Un accord cadre sur la gestion quantitative concertée de la ressource en eau a été signé, mercredi 12 juillet, entre l’État, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et la chambre d’agriculture de l’Ardèche. Il vise à concilier les besoins d’irrigation agricole et l’équilibre des milieux aquatiques et des autres usages.

Pour une gestion collective de l’irrigation
De gauche à droite : en premier plan, Laurent Roy, directeur général de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, Thierry Devimeux, préfet de l'Ardèche, Benoit Claret, président de la chambre d'agriculture ; en second plan, Pascal Bonnetain, président de la CLE et de l'EPTB de l’Ardèche, Françoise Rieu-Fromentin, vice-présidente du syndicat mixte du PNR, Matthoeu Salel, vice-président départemental en charge de l'agriculture, de l'environnement et du tourisme, Christel Cesana, vice-présidente de la Chambre d'agriculture, et Ludovic Walbaum.

C’est sur la commune de Berrias-et-Casteljau, au pied du Chassezac, qu’a été signé l’accord cadre 2023-2025 sur la gestion quantitative concertée de la ressource en eau à destination de l’agriculture. Attendu de longue date, cet accord cadre réunit l’État, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et la chambre d’agriculture de l’Ardèche autour d’un même objectif : concilier la mobilisation de la ressource pour les prélèvements agricoles avec le bon état des masses d’eau, dans le respect de l’équilibre des milieux aquatiques et des autres usages.

« Il faut que l’eau circule »

Un important travail a été réalisé ces dernières années pour définir une stratégie commune. Il s’articule autour de divers axes d’intervention : la préservation de la ressource, l’efficacité des infrastructures de prélèvement et d’irrigation, l’adaptation des productions agricoles et une gouvernance collective sur la gestion quantitative de l’eau. « L’eau est un élément essentiel pour la production alimentaire de l’agriculture ardéchoise, pour la vie et l’économie du territoire. Nous devons être plus pragmatiques et offensifs sur les solutions que nous pouvons trouver pour sécuriser son accès pour les irrigants. La sobriété est un élément essentiel. Nous devons être très précautionneux sur l’utilisation de ce bien partagé », a indiqué en préambule de cette signature le président de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche, Benoit Claret. L’agriculture ardéchoise est déjà très résiliente en eau, a souligné le préfet, Thierry Devimeux, mais elle devra poursuivre ses efforts. « Si on veut garder des écosystèmes, des industriels et du tourisme, il faut que l’eau circule, s’assurer d’avoir de l’eau au bon moment et en bonne quantité. »

Accompagner l’agriculture

Cet accord cadre vise à accompagner l’agriculture vers des stratégies de productions agricoles plus adaptées au changement climatique. Parmi elles, figurent les leviers de performance agroécologiques des cultures et des systèmes agricoles : pratiques culturales, gestion des sols, matériel végétal, irrigation, agroforesterie, relocalisation… « À court terme, nous mettrons en place un conseil en économie d’eau avec des parcelles de référence pour un pilotage de l’irrigation adapté au territoire », explique Régis Perier, chef du service espaces, territoires, environnement à la chambre d’agriculture. Il interviendra aussi pour le déploiement d’itinéraires, de cultures, de pratiques et de systèmes de production alimentaire plus économes en eau sur les exploitations.

Quantifier et qualifier la ressource

L’enjeu est également de réussir à partager la ressource entre les différents usages de la manière la plus équitable possible. Pour assurer cette gestion, il est nécessaire de quantifier et qualifier la ressource ainsi que les besoins, et tendre vers une organisation collective des irrigants, poursuit Régis Perier, qui évoque le travail mené sur le bassin versant du Doux pour tendre vers une gestion volumétrique collective et concertée. « Cela passe par recenser les irrigants et leurs besoins, les fédérer par secteur de ressource sollicitée, les aider à s’organiser pour minimiser l’impact des prélèvements et répondre aux restrictions, pour mieux gérer les prélèvements par rapport à la sensibilité de la ressource… » À court terme, des actions sont envisagées sur l’animation de projets émergents, la relance des dossiers de substitution des pompages dans la vallée du Doux, la régulation des forages en sud Ardèche, l’organisation des pompages en lien avec les soutiens d’étiage du Chassezac, de l’Ardèche et l’Eyrieux, ou encore sur la réutilisation des retenues (mise à disposition et bail protégeant les propriétaires et locataires).

