CASTANÉICULTURE
« Aujourd'hui, c'est une filière soudée »

Pauline De Deus
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En octobre 2023, le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) a publié une nouvelle édition de sa monographie de la châtaigne. Un livre coordonné par l’ingénieur spécialiste de cette culture, Fabrice Lheureux.

« Aujourd'hui, c'est une filière soudée »
Fabrice Lheureux suit la châtaigne au CTIFL depuis plus de 5 ans. Chercheur de formation, il a découvert ce fruit quand il a travaillé chez un pépiniériste dans le sud-ouest il y a une dizaine d'années. ©CTIFL

Que contient ce nouvel ouvrage dédié à la châtaigne ?

Fabrice Lheureux, ingénieur au CTIFL : « Il s’agit plutôt d’une mise à jour puisque cette monographie avait été éditée en 1995, par mon prédécesseur. Depuis, tous les pans de cette culture ont évolué donc il a fallu apporter toutes les nouvelles informations, aussi bien techniques, commerciales, économiques et scientifiques. Pour cela, j’ai regroupé les spécialistes de la châtaigne, dans l’Hexagone et en Corse principalement. Ces monographies sont un peu comme des bibles de la châtaigne, parce qu’elles comportent des informations qui peuvent être nécessaires à quelqu’un qui veut commencer à cultiver la châtaigne, la transformer ou la commercialiser. »

Comment la demande a-t-elle évolué ? Et cette demande a-t-elle eu des effets sur la filière ?

F.L. : « C’est une filière qui a changé en suivant aussi les évolutions de la demande. Je veux dire par là qu’en ce moment la châtaigne (et l’ensemble des fruits à coque) a un peu le vent en poupe. La difficulté pour la production française a été de répondre à cette demande. On a donc vu une progression des plantations, pourtant la production n’a pas forcément suivi du fait des problématiques sanitaires et environnementales. Mais ça a eu le mérite de fédérer tout le monde… Et c’est en ça que la filière a évolué. Par le passé, il y avait une division entre les différents bassins de production français : entre le sud-est qui est très traditionnel et le sud-ouest avec des vergers plus intensifs et des variétés hybrides plus productives. Le cynips a réuni tout le monde et l’engouement qu’il y a eu autour de cette culture à continuer à consolider ce regroupement. Maintenant, on le voit même au niveau européen ! Aujourd’hui, on peut dire que c’est une filière soudée. Il faut désormais progresser sur les différentes problématiques, ce qui n’est pas toujours simple pour une petite filière qui peine à trouver des financements… Mais tout le monde a la volonté d’avancer ! »

Quelles sont les problématiques auxquelles vous faites référence ?

F.L. : « En sanitaire, il y a la pourriture des fruits, qui met la filière à genoux. Comme beaucoup de maladies, on soupçonne le lien avec le changement climatique, mais à ce jour personne, au sein de la communauté scientifique, n’a pu le démontrer de manière formelle. Mais ce qui est sûr, c’est que le changement climatique entraîne d’autres problèmes, notamment les fortes chaleurs estivales que le châtaignier a du mal à supporter. Entre les coups de chaud et les maladies du sol, on se retrouve avec des dépérissements. Parmi les autres problématiques sanitaires, il y a aussi les papillons avec des vers qui affectent la châtaigne. Alors qu’ils avaient auparavant un ou deux cycles de multiplication en saison, ils en ont trois voire quatre aujourd’hui. Donc c’est une pression supplémentaire pour les producteurs. Pour le cynips, on a pu régler le problème avec le torymus, mais quid du changement climatique sur ce prédateur ? Pour l’instant, il tient le coup, mais on se pose la question. »

En Ardèche, on note également une baisse de l’attrait pour la châtaigne fraîche. Est-ce une tendance générale ?

F.L. : « C’est effectivement une tendance sur tout le territoire. Si on remonte dans l’histoire, le châtaignier a été un arbre nourrisseur, c’est ce fruit qui fournissait l’amidon qui permettait avec sa farine de fabriquer le pain. Avec l’avènement des céréales, il est tombé en désuétude et on a perdu l’habitude de consommer de la châtaigne fraîche. Aujourd’hui, il y a un regain d’intérêt pour cette filière, mais le consommateur manque de connaissance autour de ce produit : il ne sait pas comment la conserver, comment la cuisiner… Et dans une société qui prône le snacking, c’est vrai que préparer de la châtaigne, ça ne correspond pas forcément aux nouvelles habitudes alimentaires des Français. Maintenant, la tendance est d’aller de plus en plus vers la transformation. Et bien sûr, on a toujours un gros travail de communication à faire auprès des consommateurs, pour leur faire redécouvrir les qualités gustatives de ce fruit. »

Propos recueillis par Pauline De Deus

Un ouvrage collectif

Un ouvrage collectif

Pour mettre à jour cette monographie de la châtaigne, l'ingénieur du CTIFL s'est entouré de plus de 20 personnes : des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens, mais aussi des professionnels. La préface a été rédigée par trois figures de la filière : l'Ardèchois Michel Grange, producteur et président du syndicat national des producteurs de châtaignes, le chercheur portugais José Gomes-Laranjo et le Périgordin Bertrand Guerin, président de l'union interprofessionnelle châtaigne sud-ouest. Ce livre de 334 pages est destiné aux professionnels, qu'ils soient pépiniéristes, producteurs, transformateurs ou même distributeurs. Pour se le procurer, direction le site du CTIFL où il est en vente au prix de 40 €.