CHAMBRE D'AGRICULTURE
Un vent d’innovation pour la filière viticole
Ce vendredi 15 mars, étaient réunis à Privas, partenaires et élus pour la première séance plénière de la Chambre d’agriculture de 2024. L’occasion de revenir sur les mobilisations des agriculteurs de ce début d’année, traduite en six motions. Mais avant tout, la séance a été balisée par l'exposé de l’étude agroclimatique réalisée sur les vignobles ardéchois concernant l’évolution climatique du territoire.
« Ce début d’année, nous avons vécu ensemble des moments qui ont été très forts et qui ont permis une prise de conscience du gouvernement », a rappelé devant l’assemblée, en guise de préambule, Benoit Claret, président de la chambre d‘agriculture de l’Ardèche. Hormis les récentes mobilisations et revendications du monde agricole encore dans tous les esprits, l’adaptation de l’agriculture au changement climatique a été au cœur de la séance plénière. L’étude agroclimatique menée sur les vignobles ardéchois, par l’entreprise d’AgriTech, Weenat, a été présentée, apportant des éléments de réponses à l’interrogation soulevée par Jérôme Volle, vice-président de la chambre d’agriculture : « Quel modèle agronomique demain, pour notre viticulture ? ».
L’objectif de l’étude, en collaboration avec la chambre d’agriculture et Vignerons Ardéchois, a été d’identifier les microclimats sur le territoire, afin d’anticiper les changements climatiques. En cartographiant un territoire découpé en 30 segments pour être au plus près d’une tendance climatique des parcelles, « le but a été d’avoir des indicateurs pour produire des informations à l’horizon 2030, 2040 et 2050 », a exposé Romain vallée, docteur en agronomie et responsable commercial chez Weenat, « pour savoir quels sont les impacts de l’évolution climatique sur les cultures, ici la vigne », clarifie l’agronome. « La deuxième étape a consisté à produire des signatures climatiques en se basant sur le scénario RCP 8.51 du GIEC, à échéance 2050. » Scénario le plus pessimiste, mais aussi le plus probable.
Une accélération de la phénologie
« Pour avoir une tendance et changer la direction climatique, il faut à peu près 20 ans », affirme l’expert. « Le nombre de jours où l’on dépasse des températures supérieures à 30°C va augmenter. À l’horizon 2050, 2023 sera vue comme une année moyenne en termes de température. » Un impact considérable pour l’ensemble de l’agriculture, donc. Concernant la phénologie des vignes, les viticulteurs constatent déjà le changement : les dates moyennes d’atteintes des stades phénologiques de la vigne sont de plus en plus anticipées sur le calendrier. « En 2023, le débourrement a eu trois semaines d’avance », constate le vigneron de Valvignères, Jérôme Volle.
Anticiper, accompagner, prévoir
José Guzman, conseiller agronomie et viticulture à la chambre d’agriculture, a la charge de traduire ces « premiers résultats d’étude à échelle d’exploitation et de parcelles », précise Benoit Claret. « Il y a eu une évolution dans les années 2000 à 2020. Toutes les zones ont bougé. La typicité du terroir a changé », expose le technicien. Conseiller au mieux les viticulteurs, parcelle après parcelle à long terme, tel est le but fixé par la chambre en collaboration avec Vignerons Ardéchois, en intégrant dans la boucle l’expertise du vigneron lui-même. Un conseil qui devra statuer sur les préconisations et pratiques à mettre en place, mais aussi déterminer les zones de viticulture de demain. « Le but de ces prévisions est de faire évoluer les cépages avec les conditions climatiques », synthétise Jérôme Volle.
Un modèle commercial à repenser
Il existe également un vrai enjeu autour des schémas commerciaux à repenser. Sans oublier le consommateur qu’il faudra peu à peu éduquer à d’autres goûts. « Cette étude est un véritable enjeu pour la filière pour prendre conscience qu’il va falloir changer les pratiques et s’adapter rapidement. Le but étant de maintenir l’agriculture sur le territoire sans orienter les agriculteurs vers une impasse. On ne veut pas subir, mais anticiper et accompagner les viticulteurs », conclut Jérôme Volle.
Trois motions sur six présentées
En filigrane, cette session a été également l’occasion de revenir sur les mobilisations de ce début d’année, matérialisées par trois motions présentées. La première, portée par JA Ardèche et la FDSEA dénoncent avec inquiétude un manque d’accompagnements technique et financier pour les producteurs de cerises. Cette motion adoptée à l’unanimité, fait suite à une ancienne motion déposée en 2023, concernant l’accompagnement des producteurs de cerises, en proie à plusieurs problématiques. La Drosophila Suzukii fait des ravages dans de nombreux vergers, et il n’y a, selon Benoit Claret, « toujours pas d’itinéraire précis concernant l’accompagnement des agriculteurs alors que la saison va commencer ». Les demandes se portent en particulier sur la pérennisation, cette année, de l’aide allouée en 2023, tant que des solutions techniques efficaces ne sont pas trouvées. Selon la mention déposée, cette aide doit englober tous les producteurs ardéchois sans taux de spécialisation. Pour rappel, les aides de l’an dernier s’appliquent aux exploitations ayant un taux de spécialisation de 25 %, et qui ont enregistré des pertes économiques d’au moins 20 % et dont la viabilité économique est menacée. Par ailleurs, il est demandé qu’une aide supplémentaire forfaitaire soit appliquée pour tenir compte des pertes et des surcoûts de production face aux ravages de la mouche.
