PASTORALISME
L'eau d'abreuvement, un enjeu fort des prochaines années

Lors des Rencontres nationales de l'association française de pastoralisme, plusieurs pistes ont été évoquées pour le maintien et le développement de l'eau d'abreuvement en alpages, dans un contexte de changement climatique.

L'eau d'abreuvement, un enjeu fort des prochaines années
Des tests pour limiter l'évaporation des impluviums sont mis en place depuis plusieurs années. (archives AD26)

L'eau d'abreuvement en alpages a été l'un des thèmes des Rencontres nationales de l'association française de pastoralisme. D'abord pour interroger sa qualité, puis pour parler des pistes d'expérimentations face au changement climatique. Baptiste Lajournade, salarié de la société d'économie alpestre de la Savoie, a présenté deux exemples de travaux réalisés dans le cadre du réseau pastoral alpin. Il a d'abord détaillé l'argumentaire « stocker l'eau pour abreuver les troupeaux, un choix rationnel et indispensable face au changement climatique », élaboré par le réseau et qui sera diffusé à tous les acteurs du pastoralisme. L'objectif est de « réaffirmer l'importance de l'eau dans le système pastoral et les conséquences sur la gestion d'un troupeau avec le changement climatique ». Mais aussi de donner des clefs de compréhension sur le stockage de l'eau et mettre en avant le multi-usage des infrastructures de stockage.

Le réseau pastoral alpin a également réalisé une étude sur la qualité de la ressource en eau pour l'abreuvement des troupeaux. Un protocole normé a été élaboré avec le laboratoire départemental de la Drôme et la FRGDS (fédération des groupements de défense sanitaire) Paca. 34 sites ont été échantillonnés en 2021 et 2022 pour un total de 89 échantillons dans les stockages ouverts et 67 échantillons dans les abreuvoirs connectés à ces stockages en 2021 et 2022. Pour l'analyse des résultats, le réseau pastoral alpin s'est appuyé sur une étude de l'Anses datant de 2010 : « État des lieux des pratiques et recommandations relatives à la qualité sanitaire de l’eau d’abreuvement des animaux d’élevage ».

Analyse fine de la qualité de l'eau

Trois paramètres bactériologiques ont été retenus : les coliformes totaux, qui indiquent la sensibilité à la contamination microbiologique, les entérocoques intestinaux et Escherichia coli, qui sont des indicateurs de contamination fécale et, enfin, deux paramètres sur le pH concernant la concentration de matières organiques et minérales dans l'eau ainsi que la quantité de carbone organique.

Les premiers résultats indiquent que, souvent, il y a une perte de qualité entre l'eau de stockage et les abreuvoirs : 62 % des infrastructures de stockage sont peu sensibles aux coliformes totaux, ce chiffre tombe à 53 % sur les abreuvoirs. 90 % des échantillons provenant du stockage ont une qualité acceptable concernant les Escherichia coli et entérocoques intestinaux contre 74 % dans les abreuvoirs. Sur la présence de carbone ou la concentration de matière organique, la sensibilité de l'eau de stockage est de 67 %, elle monte à 70 % dans les abreuvoirs.

Côté perspectives, les prélèvements se poursuivront pour la saison 2023 sur un ou deux sites singuliers par département. Dans les stockages ouverts, certains facteurs peuvent avoir une influence sur la qualité de l'eau, comme les activités pastorales à proximité immédiate du stockage, la présence d'arbres ou d'une vidange près du stockage ou encore la présence de clôtures. En 2024, la base de données sera valorisée et la gestion sanitaire des abreuvoirs sera interrogée.

Élodie Potente

Baptiste Lajournade a présenté les premiers résultats d'une étude menée par le réseau pastoral alpin sur la qualité de l'eau pour les troupeaux en alpage.

Limiter l'évaporation sur les impluviums

Dominique Narboux et Fabien Candy, respectivement directrice et technicien de l'Adem, ont présenté des résultats sur l'utilisation des impluviums dans la Drôme et les différentes expérimentations en cours. Dans le département, on compte 45 impluviums opérationnels depuis 1991 ce qui représente 25 000 m³ d'eau stockée répartis sur 31 alpages dont 70 % sont sur le Vercors et ses contreforts.

Des tests pour limiter l'évaporation sont également mis en place depuis plusieurs années. « Parfois, on observe une perte de 30 à 40 % d'eau dans les impluviums », souligne Dominique Narboux. Plusieurs outils sont utilisés par les éleveurs : des Hexa-Covers® ou des Hexa-Balls®. Les retours privilégient les Hexa-Covers ® qui ont une bonne résistance au gel et au vent.

Fabien Candy a conclu ce volet sur l’eau par la présentation d’une expérimentation sur l'estive du Jocou, où à l'endroit d'une congère un couloir a été imperméabilisé. Cela permet de stocker 60 m³ d'eau pour abreuver les troupeaux via des Boulbac® qui retiennent l'eau. Le stockage est enterré, ce qui évite les risques de dégradation et s'intègre parfaitement aux paysages. « C'est une solution très onéreuse, précise Fabien Candy. Cela a coûté 40 000 euros, surtout parce qu'il a fallu acheminer le matériel par hélicoptère. »

Pour conclure, Dominique Narboux a réaffirmé la volonté de continuer à expérimenter : « Nous souhaitons tester les Aquabox, qui ressemblent un peu aux Boulbacs® et des pelouses flottantes sur les impluviums ».