SOCIAL

« Avancer ensemble et ne laisser personne au bord du chemin »

Depuis 1993, le dispositif Regain accompagne les agriculteurs qui rencontrent des difficultés en mobilisant conjointement les conseillers d’entreprise de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche et les travailleurs sociaux de la MSA Ardèche Drôme Loire (ADL). Il peut être déclenché pour des motifs variés (endettement, problèmes économiques ou de santé, détresse morale, épuisement professionnel, etc.) et repose sur une détection précoce des agriculteurs en difficultés et sur un accompagnement global (social, familial et professionnel) - individuel et collectif - afin de les aider à améliorer leurs revenus et leur autonomie.

Ce dispositif est soutenu financièrement par l’État (service de la Direccte¹) dans le cadre de son appui aux mutations des filières, par le conseil départemental de l’Ardèche, mais aussi par l’engagement de nombreuses organisations professionnelles et d’élus. « Un partenariat très fructueux », a souligné le président de la MSA ADL, Henry Jouve, en ouverture du comité de pilotage du dispositif Regain, organisée par visioconférence le 20 novembre dernier.

Accompagner les transformations

Lors de cette assemblée, les membres du comité de pilotage ont dressé le bilan d’activité de l’année 2019. Une année marquée par « un nouvel épisode de sécheresse estivale durable, de fortes précipitations de neige au mois de novembre et le séisme du 11 novembre 2019 au Teil qui a frappé le centre de la vallée du Rhône Sud et ses alentours », a rappelé Henry Jouve. « Regain n’a pas été conçu pour répondre spécifiquement aux conséquences des aléas climatiques et des catastrophes naturelles mais notre dispositif témoigne toujours autant, 27 ans après sa création, de sa capacité à accompagner les transformations. » Et les « transformations » du monde agricole impactant les métiers d’agriculteurs sont nombreuses : problématiques du renouvellement des générations, effets du changement climatique, évolution des profils professionnels… Au cours de ces trois dernières années, près d’un exploitant sur sept a bénéficié du dispositif Regain, que ce soit dans le cadre d’un accompagnement individuel ou des actions collectives et des formations.

Pour l’année 2019, Regain a détecté 117 situations fragiles et accompagné 321 personnes, dont 62 % étaient bénéficiaires du RSA et 9 % étaient reconnues comme travailleurs handicapés. Les motifs de ces accompagnements sont sensiblement les mêmes que les années précédentes. Ils concernent particulièrement un public dont les ressources financières sont insuffisantes et/ou qui rencontrent des problèmes de santé. Les productions les plus concernées sont celles des élevages bovin (23 %) et caprin (12 %), ainsi que celles de l’horticulture et du maraîchage (14 %). Les situations fragiles se concentrent fortement sur le sud-ouest et le centre du département, avec des bénéficiaires âgés majoritairement entre 25 et 44 ans (53 %). Dans le cadre de l’accompagnement collectif, 117 bénéficiaires ont été accompagnés pour leur déclaration Pac, mais aussi sur des actions collectives concernant la vente directe, la santé, le développement personnel etc. Quant au dispositif d’aide au répit des actifs (remplacement de 2 à 10 jours sur l’exploitation selon la situation du bénéficiaire) destiné aux agriculteurs en situation d’épuisement professionnel, 16 dossiers ont été validés en Ardèche. Enfin, 86 personnes sont sorties du dispositif Regain grâce à une amélioration de leur situation en 2019.

Solidarité, projection et rebond économiques

« Notre souhait est de renforcer notre dispositif d’aide dans les années à venir, le voir perdurer avec l’appui de tous », a annoncé Henry Jouve. « Le dispositif Regain aura beaucoup de travail sur l’année 2020, mais aussi celle de 2021. De nombreuses personnes se retrouvent ou se retrouveront fragilisées par rapport à la pandémie, notamment face à la fermeture de la restauration et des problèmes d’écoulement des productions agricoles. » Même inquiétude pour le président de la Chambre, Benoit Claret : « Les préjudices causés par cet épisode sanitaire ne sont pas tous connus. Ils seront présents et à déterminer au cours de l’année à venir, et devront peut-être être gérés sur le long terme ».

Les partenaires de Regain restent unanimes : l’aspect collectif est primordial pour arriver à détecter le plus tôt possible les agriculteurs en difficultés et les accompagner. « Cette équipe, ce pacte que nous formons, nous permet de trouver des solutions et d’avancer », a-t-il ajouté. Les solutions sont multiples et le dispositif Regain sera au rendez-vous, mais les inquiétudes sont vives face au contextes sanitaire et économique actuels : « Plus que jamais, l’ensemble des services de la Chambre sont engagés pour que ceux qui sont touchés par cette crise sanitaire puissent être pris en charge. Mais demain, quelles seront nos capacités pour pouvoir continuer d’accompagner l’ensemble des personnes qui nous sollicitent et se présentent à Regain ? », a alerté Benoit Claret face à la baisse des financements accordés à Regain. Les moyens « très restreints » de la Chambre consulaire « risquent de nous laisser dans l’impossibilité de prendre les bonnes décisions ou d’être dans l’obligation de choisir entre celui que l’on accompagne et celui pour lequel nous serons obligés de laisser plus seul et plus longtemps, de le laisser sur une dimension purement sociale... Il est indispensable que ce dispositif soit non seulement de l’accompagnement à la solidarité mais aussi une aide à la projection économique et au rebond professionnel ! Nous devons étudier toutes les pistes pour continuer d’avancer ensemble et ne laisser personne au bord du chemin. »

Anaïs Lévêque 

^{1. Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.}