Un département pilote
Du côté de la recherche pour contrer la Drosophila Suzukii, le département sera le précurseur d’une expérimentation hors laboratoire, avec le déploiement d’un parasitoïde (guêpes Ganaspis) dans trois exploitations. L’Ardèche correspondant à de nombreux territoires, à l’instar du Gard ou du Vaucluse, également producteurs de cerises. Cette expérimentation débutera ce printemps pour de premiers résultats connus en fin d’année.
La défense du revenu des agriculteurs
Une deuxième motion concernant les revenus des agriculteurs et faisant écho aux dernières mobilisations, a été présentée par la Confédération paysanne. Une troisième motion de synthèse reprenant des éléments de la seconde a été présentée par la chambre d’agriculture et adoptée par l’assemblée. « La motion est basée sur trois aspects : la dignité du métier, le revenu et la capacité à exercer notre métier. Le sujet principal est la souveraineté alimentaire, avec la protection des produits agricoles français, à tous les niveaux, mais aussi, l’interdiction d’achat en dessous du prix de revient. Un coût de revient qui doit être calculé par filière et par territoire », étaye Jérôme Volle.
À ce sujet, en fin de séance, la préfète Sophie Elizéon est revenue sur le travail collaboratif étroit, mis en place avec les acteurs de la filière agricole du département. Elle a proposé au président de la chambre d’agriculture, un travail en commun « pour que nous puissions définir pour l’Ardèche des prix de revient qui pourront être présentés à l’ensemble des distributeurs et distributrices pour leur permettre de prendre leur décision en connaissance de cause ». La représentante de l’État a illustré les avancées en cours, à l’instar des 247 propositions de simplifications qui sont remontées à la Draaf. Elle a également clarifié sa position face au rôle que joue l’OFB et qui cristallise quelques fois les relations tendues avec les agriculteurs : « Il s’agit d’aller davantage vers un contrôle administratif avant d’aller sur un contrôle judiciaire quand il y a non-observation de la loi, afin de restaurer une relation harmonieuse », affirme-t-elle. Avant de terminer son discours par ce qui est devenu sa signature, une citation, cette fois-ci, du philosophe Alain : « Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté. »
Marine Martin
1. Representative Concentration Pathway.
Des positions cristallisées en vue de l’année élective de 2025
Une session perturbée par le départ des élus de la Confédération paysanne de l’Ardèche, au milieu du vote des six motions, prévue à la séance plénière.
Les représentants présents du syndicat dénoncent un délai, selon eux, trop court d’un jour et demi, pour la préparation des motions en amont. En réponse, le président de la chambre d’agriculture, Benoit Claret, a tenu à rappeler l’absence du syndicat en comité de pilotage, permettant de travailler et de débattre des motions avant la présentation en session.
Benoit Claret a indiqué vouloir procéder à un changement du règlement intérieur qui obligerait la présence de tous les syndicats en instance de travail préalable, « afin de continuer à réfléchir collectivement autour de règles et de débats démocratiques ».
L’absence d’un Corum a empêché le vote des autres motions prévues en session. Devaient être présentées, les motions autour de la simplification, promotion et soutien aux filières végétales, une motion concernant la simplification et le soutien de l’emploi et de la formation en Ardèche et une motion pour améliorer les relations avec l’OFB.
M.M.
La facturation électronique questionne
Fondée sur une directive européenne et présentée par la Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de l’Ardèche, l’objectif de la dématérialisation des factures entrera en vigueur au premier septembre 2026. À cette date, toutes les entreprises doivent avoir la capacité de recevoir des factures électroniques. Les grandes entreprises et celles de tailles intermédiaires devront être capables d’en émettre. À partir du premier septembre 2027, ce sera au tour des petites et moyennes entreprises qui auront une obligation d’émission de factures. Un délai d’ajustement jusqu’au 31 décembre 2027 sera octroyé. Dans l’assemblée, plusieurs voix s’élèvent, pour demander des précisions concernant la récupération de la TVA, mais aussi faisant part de leur doute concernant la simplicité de la mise en place de la facturation électronique dans une trajectoire de simplification amorcée depuis les récentes mobilisations. Après une première sensibilisation, des journées de formations pour les entreprises afin d’entrer davantage dans les détails vont être programmées en cours d’année.