CHANGEMENT CLIMATIQUE
Améliorer l’infiltration et le stockage de l’eau dans le sol

Qu’est-ce que le réservoir utile d’un sol ? Comment l’eau s’infiltre-t-elle dans le sol ? Comment améliorer sa réserve en eau ? Des éléments de réponses ont été apportés dans le cadre de la journée de la chambre d’agriculture de la Loire dédiée au sol.

Améliorer l’infiltration et le stockage de l’eau dans le sol
Réaliser un profil de sol consiste à définir précisément les couches, à évaluer la texture et les éléments grossiers par horizon, à déterminer la structure, ainsi qu’à estimer la colonisation racinaire. Credit PDL

Avec le changement climatique, les pluies ont tendance à tomber moins souvent mais plus sous la forme d’orages. Le cumul d’eau est donc important en peu de temps. Dans ce contexte, il est préférable que l’eau puisse s’infiltrer rapidement dans le sol et y être stockée. Les leviers pour améliorer la réserve en eau du sol ont été présentés dans le cadre de la journée « Cultivons le potentiel de nos sols » organisée dans le Roannais par la chambre d’agriculture de la Loire le 15 juin.

Avant d’apporter des éléments de réponse, Marie-Pascale Couronne, conseillère agronomie et référente Sols au sein des chambres d’agriculture en Rhône-Alpes, a rappelé quelques notions indispensables pour mieux comprendre comment l’eau est stockée dans le sol. La réserve utile (RU) d’un sol est la quantité d’eau maximale qu’il peut contenir et mobilisable par les plantes. Cette eau disponible pour elles correspond à la différence entre la capacité au champ (l’eau que peut retenir le sol après écoulement de l’eau gravitaire ou ressuyage) et le point de flétrissement permanent (eau contenue dans le sol qui ne peut plus être extraite par le végétal. C’est l’instant théorique à partir duquel une plante ne peut plus récupérer du flétrissement). Le RU s’exprime en millimètre d’eau sur une épaisseur de sol.

L’eau utilisable par les plantes

Une partie seulement de la réserve utile est facilement mobilisable. La RFU (Réserve facilement utilisable) correspond à une humidité du sol pour laquelle le flétrissement des plantes est temporaire. Autrement dit, il s’agit de l’eau utilisable sans stress pour la plante. L’eau qui reste est difficilement utilisable (RU : RFU + RDU, pour réserve difficilement utilisable).

Les propriétés hydriques d’un sol sont caractérisées par sa capacité d’infiltration, la taille du réservoir et la connectivité des pores. Elles dépendent des caractéristiques du sol : profondeur, texture (qui joue sur la capacité de rétention), éléments grossiers (graviers, cailloux, pierres), structure, matière organique et pH.

Il est possible d’évaluer la réserve utile d’un sol à partir des taux d’argile, de limons, de sables et/ou de matières organiques. Par exemple, un sol limoneux a une RU de 2,22 mm/cm alors qu’un sol argileux est à 1,3. De plus, dans les sols caillouteux, le taux d’éléments grossiers diminue le volume de sol exploitable par les racines et donc la RU. Pour évaluer la réserve utile d’un sol, il convient de déterminer la réserve en eau par couche de sol homogène et de la multiplier par l’épaisseur de la couche, puis d’additionner ces réserves.

Pour cela, l’élaboration du profil de sol est nécessaire. Il consiste à définir précisément les couches, à évaluer la texture et les éléments grossiers par horizon, à déterminer la structure et donc la porosité, ainsi qu’à estimer la colonisation racinaire. L’enracinement, tant d’un point de vue de la profondeur que de la qualité, conditionne la possibilité d’utilisation de la réserve en eau du sol. Le travail du sol en profondeur peut engendrer la constitution d’une semelle de labour. Si elle est peu épaisse, les racines peuvent la traverser. À noter que la présence de vers de terre contribue à la connectivité entre les différents horizons. Leurs galeries sont utilisées par les racines des végétaux pour descendre en profondeur.

Augmenter la réserve en eau

Plusieurs leviers améliorent la réserve en eau du sol : mieux infiltrer et stocker, ainsi que favoriser l’activité biologique et optimiser la valorisation. Tout d’abord, favoriser l’infiltration passe par la limitation de la battance et du ruissellement. Les limons et les sables sont particulièrement sensibles à la battance. Pour éviter ce phénomène, il convient de couvrir les sols et développer l’agriculture de conservation des sols, d’apporter des matières organiques pour stabiliser la structure en surface (compost, mulch), de chauler les sols acides car le calcium est un élément structurant, d’éviter les préparations trop fines (surtout en sols limoneux ou sablo-limoneux), de tester des dispositifs d’infiltration (haies, talus…).

Ensuite, améliorer la porosité fine du sol favorise le stockage de l’eau. Pour cela, il convient de limiter les tassements. Marie-Pascale Couronne conseille d’implanter des couverts végétaux et des cultures ayant des systèmes racinaires puissants et de limiter les passages d’engins lourds, surtout en conditions non ressuyées. Les argiles, limons et limons-sableux sont sensibles au tassement. Néanmoins, les argiles ont la capacité de se restructurer (par le gel en surface et le sec en profondeur). Des essais conduits par Arvalis ont démontré qu’en sol tassé, la réserve en eau peut diminuer de 7 à 13 mm en limons profonds. En revanche, vouloir améliorer la capacité de rétention du sol par les particules pour y stocker plus d’eau est un levier difficile à mettre en œuvre. Apporter de la matière organique est une solution, mais dont l’effet reste limité : + 0,5 % de matière organique assure un gain de 1 à 4 mm de réserve en eau (source Arvalis). Effectivement, la matière organique permet l’entretien et la création de porosité, ce qui favorise les capacités de rétention d’eau comme de drainage. Pour améliorer la porosité fine du sol, la technicienne conseille également d’éviter le surpâturage ; d’utiliser potentiellement le sous-solage, mais uniquement sur sol frais à sec ; ou encore de chauler les sols acides.

Puis, l’activité biologique constitue un puissant agent pour créer de la microporosité dans le sol. Ceci passe par un apport de matière organique active (fumiers frais, composts jeunes, résidus de culture) qui stimule la vie dans le sol, par la restitution des résidus de récolte, par l’implantation de légumineuses et par la diversification des rotations. Il convient également de limiter les perturbations du sol au moment de l’activité des vers de terre.

Enfin, une meilleure valorisation de l’eau du sol passe tout d’abord par une optimisation de la prospection racinaire. Pour cela, mieux vaut éviter les discontinuités (semelles de labour, enfouissement profond de la matière organique), soigner les conditions d’implantation de la culture et optimiser les densités de semis, mais aussi gérer l’irrigation en fonction des besoins et de la réserve en eau du sol. Pour cela, Marie-Pascale Couronne conseille de ne pas démarrer trop tôt l’irrigation et d’avoir un bon ratio dose/fréquence selon le type de sol pour favoriser un enracinement profond. Pour mieux utiliser la réserve en eau du sol, il faut également caler les besoins des cultures avec la disponibilité en eau : choisir des espèces et des variétés moins exigeantes en eau ou ayant un cycle décalé.

Lucie Grolleau Frécon

TASSEMENT DU SOL

Les facteurs d’influence

Le tassement du sol est une des origines de la baisse de fertilité des sols. Le tassement de surface est généré par la pression du pneumatique, par le nombre de passages au même endroit, mais aussi les conditions, ainsi que par le taux de patinage. Quant au tassement profond, il est engendré par la charge à la roue et l’humidité.