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Montagne en scène projette les sports de montagne sur grand écran

Depuis 2013, le festival Montagne en scène fait le tour des cinémas et auditoriums de France et d’Europe, afin de dévoiler les meilleurs films dédiés aux sports de montagne. La « summer » édition 2023 a mis en avant quatre films, retraçant les exploits d’athlètes passionnés, au milieu de paysages spectaculaires.

Montagne en scène projette les sports de montagne sur grand écran
Natif de Châtillon-en-Diois, dans la Drôme, l’alpiniste de haute montagne Benjamin Védrines a filmé et documenté son ascension du Broad Peak en 7 heures et 28 minutes sans oxygène, puis celle du K2, au Pakistan. ©Benjamin Védrines

En ce mercredi soir 19 avril, la salle de l’auditorium de Lyon se remplit peu à peu. Certains spectateurs sont même arrivés deux heures à l’avance, afin d’être certains d’avoir les meilleures places. Au lancement, à 19h30, la présentatrice a du mal à contenir son enthousiasme. L’auditorium de la Cité internationale est plein à craquer. Il faut dire que la réputation du festival Montagne en scène n’est plus à faire. Depuis dix ans, cet événement, découpé en deux éditions annuelles (été et hiver), réunit les passionnés de montagne de tout âge devant les grands écrans de cinéma. Au cours de cette soirée, quatre films français minutieusement sélectionnés par l’équipe du festival (voir encadré), sont diffusés. Deux ont particulièrement retenu l’attention de la rédaction.

Dans sa vie, Anne-Lise Rousset cumule les métiers. La journée, la jeune femme de 34 ans assure avec beaucoup de sérieux son métier de vétérinaire en milieu rural, en Haute-Savoie. C’est d’ailleurs durant ses études de vétérinaire que la Cantalienne d’origine s’est pris d’amour pour le trail. Une passion qui ne l’a jamais quittée. À tel point que la professionnelle trouve même le temps de s’entraîner les midis, durant ses journées de travail. Un sacrifice pour certains. Un plaisir pour celle qui prépare le défi d’une vie entière : battre le record de vitesse du célèbre sentier de grande randonnée 20, situé en Corse. C’est ainsi que le film Ce qui compte, réalisé par Timothée Ranger et Étienne Valenti, relate le succès de la coureuse. Entre de somptueuses images corses et de poignants témoignages de ses proches, Anne-Lise Rousset apparaît au plus haut de sa carrière.

Le 13 juin 2022, jour de son départ, la vétérinaire et jeune maman s’élance, accompagnée de ses deux « personal pacer », des « meneurs d’allure ». Onze mois plus tôt, Anne-Lise Rousset venait d’accoucher de son petit garçon. Son moteur, durant cette longue épreuve. Le film montre même ses entraînements, avec son ventre rond, puis la réelle reprise, deux mois après la naissance de son fils. Une intimité subtilement retransmise à l’écran, que la sportive partage également avec son mari et coach de l’équipe de France de trail, Adrien Séguret. Les dernières minutes de ce court-métrage retracent d’ailleurs les 17 kilomètres qu’ils partagent ensemble, avant d’atteindre l’arrivée à Conca, au sud de la Corse, où toute sa famille, ses amis et de nombreux inconnus, l’attendent avec impatience et sous un tonnerre d’applaudissements. En bouclant le mythique GR20 corse en 35 h 50, Anne-Lise Rousset a explosé le record féminin qui tenait depuis 2012. Un défi réalisé en collectif, entourée de ses proches et de son fils, soit tout « ce qui compte » pour la traileuse.

À la conquête du Broad Peak

Né à Die, Benjamin Védrines, alpiniste et grimpeur professionnel, a grandi au pied de la réserve naturelle des Hauts Plateaux du Vercors à Châtillon-en-Diois (Drôme). Devenu guide de montagne dans le massif des Écrins, son dada reste l’alpinisme de très haut niveau. Durant l’été 2022, le sportif s’est attaqué à son premier sommet de 8 000 m : le célèbre Broad Peak, situé au Pakistan. Parti avec son compère Nicolas Jean, leur objectif est l’ascension du camp de base au sommet en « one push », c’est-à-dire en une journée. Mais au bout de quelques jours d’alpinisme, son coéquipier abandonne le défi. Le 19 juillet 2022, le trentenaire part dans la nuit et gravit le colosse enneigé en 7 heures et 28 minutes sans oxygène. Ce qui fait de lui l’alpiniste le plus rapide du monde à gravir un sommet à plus de 8 000 mètres d’altitude en « one push ». Une montée que le puriste a documentée et filmée lui-même, donnant au film Edge of reason, réalisé par Jérémie Chenal, une authenticité frappante et des images à couper le souffle.
Cerise sur le gâteau : une fois arrivé au sommet, Benjamin Védrines décide de décoller en parapente pour rejoindre le camp de base, en bas de la montagne.