Il s’agit également d’intervenir sur l’efficacité des infrastructures d’irrigation et de prélèvement, en modernisant l’existant : mise aux normes des anciens lacs collinaires (déconnexion l’été et veille au remplissage pendant les hautes eaux) ; réutilisation des retenues abandonnées pour les besoins de nouveaux agriculteurs ; substitution des pompages en rivière en remplaçant les pompages estivaux par du stockage hivernal ; réduction de la pression des pompages sur les cours d’eau sensibles l’été ; sécurisation des équilibres quantitatifs de la ressource tout en irriguant.

Anticiper collectivement

« Il nous a paru important de nouer ce partenariat pour accompagner l’agriculture dans son effort de résilience accrue face au changement climatique. Il faudra derrière le mettre en œuvre sur tous ses objectifs d’écologie, de sobriété indispensable et de réduction des prélèvements », indique Laurent Roy, directeur général de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. Pascal Bonnetain, président de la commission locale de l’eau (CLE) et de l’établissement public territorial du bassin versant (EPTB) de l’Ardèche, de poursuivre : « L’intérêt de cet accord cadre est de diminuer les conflits d’usages. Cette année, nous avons toujours nos 22 millions de m3 d’eau grâce aux pluies de juin. L’intérêt est que notre soutien d’étiage se gère de manière optimale, comme nous le faisons aujourd’hui. Nous devons travailler ensemble dans ce sens. »

Alors que les besoins en eau sont grandissants dans les exploitations agricoles, cet accord cadre vise à préparer la gestion de la ressource autour de projets adaptés, performants et durables, en concertation avec l’ensemble des acteurs de l’eau. L’objectif est de mieux connaître la structure hydraulique départementale, organiser les prélèvements en fonction de la ressource et anticiper collectivement », ajoute Régis Perier.

A.L.

CLIMAT /

Des changements progressifs

Les précipitations annuelles restent importantes en Ardèche, elles augmentent même légèrement, de 900 à 1 000 mm/ an. Entre années sèches et humides, leurs amplitudes diminuent cependant. Elles tendent à subir des changements importants : une forte augmentation en mars (+41 %), avril (+49 %) et octobre (+41 %) et une importante diminution en mai (-32 %). Les prévisions annoncent à terme une période de sécheresse annuelle de 5 mois entre mai et septembre, avec davantage d’amplitude entre les années, et un déficit de pluies grandissant entre mai et août (+160 %) soit 1 200 à 1 600 m3/ha.

Les températures, quant à elles, augmentent en moyenne de +3,8°C au printemps à +5°C en été. La durée moyenne des conditions estivales s’étend sur 4 mois, avec un nombre de jours très chauds (supérieurs à 30°C) multiplié par trois en plaine et davantage en altitude. Sur le reste de l’année, les conditions hivernales tendent à disparaître, avec un nombre de jours de gel diminué par quatre, mais des aléas climatiques tel que le gel tardif toujours possibles.

Ces changements progressifs de précipitations et de températures mettent en relief des phénomènes de sécheresse accrus dans le département, occasionnant de grands besoins en eau sur les cultures et des impacts importants sur l’hydrologie des cours d’eau. Ils s’accompagnent également de phénomènes extrêmes d’inondations, d’orages, de grêle, de canicule et leurs potentiels impacts sur les productions agricoles.

Source Chambre d’agriculture de l’Ardèche

CHIFFRES CLÉS /

L’irrigation en Ardèche

  • 8 000 hectares irrigués (6 % de la surface agricole de l’Ardèche)
  • 13 millions de m3 d’eau utilisés / an soit en moyenne moins de 6 ha de surfaces irriguées par exploitation et 1 600 m3 / ha
  • 1 400 agriculteurs irrigants
  • 2/3 des irrigants sont en structures collectives (via une soixantaine d’ASA et des réseaux SDEA) et 1/3 en irrigation individuelle
  • Modes de prélèvement de la ressource : pompages directs (rivières et Rhône), forages et retenues de stockage.

Source Chambre d’agriculture de l’Ardèche