FROMAGE
Le caillé doux de Saint-Félicien en quête de reconnaissance

Mylène Coste
-

FROMAGE / Le syndicat de défense du caillé doux de Saint-Félicien s’est réuni le lundi 14 septembre dans la commune du même nom. En présence de nombreux partenaires, les producteurs ont réaffirmé leur détermination à obtenir une reconnaissance du petit fromage de chèvres, via une AOP.

Le caillé doux de Saint-Félicien en quête de reconnaissance
Rolande Fourel et Jean-Luc Boulon, respectivement présidente et vice-président du syndicat de défense du caillé doux de Saint-Félicien.

Fruit d’un savoir-faire transmis de générations en générations, le caillé doux de Saint-Félicien a sa marque collective déposée depuis 1981. S’il fait partie du patrimoine du Pays de Saint-Félicien, sa reconnaissance se fait attendre. Et pour cause : le nom de « Saint-Félicien » n’est pas exclusif du caillé doux fermier au lait de chèvre produit en Ardèche. Il a également été repris par des opérateurs industriels (notamment en Isère dans la région de Saint-Félicien) pour désigner un fromage au lait de vache.

« Autrefois, le caillé doux de Saint-Félicien produit chez nous était vendu sur des marchés jusqu’en Isère, dans la Drôme, explique Rolande Fourel, productrice à Preaux et présidente du syndicat de défense du caillé doux de Saint-Félicien. C’est certainement comme cela que son nom s’est popularisé. » Jusqu’à être repris pour d’autres fromages. Par ailleurs, le décret lait1 stipule que le Saint-Félicien est fabriqué exclusivement à base de lait de vache. Si l'usage du terme « Saint-félicien » pour le caillé doux au lait de chèvre est, pour le moment, toléré par les services de la répression des fraudes, qu’en sera-t-il demain ?

Sur le chemin de l’AOP

C’est la raison pour laquelle se bat aujourd’hui le syndicat de défense du caillé doux de Saint-Félicien. Jouissant d’une nouvelle dynamique depuis les années 2000, avec l’intégration de nouveaux producteurs, le syndicat s’est lancé dans une démarche d’enregistrement en appellation d’origine protégée (AOP). « Nous travaillons depuis plusieurs années déjà avec l’Inao sur la question, explique Rolande Fourel. Un cahier des charges avait déjà été proposé dans les années 1980, mais il nous faut le réactualiser : techniques d’élevage, étapes de fabrication… Certaines questions se posent : dans les années 1980, le cahier des charges stipulait par exemple que l’alimentation devait provenir exclusivement de la zone de production. Mais avec le réchauffement climatique et les sécheresses récurrentes, il est de plus en plus difficile d’être autosuffisants en fourrages. Par ailleurs, le pâturage durant 6 mois de l’année devient de plus en plus difficile du fait du manque d’herbe. »

Autant de questions à repenser pour les producteurs de caillé doux. Une nouvelle zone a également été délimitée, qui compte aujourd’hui 59 communes, entre 500 et 1100 mètres d’altitude.

Une IGP « Saint-Félicien » iséroise qui inquiète

L’éventualité de la création d’une indication d’origine protégée (IGP) « Saint-Félicien », portée par les opérateurs responsables de l'IGP Saint-Marcellin (notamment en Isère et dans la Drôme), suscite également de nombreuses craintes. « D’où la nécessité d’ancrer la dénomination dans notre territoire pour assurer sa pérennité », conclut Rolande Fourel.

Mylène Coste

1. Décret 2007-268 du 27 avril 2007, qui a été modifié par le décret 2013-1010 du 12 novembre 2013.

SAVOIR-FAIRE / Qu'est-ce que le caillet doux ?

Issu de traditions ancestrales, le caillé doux a longtemps été affiné sur paille, dans les fermes. Les choses ont bien évolué depuis : il est aujourd’hui affiné dans des caves par ventilation. L’emprésurage se fait quasiment immédiatement après la traite entre 26 et 32°C, tandis que la coagulation dure une à cinq heures. Le caillé est ensuite tranché pour en retirer délicatement, toutes les cinq à dix minutes, le petit lait en surface, avant de procéder à un moulage à la louche... Tout un savoir-faire qui donne à ce petit fromage de chèvre sa douceur en bouche et son goût inimitable !

Laurent Ughetto, ici aux côtés du maire de Saint-Félicien, Yann Eyssautier : « Compter une 12e appellation en Ardèche serait un vrai bonheur ! »
Laurent Ughetto, ici aux côtés du maire de Saint-Félicien, Yann Eyssautier : « Compter une 12e appellation en Ardèche serait un vrai bonheur ! »

Le caillé doux a besoin de soutiens !

DEMANDE d’AOP / De nouvelles forces vives se sont associées au syndicat de défense du caillé doux de Saint-Félicien. Ce dernier a besoin de soutiens dans son chemin vers l’AOP.

« Le caillé doux fait partie de l’identité de notre territoire. Il est impératif de pouvoir préserver et promouvoir ce produit de notre terroir issu d’un savoir-faire très ancien », affiche avec détermination Yann Eyssautier, tout nouveau maire de Saint-Félicien. La commune devrait prochainement adhérer au syndicat de défense du caillé doux de Saint-Félicien : « Nous assurons le syndicat de tout notre soutien. Nous étudierons aussi les possibilités d’une aide financière », assure-t-il. Le syndicat compte également un second nouveau membre : l’association « Terroir pays de Saint-Félicien » qui promeut les produits et le savoir-faire locaux.

Outre ces nouvelles forces vives, le syndicat compte sur le soutien depuis des décennies de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche, qui a d’ailleurs élaboré deux études – l’une sur les pratiques d’élevage des producteurs de caillé doux, l’autre sur la diversité floristique des prairies – pour avancer dans l’élaboration du cahier des charges. Le Département de l’Ardèche a également assuré son soutien, de même que la communauté de communes du Pays de Saint-Félicien, ou encore l’Office de tourisme Arche Agglo. Rolande Fourel d’appeler : « Nous attendons aussi un soutien financier de nos partenaires, car la démarche d’AOP est longue et coûteuse ».