Une fois redescendu, l’adrénaline de cette victoire prend le dessus. Le passionné ne veut pas s’arrêter là. Sa caméra se tourne alors vers le mythique K2 et ses 8 300 m d’altitude. Mais parti bien trop confiant et éreinté, le montagnard perd l’équilibre, s’arrête contre la paroi glacée et perd connaissance.Ce sont finalement d’autres alpinistes qui lui font reprendre conscience et qui l’aident à descendre. Benjamin Védrines, tout comme les spectateurs présents dans la salle, le sait. Cette ascension aurait pu être la dernière de l’alpiniste. Mais le destin en a décidé autrement.

Léa Rochon

Vétérinaire en milieu rural dans les environs d’Annecy, Anne-Lise Rousset est également une traileuse de haut niveau, qui a réussi l’exploit de dévaler le GR20 en 35 heures et 50 minutes, établi comme le record féminin. ©Cyrille Quintard

À savoir

Cette année, la « summer » édition du festival Montagne en scène a diffusé quatre nouveaux films d’alpinisme, d’escalade, de parapente et de trail dans un peu plus de 100 villes européennes. Des projections se sont déroulées dans de nombreuses villes de France et d’Auvergne-Rhône-Alpes (Lyon, Annecy, Saint-Étienne, Grenoble, Valence, Chambéry, Oyonnax, Clermont-Ferrand) du 13 avril au 15 mai. Une « winter » édition entamera une nouvelle tournée en novembre prochain.

Deux fois par an, le festival Montagne en scène sélectionne les meilleurs films de sports de montagne et les diffuse dans de nombreuses villes françaises, mais également sur les écrans de quelques pays étrangers. ©Montagne en scène
3 QUESTIONS À

Donner envie de découvrir la montagne

Cyril Salomon et Manon Grimwood sont de véritables passionnés de montagne. En 2013, le couple a imaginé le festival Montagne en scène, dorénavant présent sur les écrans géants de vingt pays.

À quelle occasion avez-vous imaginé le concept du festival Montagne en scène ?

Cyril Salomon : « Nous l’avons imaginé avec Manon Grimwood en 2013, alors que nous étions tous les deux étudiants en école de commerce. À cette époque, je regardais beaucoup de vidéos de montagne. Je voulais les partager à plus de personnes et apporter de la montagne en ville. Avec Manon, nous voulions montrer les bons aspects de la montagne, tel que l’épanouissement qu’il est possible d’atteindre. Étant donné le nombre de films qualitatifs qu’il existe sur cette thématique, nous avons fait le choix de faire deux éditions du festival par an. La première se déroule au printemps et la seconde à l’automne, ce qui permet d’ouvrir à un maximum de sports, en plus de l’escalade, de l’alpinisme et de la randonnée que nous pratiquons avec Manon. »

Quelles valeurs voulez-vous véhiculer à travers les films que vous choisissez ?

C. S. : « Nous ne produisons pas les films, mais nous les sélectionnons pour les diffuser ensuite. Leur point commun, c’est de mettre en avant des aventures humaines qui nous touchent et des projets menés en équipe par le prisme du sport (parapente, escalade, alpinisme, ski, randonnée, trail…). Nous ne souhaitons pas diffuser des films avec des images d’action, mais des images qui pourront donner envie de découvrir la montagne, avec des personnes qui se livrent et partagent leurs sentiments. Notre objectif, c’est de toucher et de donner envie aussi bien aux passionnés de montagne qu’à ceux qui n’y sont jamais allés. »

Montagne en scène est-il voué à devenir un festival diffusé à l’échelle internationale ?

C. S. : « Au bout de trois ans d’existence, le festival s’est exporté en Suisse et en Belgique, puis au Royaume-Uni en 2015. Cette année, l’Allemagne, le Canada et les États-Unis se sont ajoutés à cette liste. En France, le bouche-à-oreille a très bien fonctionné. Les gens viennent au festival en famille, entre amis ou encore entre collègues. Mais à l’étranger, il faut encore le mettre en place et être patient. Dorénavant, nous sommes présents dans vingt pays, ce qui demande beaucoup de travail pour atteindre une notoriété équivalente à celle gagnée en France, d’autant plus que nous sommes une équipe de sept personnes à travailler sur le festival. Nous commençons également à produire des films avec deux projets qui vont arriver cette année. »

Propos recueillis par L.R.