ADAPTATION
Système pastoral : une solution face au changement climatique ?

Installé à Arcens avec ses fils Florian et Julien, Alain Debard élève 630 brebis de race Mérinos d’Arles en pâturage tournant sur 210 hectares. Un choix de race et de technique de pâturage visant à mieux répondre aux défis du réchauffement climatique.

Système pastoral : une solution face au changement climatique ?
Quinze parcs sont utilisés pour la rotation d’un lot de 250 brebis et leurs agneaux.

« Toutes les ressources fourragères spontanées des espaces naturels doivent être optimisées. » Ce mantra, Alain Debard le garde en tête depuis une quinzaine d’années pour l’alimentation de ses brebis. De la ferme familiale d’une quarantaine d’hectares à Arcens reprise en 1985 avec son frère, il reste aujourd’hui un système pastoral bien ficelé qui s’étend sur 210 ha.

« Dans les années 1990 et jusqu’en 2010, nous avions des brebis de race Blanche du Massif Central qui donnaient beaucoup d’agneaux (prolificité autour de 2). Ce sont des animaux très productifs, mais qui obligent à acheter beaucoup d’alimentation car nos terrains étaient peu productifs, difficilement mécanisables », retrace l’éleveur engagé au sein de la coopérative Agneau Soleil. La crise de 2008 fera exploser les charges de production avec l’augmentation du prix des aliments. Lui et son frère décident alors de revoir leur schéma d’exploitation et de s’inscrire dans un système pastoral.

Tout est remis en question, à commencer par la race des brebis, trop peu adaptée à leurs surfaces escarpées et soumises à des périodes tantôt sèches tantôt très pluvieuses. Ils renouvellent leur troupeau avec la race Mérinos d’Arles afin de mieux exploiter l’herbe. « Ce sont de petites brebis de 50 kg voire moins, peu prolifiques (de 1,10 à 1,15), qui sont bien dehors et peuvent être alimentées en extérieur au maximum, au comportement assez doux et faciles à manipuler… », explique Alain Debard, « avec l’atout de la laine que nous pouvions valoriser localement avec la Scop Ardelaine ». Ils s’engagent aussi à produire sous label rouge Agneau de l’Adret, « un circuit de commercialisation qui valorise la production ! »

Pâturage tournant : priorité à l’herbe

Pour alimenter le troupeau, « nous avons arrêté de faucher et mis en place un système de pâturage tournant pour gérer l’herbe ». Il se forme à cette technique dans un groupe de 4 à 5 éleveurs de la coopérative Agneau Soleil. Le pâturage tournant dit dynamique consiste à diviser ses surfaces en différents parcs de plus petites tailles et à mettre en place un temps de rotation entre chaque parc. 

Aujourd’hui, 15 parcs sont utilisés pour la rotation d’un lot de 250 brebis et leurs agneaux. « Les animaux changent de parc tous les deux jours, jamais plus de trois jours. L’objectif est qu’ils aient une quantité suffisante d’herbe mais qu’ils ne raclent pas tout pour la laisser se régénérer. Au final, on gagne 20% d’herbe, et le gain moyen quotidien est comparable aux animaux qui restent en bergerie », précise Alain Debard.

Un autre lot de 120 brebis, à agneaux double gardés en bergerie, gravite sur 4 à 5 parcs puis rentré le soir. Un troupeau de 50 chèvres race Rove est chargé également de débroussailler les espaces laissés par les brebis.

« Dans un système pastoral, il faut se préparer à tout gérer »

Comme partout, le Gaec Debard subit des périodes de sécheresse de plus en plus longues, occasionnant une perte de 30% d’herbe sur son volume de surfaces depuis 2015 et des problématiques d’abreuvement du troupeau. Les brebis sont utilisées pour faire de l’éco-pâturage pour des communes, des riverains… « Nous cherchons de la plus-value partout. Ce sont de toutes petites surfaces mais c’est important », indique Alain Debard. Il adhère aussi à l’association pastorale des Boutières, mise en place dans le cadre du Plan Pastoral Territorial (PPT) des Monts d’Ardèche, qui lui a permis d’installer des points d’eau et des filets pour le découpage des parcs.

Les brebis qui pâturent ainsi principalement en extérieur sur l’année sont plus vulnérables à la prédation. Ici, elles sont protégées par des chiens bergers d’Anatolie, plus connus sous le nom de Kangals, depuis 2014. « J’ai suivi des stages avec la chambre d’agriculture pour apprendre à les élever… Quand on part dans un système pastoral, il faut se préparer à tout gérer ! »

En l’absence de charges trop coûteuses sur les bâtiments d’élevage, la mécanisation, etc., « le capital de l’exploitation est devenu accessible à la transmission », ajoute l’éleveur. En témoigne l’arrivée de ses fils au sein du Gaec, Florian en 2021 puis Julien en janvier dernier, qui comptent poursuivre le pâturage tournant. « Nous ne cherchons pas à avoir un système d’élevage intensif. Nous préférons rester sur du vivant et maitriser nos coûts de production », indique Florian Debard. « Même avec les périodes de sécheresse, nous arrivons à maitriser nos charges avec ce système, donc à se projeter dans l’avenir. »

Anaïs Lévêque

Florian et Alain Debard, sur les hauteurs de leur exploitation sur la commune d’Arcens.