ARBORICULTURE
Confusion sexuelle dans les pêchers : des résultats probants

Amandine Priolet
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Pour lutter contre la tordeuse orientale du pêcher, Jean-Luc Valentini, gérant de l’EARL Les Vergers de Maubec à Montélimar, utilise depuis plus de vingt ans la technique de confusion sexuelle au sein de son verger de pêchers.

Confusion sexuelle dans les pêchers : des résultats probants
Jean-Luc Valentini (EARL Les Vergers de Maubec) confirme que la pose des diffuseurs de phéromones, dans le cadre de la confusion sexuelle contre la tordeuse orientale en vergers de pêchers biologiques, fait ses preuves.

Dans le cadre du programme national Ecophyto, un groupe d’arboriculteurs travaille avec Agribiodrôme à la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires et à la maîtrise de pratiques bio pour gérer les ravageurs et maladies en vergers de pêchers. Divers thèmes sont abordés au cours des échanges entre professionnels : gestion de la biodiversité pour une régulation naturelle des ravageurs, confusion sexuelle pour lutter contre la tordeuse orientale du pêcher... Ce dernier sujet relève d’une importance toute particulière puisque la tordeuse orientale du pêcher est un véritable fléau. Ennemi numéro un des vergers de pêchers, ce papillon cause d’importants dégâts sur les jeunes pousses et les fruits. Ce ravageur peut conduire à une baisse de rendement allant jusqu’à 50 %. Depuis la création de son exploitation arboricole en 1992 à Montélimar, Jean-Luc Valentini (membre du groupe Dephy) s’attache à pratiquer des pratiques agricoles vertueuses. L’EARL Les Vergers de Maubec compte aujourd’hui une quinzaine d’hectare d’arbres fruitiers en agriculture biologique ou conversion : pêchers (en troisième année de conversion), abricotiers, cerisiers, grenadiers, pruniers. Mais cela fait bien longtemps que l’arboriculteur - non issu du milieu agricole - cherche à réduire au maximum l’utilisation de produits phytosanitaires et ce, bien avant son passage en bio en 2006.

L’intérêt de la biodiversité

En parallèle, il a même développé sur son exploitation la biodiversité, avec création de mares biologiques, pose de nichoirs à mésange et d’abris à chauve-souris, plantation de haies, etc. Ainsi, la présence d’auxiliaires lui permet de limiter les ravageurs dans ses vergers. 
Pour la tordeuse orientale en revanche, s’il est difficile de se passer de traitements chimiques, la technique de confusion sexuelle semble faire ses preuves. Depuis près de vingt ans, le gérant de l’EARL Les Vergers de Maubec travaille sur la maîtrise de cette méthode dans l’optique de passer ses pêchers en bio. « Nous posons des diffuseurs de phéromones dans les arbres en début de saison, juste avant le premier vol (début avril généralement, ndlr) à raison d’un diffuseur par arbre (soit 550 par hectare), aux deux tiers de l’arbre (soit environ à moins de deux mètres). Il faut mettre assez de diffuseurs à l’hectare pour que la confusion sexuelle fonctionne et créé un effet de masse », explique Jean-Luc Valentini. Ces diffuseurs consistent à répandre dans l’atmosphère une copie de la phéromone naturelle émise par la femelle pour attirer les mâles de façon à les désorienter et à limiter les accouplements.

Un coût de 200 € à l’hectare

La diffusion des phéromones dure de cinq à six mois, ce qui permet de ne poser qu’un diffuseur par arbre et par saison. Toutefois, cette technique a un coût : environ 200 € l’hectare, sans compter le temps de pose (environ 1 h 30 par hectare) pour équiper les fruitiers et le pourtour de la parcelle. « Pour être efficace - et en cas de forte pression de tordeuses - il faut être très vigilant sur la date de pose des diffuseurs. C’est l’une des clés de réussite de cette pratique. Ils doivent être placés dès l’observation d’insectes sur les pièges », poursuit l’arboriculteur. Car si les tordeuses orientales adultes de la première génération peuvent pondre une cinquantaine d’œufs sur la face inférieure des feuilles, les générations suivantes sont en général plus fécondes. En cas de retard, « la confusion sexuelle devient alors inefficace voire pénalisante, ajoute Mathilde Gibaud, ingénieure à Agribiodrôme. Pour rattraper cela, les arboriculteurs bio peuvent toujours faire un traitement au Bacillus thuringiensis. »

Sans traitement ni baisse de rendement

Grâce à une montée en compétences au fil des ans, Jean-Luc Valentini maîtrise aujourd’hui parfaitement la gestion des populations de tordeuses orientales, sans traitement ni baisse de rendement. « La technique de la confusion sexuelle est l’un des outils les plus au point pour lutter contre la tordeuse, avoue-t-il. D’ailleurs, après plusieurs années d’essais, j’ai pu passer mes pêchers en bio assez sereinement. Avant, je faisais sept ou huit traitements phytosanitaires. Aujourd’hui, je n’utilise plus aucun insecticide sur la ferme », se satisfait-il. Pour autant, il conseille à ses collègues de  choisir des variétés adaptées à leur mode de conduite. « Il ne s’agit pas seulement d’adopter une certaine pratique comme la confusion sexuelle ou le lâcher d’auxiliaires, il faut surtout raisonner la réduction des intrants phytosanitaires dès le départ. » Grâce à son expérience de plusieurs années, Les Vergers de Maubec ont servi de vitrine aux autres membres du groupe Dephy. « Tous les arboriculteurs du groupe (une quinzaine, ndlr) ont mis en place cette technique au sein de leurs vergers », se réjouit même Jean-Luc Valentini.

Le cycle de développement de la tordeuse orientale*

L’insecte hiverne à l’état larvaire dans un cocon sous les écorces ou dans le sol. Les premiers papillons apparaissent entre fin mars et fin avril. Ils pondent dès que la température crépusculaire dépasse 15°C pendant dix à quinze jours. Le stade baladeur de la chenille peut durer de quelques minutes à deux à trois jours. On observe généralement quatre générations au cours d’une saison.

* source : Agribiodrôme
Grâce à cette technique de confusion sexuelle, Jean-Luc Valentini a supprimé tout traitement insecticide dans ses vergers.