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Div'Agri : un plan régional en faveur de la biodiversité

Div’Agri, fédération d’acteurs associatifs de la région Auvergne-Rhône-Alpes œuvrant pour préserver la diversité végétale et animale, a tenu son assemblée générale à Saint-Julien-du-Serre. À cette occasion, la Région a réitéré son engagement avec la structure, en signant un nouveau plan de soutien en faveur des races et variétés régionales.

Div'Agri : un plan régional en faveur de la biodiversité
De gauche à droite : Guy Durand, président de Div'Agri, Fabrice Pannekoucke, vice-président à l'agriculture au conseil régional, et Fabrice Brun, député de l'Ardèche, signant le plan régional.

Depuis 2013, la fédération Div’Agri n’a de cesse d’agir pour préserver la diversité agricole. « En 2013, nous avons décidé d’un regroupement d’association, c’était plus clair pour faire des demandes de financement avec une politique agricole de protection de la diversité homogène », précise son président Guy Durand. C’est ainsi qu’est née la fédération Div’Agri, qui réunit sous son giron différents acteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes, tous dévoués à la sauvegarde d’espèces végétales ou animales locales.

Dans un écrin de verdure, sur les hauteurs de Saint-Julien-du-Serre, Les Jardins du Mas des Fougères ont accueilli les représentants des associations et partenaires, pour être témoin de la signature du plan régional en faveur des races et des variétés végétales. Fabrice Pannekoucke, vice-président en charge de l’agriculture au conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, a renouvelé son soutien à Div’Agri afin que celle-ci continue son travail de valorisation de la richesse du patrimoine de la région, ainsi que son développement. 

100 000 € de plus pour 5 nouvelles races menacées

Fabrice Pannekoucke insiste sur le fait que « Div’Agri est un allié pour être le référent local, réaliser un accompagnement technique, pour fédérer et démocratiser les sujets scientifiques à travers leur vulgarisation ». Il évoque notamment l’évolution de la liste des races menacées. En effet, le document cadre n’évoluera pas avant 2025. Entre temps, quelques unes sont devenues menacées. Pour pallier ce manque, Fabrice Pannekoucke annonce une allonge de 100 000 € au budget déjà alloué à Div’Agri. « Le soutien de la Région s’élève à 450 000 € par an, sur une période de cinq ans, soit 2 250 000 € distribués comme suit : 250 000 € pour l’investissement et 200 000 € de fonctionnement par an. Derrière cette liste, il y a un capital vivant. Nous devons réagir vite, sinon, nous assisterons à la dégradation de ces cinq races, non prises en compte sur la liste actuelle : le Cheval du Vercors, la Bizet, la Noire du Velay, La Thônes et Marthod et la chèvre de Savoie. C’est pourquoi la région fournit un nouvel effort. »

« Il faut préserver cette diversité »

À travers la préservation de ces espèces, le vice-président a pris le temps d’en rappeler les enjeux. « L’objectif du plan est de maintenir les exploitations agricoles sur le territoire et de favoriser l’adaptation des modes de production à ce qu’il se passe au niveau climatique. Il est important de mener des actions pour lutter contre cette érosion génétique. Il faut préserver cette diversité, coffre-fort précieux pour la souveraineté alimentaire et se poser la question de savoir ce que l’on va consommer demain », assure-t-il. « Par exemple, il y a des races anciennes qui peuvent être très peu consommatrices d’eau. Nous devons être pragmatique. Car avec ce plan, un des enjeux est de garantir la capacité à se nourrir grâce au local. » Le président de Div’Agri, Guy Durand, ajoute : « Il faut revenir les pieds sur terre, se recentrer sur les choses d’avant. Les acteurs agricoles ont compris qu’il fallait revenir à une agriculture plus raisonnée moins consommatrice d’intrants, moins consommatrice d’eau, résistante et adaptée ».

 Marine Martin

Zoom sur la biodiversité domestique et ses enjeux
Étienne Verrier, généticien et chercheur à l’Inrae.
Biodiversité

Zoom sur la biodiversité domestique et ses enjeux

Lors de cette journée placée sous l’égide de la biodiversité, Div’Agri a invité le généticien et chercheur à l’Inrae Étienne Verrier, pour intervenir au sujet de la biodiversité domestique.

En introduction, le chercheur fait un rappel historique. « Les pratiques de sélections se sont faites sur des millénaires et ont eu deux conséquences : une forte différentiation des populations et une érosion de la variabilité intra-population. À partir du XIXe siècle, la révolution industrielle a mené à la sélection méthodique de la part des éleveurs. » Les Trente Glorieuses voient l’intensification et la spécification agricole atteindre son paroxysme. « Les éleveurs ne s’occupent plus de la sélection ni de la reproduction. » Cela donne lieu à des dérives, comme avec la filière avicole : « Sur le poulet de chair, il y a eu une sélection tellement forte sur le développement musculaire que le développement osseux n’a pas suivi, mais le poids des filets est 5 fois plus gros », constate le généticien.

Cette journée est également l’occasion de revenir sur les critères mis en place par la recherche et qui déterminent si une race est menacée ou non. Étienne Verrier, détaille trois principes pour établir la liste : « La race est dite menacée si le nombre de femelles reproductrices est inférieur à un certain seuil. Ensuite, si les générations peuvent se renouveler rapidement. Et enfin, on prend en compte les circonstances aggravantes, comme le contexte économique et social, le degré de risque sanitaire, la taille efficace de la population. Car la variabilité s’érode rapidement et il faut éviter la consanguinité. À partir de cette liste établie et consultable sur le ministère de l’Agriculture, les éleveurs qui maintiennent ces races en France, peuvent savoir s’ils sont éligibles à la prime ou non ».

Enfin, le généticien s’attarde sur les moyens mis à disposition pour préserver la biodiversité domestique afin d’éviter l’uniformisation intra-population. « Concernant la préservation des plantes, il y a plusieurs moyens de faire : in situ chez les fermiers ou dans des fermes conservatoires. Il est aussi intéressant de préserver les espèces sauvages qui sont un réservoir de variabilité. L’objectif est d’éviter l’extinction des races menacées et pour les races locales, de maintenir et développer leur statut économique. » Le généticien prévient : « Il faut limiter strictement les ambitions de sélection. Une des solutions réside dans l’échange pour créer de la diversité, en mélangeant les espèces, les variétés sur une parcelle ». Il ajoute : « La valorisation est un atout majeur de la conservation, les initiatives collectives telles que Div’Agri sont importantes. La sélection génétique rétrécit, on perd en qualité nutritionnelle. Il y a urgence à avoir une politique publique coordonnée. L’hyperspécialisation amène à la disparition d’une population ». Ce constat soulève une question éthique, que le généticien pose à lui-même et à l’assemblée : « Jusqu’où, nous autoriserons-nous à modifier le vivant ? ».

M.M.