Sanchez. L’Italie sera le premier pays à rendre obligatoire cette étiquette digitale au 1er janvier 2023, « avec même les consignes de tri ». Les producteurs devront souscrire un forfait parmi trois possibles. Le premier prix permettant la création d’une vingtaine d’étiquettes par an et le « maintien actif » d’une soixantaine d’U-Label, pour celles créées les années précédentes, ce qui sera certainement le cas pour les vins de garde. Y aura-t-il des collections sous forme de tokens (NFT) comme il en existe dans l’art ? L’avenir le dira… De l’IFV du Beaujolais, Valérie Lempereur le remerciait d’avoir rendu concret le thème de la bouteille vous parle : « L’affichage sera le vrai temps fort de la filière cette année », invitant tous ses confrères à un atelier concret l’après-midi même. Peu avant, la moitié de la salle avait répondu à un sondage indiquant que l’affichage des ingrédients allait les obliger à « changer les itinéraires techniques et les profils organoleptiques des vins ».

GS1 : « parler le même langage » du commerce mondial

La cheffe de marché vin et spiritueux chez GS1 France, Lorène Neel, a expliqué la mission de son organisation : « parler le même langage », pour comprendre et partager les informations réglementaires. Global Standard One va jusqu’au client final « depuis cinquante ans » avec le GTIN, « le fameux code à treize chiffres sous le code barre pour fluidifier le passage en caisse » dans les réseaux de distribution. Présent dans cent-cinquante pays, GS1 est piloté par les entreprises, dont 53 000 adhérents en France, issus d’une vingtaine de filières (santé, bâtiment, électroménager, logistique…). La filière vin est particulièrement bien représentée avec 10 000 adhérents (20 % des adhérents GS1 France) et « 95 % des TPE et PME ». Cela permet d’apporter une « réponse commune pour éviter les saisies multiples de données ou d’être enfermé dans plein de systèmes propriétaires différents ». Ces fiches produits GS1 sont harmonisées et uniques permettant l’automatisation des échanges ou encore l’exploitation de données, comme pour gérer ses stocks, ou sa logistique.

L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire