Concilier protection du foncier agricole et production d'énergie : tel est l'objectif de la charte départementale, signée jeudi 15 juin sur la commune de Pranles.

Agrivoltaïsme : le choix de l'expérimentation
Accompagnés des membres de la CDPENAF, le préfet de l'Ardèche et le président de la chambre d'agriculture ont signé la charte départementale pour les installations photovoltaïques en surface agricole.

Le 10 mars 2023, la loi d'accélération de production des énergies renouvelables (ENR) ouvre la voie à l'agrivoltaïsme en lui offrant, pour la première fois, un cadre législatif. Pour être agrivoltaïque, il est stipulé que la structure doit contribuer « durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole »1. Autrement dit, la priorité doit rester l'agriculture.

Alors que les décrets d'application de la loi ne sont pas encore publiés, industriels, startups et autres opérateurs photovoltaïques se pressent déjà pour proposer des solutions innovantes au monde agricole. Malgré une topographie complexe, l'Ardèche ne fait pas exception à la règle.

L'agrivoltaïsme se cherche encore

« Il y a une trentaine de projets dont on a connaissance », détaille Fabien Clavé, responsable du service agriculture et développement rural à la DDT de l'Ardèche. Mais pour s'implanter, ces projets  doivent avoir l'aval de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Autour de la table, représentants de l'État, collectivités, acteurs du monde agricoles et forestiers, fédération de chasse, de pêche, associations de protection de l'environnement, entre autres, débattent des dossiers les plus complexes avant d'émettre un avis. Pour ce qui est de l'agrivoltaïsme, ils ont fini par se mettre d'accord sur un principe : pas d'autorisation sans assurance de maintien de l'activité agricole.

Or, en France – et à fortiori en Ardèche – ,  l'agrivoltaïsme se cherche encore. Qu'ils s'agissent de serres ou d'ombrières, les technologies « ne sont pas encore mûres et on ne peut pas aller vers de la vulgarisation », souligne Fabien Clavé. « On s'est donc positionné sur une approche d'expérimentation », annonce-t-il au nom de la CDPENAF.

La charte signée par le préfet de l'Ardèche et le président de la chambre d'agriculture stipule que seuls quelques projets seront autorisés dans un premier temps, afin de tester différentes technologies sur les cultures. Certains sont d'ailleurs déjà sur les rails, comme à Saint-Didier-sous-Aubenas avec une expérimentation d'installation photovoltaïque sur kiwis, ou encore à Belsentes où un projet sur petits fruits rouges est en cours d'élaboration.

En matière d'élevage aussi, la porte est en train de s'ouvrir pour quelques expérimentations en surfaces pastorales non-mécanisables. « Pour s'assurer que la productivité de l'herbe sous ces installations soit garantie », précise Fabien Clavé. Mais aucun projet de ce type ne serait pour l'instant d'actualité sur le territoire.

Un suivi pour améliorer les connaissances

Pour que l'activité agricole reste la priorité, la DDT assure qu'elle suivra les expérimentations autorisées sur le territoire et qu'elle demandera aux opérateurs de venir régulièrement rendre compte du maintien de l'activité agricole à la commission. En amont, les industriels devront proposer des protocoles d'expérimentation permettant d'améliorer la connaissance des technologies agrivoltaïques. Les agriculteurs qui participeront à ces expérimentations devront, quant à eux, se faire accompagner dès la conception du projet et pendant les trois premières années. Comme le stipule la loi d'accélération des ENR, tous ces projets agrivoltaïques devront être réversibles et les terrains remis en état, une fois l'exploitation terminée ou lorsque « les conditions de compatibilité avec l'activité agricole ne sont plus réunies ».

« Cette charte que l'on signe aujourd'hui est aussi porteuse d'une ambition », assure le préfet de l'Ardèche, Thierry Devimeux. « Il ne s'agit pas de freiner des quatre fers mais au contraire aller de l'avant en permettant d'améliorer les connaissances... Le champ des possibles est immense ! » À ses côtés, le président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche, Benoit Claret, poursuit : « une ambition menée avec la précaution de préserver un usage et un foncier accessible pour l'agriculture ».

Bien qu'il n'ait pas de valeur réglementaire, ce document servira désormais de base de travail lors de l'instruction des dossiers liés à l'agrivoltaïsme en CDPENAF. Ce texte sera aussi un socle pour élaborer l'arrêté cadre prévu par la loi, une fois les décrets d'application publiés (probablement à l'automne). Un document préalable qui sera rapidement amené à évoluer, au gré de l'évolution des connaissances et des technologies.

Pauline De Deus

1. Pour être agrivoltaïque, une installation doit, selon la loi, remplir au moins un de ces quatre critères : améliorer le potentiel et l'impact agronomiques des cultures, permettre une meilleure adaptation au changement climatique, protéger des aléas ou améliorer le bien-être animal.

Des toitures photovoltaïques pour financer ses bâtiments
La charte photovoltaïque a été signée sur l'exploitation de Jean-Pierre et de son fils Rémi Volle, au Gaec La Reviscole.

Des toitures photovoltaïques pour financer ses bâtiments

Sur les exploitations, les projets photovoltaïques les plus courants concernent d'abord les panneaux installés sur les toitures. En Ardèche, 200 bâtiments agricoles en sont déjà équipés. En la matière, le village de Pranles fait figure d'exemple. Dans cette commune de moins de 500 habitants, 15 exploitations sont installées dont 6 sont équipées d'installations photovoltaïques sur leurs toitures.

Un bâtiment clé en main

Le Gaec La Reviscole, où s'est tenu la signature de la charte photovoltaïque est l'une d'entre elles. Dans cet élevage caprin et bovin, c'est en 2012 que les premiers panneaux photovoltaïques ont été installés sur un ouvrage existant. Un deuxième bâtiment a ensuite été créé pour stocker le fourrage. Grâce aux panneaux photovoltaïques prévus sur l'installation, la construction a entièrement été prise en charge par l'industriel spécialisé en énergie solaire. « On a l'usufruit pendant 30 ans, et ensuite, il est à nous », se réjouit Jean-Pierre Volle. Sans cela, il n'y aurait pas eu de bâtiment assure-t-il : « Il y a beaucoup d'investissement, ça fait trop peur... D'autant que je suis à dix ans de la retraite et que mon fils s'est installé. » Grâce à cette opportunité, Jean-Pierre va même voir sortir de terre une troisième construction d'ici un an, pour entreposer du matériel.

Un investissement grâce aux revenus du photovoltaïque

À Mars, Baptise Robert a lui aussi opté pour des panneaux photovoltaïques sur ses bâtiments de stockage. Un premier a été construit en 2019, puis un second en 2023. De son côté, cet éleveur de chèvres et de volailles a opté pour un investissement en son nom propre. « Les revenus du photovoltaïque permettent de payer le bâtiment », précise-t-il. Le puissant transformateur installé pour relier ses panneaux au réseau électrique permet à Baptise d'imaginer d'autres projets, comme des clôtures photovoltaïques ou des ombrières pour le parc des poulets.

Que dit la charte ?

Sur les exploitations ardéchoises, la dynamique autour du photovoltaïque sur toiture devrait se poursuivre, « à condition de proposer des bâtiments dimensionnés et positionnés selon les besoins des exploitations », alerte Fabien Clavé, responsable du service agriculture à la DDT de l'Ardèche. La charte photovoltaïque aborde d'ailleurs cet aspect et elle précise aussi qu'un bardage doit être prévu au moins sur trois côtés.

P.D.-D.

« Si un agriculteur a une toiture, il peut investir lui-même »
William Chabre, conseiller énergie aux chambres d'agriculture d'Ardèche et de Drôme.
ACCOMPAGNEMENT

« Si un agriculteur a une toiture, il peut investir lui-même »

Récemment arrivé aux chambres d'agriculture de Drôme et d'Ardèche, William Chabre est conseiller énergie. Il propose notamment des diagnostics autour des PV sur toitures.

Vous êtes spécialisé dans l'accompagnement de projets photovoltaïques, l'agrivoltaïsme en fait-il partie ?

William Chabre : « L'agrivoltaïsme pour l'instant reste expérimental. Notre accompagnement concerne plutôt le photovoltaïque sur toiture. C'est un domaine où on a plus de recul : on peut faire du dimensionnement, expliquer à l'agriculteur combien ça va lui rapporter selon la toiture, l'investissement qu'il doit faire, combien il pourrait autoconsommer... »

Investir dans de tels projets, c'est possible pour un agriculteur ?

W.C. : « Bien sûr ! Les banques n'ont pas de mal à prêter car elles savent qu'il n'y a pas trop de risque : on sait quel tarif est appliqué sur 20 ans, qu'il n'y a pas d'aléas... Et s'il y en avait, il y a les assurances pour ça. Si un agriculteur a une toiture, il peut investir lui-même et le revenu de l'électricité lui revient. S'il ne souhaite pas procéder de cette manière, il peut aussi faire de la location de toiture. Il reçoit alors un loyer chaque année mais c'est une autre entreprise qui investit sur le projet et qui recevra les revenus liés à l'énergie. »

Aujourd'hui est-ce que l'installation de panneaux pour l'autoconsommation est d'actualité ?

W. C. : « Oui, la demande est croissante. C'est aussi pour ça que le poste a été ouvert, c'est sur ce type de projet que nous, chambres, avons davantage de plus-value en faisant un diagnostic précis des besoins et du potentiel de production. Parce qu'il y a des exploitations où ça n'a pas vraiment d'intérêt, si elles ont une très faible consommation par exemple. Au contraire, celles qui consomment beaucoup, comme les arboriculteurs qui ont des frigos, là c'est intéressant car les besoins en énergie vont correspondre au moment où il y a le plus de soleil. Donc ça dépend beaucoup de l'exploitation et du type d'activité. »

Propos recueillis par P.D.-D.

Pour toutes informations techniques contactez William Chabre au 06 22 42 54 04 et [email protected]
Et pour toutes questions liées aux contrats avec des porteurs de projets, contactez Ambre Girardo, juriste en droit rural au 06 15 60 58 16 et [email protected]