ENTREPRISE
La cosmétique zéro déchet a le vent en poupe

Sophie Sabot
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La marque Lamazuna a quitté Paris pour la Drôme il y a trois ans. L’entreprise vient d’investir 6 millions d’euros pour créer son siège et projette de passer de 50 à 150 salariés. Rencontre avec Laëtitia Van de Walle, jeune entrepreneuse pionnière des cosmétiques zéro déchet.

La cosmétique zéro déchet a le vent en poupe
Laëtitia Van de Walle a lancé la marque Lamazuna en 2010. Dix ans plus tard, elle réalise 10 millions d’euros de chiffre d’affaires (chiffre 2020) avec ses cosmétiques zéro déchet. ©Charline Fauveau

La marque Lamazuna, spécialiste des cosmétiques zéro déchet, connaît depuis cinq ans une croissance fulgurante. Derrière ce concept, une jeune femme originaire de Vendée, Laëtitia Van de Walle. Avec 2 500 € en poche, elle décide en 2010 de se lancer dans le commerce de lingettes démaquillantes réutilisables et durables pour « alléger la poubelle de la salle de bains ». C’est le point de départ de l’aventure et la naissance, sur Paris, de la marque Lamazuna. Rapidement, d’autres produits rejoignent la gamme comme le fameux « oriculi » qui remplace les cotons-tiges. En 2014, Laëtitia Van de Walle franchit une nouvelle étape avec le lancement des cosmétiques solides. Shampoings, savons, déodorants, baumes après rasage peuvent désormais se passer d’emballage plastiques. Grâce à internet mais aussi sur les salons ou marchés de produits écologiques, les ventes progressent jusqu’à franchement décoller en 2015. « La Conférence de Paris sur les changements climatiques (Cop 21) a marqué une vraie prise de conscience autour du problème du plastique », rappelle la jeune femme. Dans la foulée de ce rassemblement mondial, elle peut alors embaucher et ouvrir son atelier boutique dans la capitale.

Marches, ville d’accueil

En 2017, l’équipe compte douze personnes et la fondatrice de Lamazuna rêve d’aller plus loin dans son concept zéro déchet. Après la poubelle de la salle de bains, elle se donne pour mission de soulager celle de la salle repas de sa petite entreprise. À la place des tickets-restaurants qui permettent d’acheter un repas sur le pouce dans un emballage jetable, elle ambitionne de créer un jardin en permaculture et un restaurant d’entreprise. Objectif : régaler ses salariés de produits frais et locaux en oubliant les déchets. Pour concrétiser cela, elle cherche un lieu « n’importe où en France mais surtout une terre d’accueil, avec une belle ouverture d’esprit », résume-t-elle. Un ami lui vante la Drôme, destination idéale à moins de trois heures de Paris en TGV. Laëtitia Van de Walle se met en quête de locaux dans un rayon de 15 min autour d’une gare. Un entrepôt à louer est disponible à Marches, commune rurale au pied du Vercors. Une première étape en attendant de déployer un projet plus vaste. « J’ai rencontré le maire. Je lui ai expliqué que nous cherchions un terrain pour nous installer définitivement. Il a été séduit par cette perspective », assure la cheffe d’entreprise. En pleine révision du PLU, la commune et la communauté d’agglomération lui proposent une parcelle de six hectares, dont trois constructibles en zone d’activité, le reste en terrain agricole. Démarre alors le chantier - un investissement de plus de 6 millions d’euros - de l’éco-lieu rêvé par la fondatrice de Lamazuna.

Créer une centaine d’emplois

Fin mars, la société a déménagé dans ce bâtiment flambant neuf de 3 100 m², abritant bureaux et espaces de stockage. Là, sont hébergés les services indispensables au fonctionnement de la marque : pôle commercial, logistique, approvisionnements, ressources humaines et comptabilité et surtout le pôle innovation. « Tous nos produits sont créés en interne. Ensuite, nous cherchons en France le bon fabricant. Par exemple, pour nos accessoires durables en plastique biosourcé, c’est l’entreprise Manuthiers basée dans le Puy-de-Dôme, explique Laëtitia Van de Walle. Ensuite, tous les produits reviennent sur notre site. Nous travaillons pour leur conditionnement avec trois Esat1 de la Drôme et avec des personnes en insertion professionnelle que nous accueillons ici à Marches. » Lamazuna propose désormais une centaine de références et a atteint en 2020 un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros (50 % en réseau de magasins bio, 30 % en pharmacie, 10 % en grande distribution au travers de la marque The Green Emporium et 10 % à l’export). La crise de la Covid 19 a cependant freiné l’entreprise dans son développement. « Nous avions atteint 70 salariés, nous sommes redescendus à 50 », confie la patronne de Lamazuna. Mais elle compte bien retrouver au plus vite le rythme de croissance d’avant crise et créer encore une centaine d’emplois sur sa terre d’accueil drômoise. D’ici là, elle souhaite aussi concrétiser ses projets autour de l’éco-lieu : une activité agricole et un restaurant d’entreprise, juridiquement et financièrement indépendants de Lamazuna. « L’idée est de démontrer que le modèle fonctionne et que ces structures ne sont pas sous perfusion de Lamazuna », insiste Laëtitia Van de Walle.

Lien au territoire

La jeune femme tient également à entretenir le lien avec son territoire. « Avant de lancer notre projet d’éco-lieu, nous avons invité les habitants de Marches, les entreprises locales, les élus… On se connaît bien désormais, se réjouit-elle. J’ai grandi dans une ville de 2 000 habitants en Vendée, je sais qu’il est important d’ouvrir ses portes. » Elle annonce une grande inauguration du nouveau site « Lamazuna - The Green Emporium » pour septembre 2022, ouverte au public. Nul doute que les curieux vont se presser pour découvrir cette petite entreprise devenue grande, aujourd’hui leader sur le marché des cosmétiques solides. n

Sophie Sabot

1. Esat : établissements ou services d’aide par le travail.

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Entre les marques Lamazuna (ci-dessus), Green Emporium pour la grande distribution et bientôt Kisupu dédiée aux adolescents, l’entreprise propose plus d’une centaine de produits. ©Lamazuna
MARAÎCHAGE

Lamazuna recrute

Dès ce mois de février, deux hectares de lavandin seront implantés sur le site de l’entreprise à Marches. L’huile essentielle ainsi obtenue auprès de la distillerie des Monts du Matin à Chatuzange-le-Goubet (Drôme) devrait répondre aux besoins des sous-traitants de l’entreprise pour la fabrication de ses cosmétiques. 5 000 m² de légumes (avec l’objectif d’un hectare à terme) seront aussi mis en culture pour approvisionner le futur restaurant d’entreprise qui pourrait ouvrir ses portes en 2023. Trois-cents arbres fruitiers ont déjà été plantés autour du bâtiment en construction. « Nous recruterons en 2022 deux personnes avec un profil agricole-maraîchage pour lancer notre production », indique la cheffe d’entreprise. Elle pourrait aussi s’appuyer sur des agriculteurs ou entreprises de travaux agricoles si nécessaire.

S.S.