HISTOIRE
Le loup en Ardèche, un sentiment de « déjà-vu »

Les anciens en Ardèche avaient fini par s’en débarrasser, voici qu’il revient, à pas de loup, repeupler les forêts de France. Si aucune meute n’est officiellement comptabilisée en Ardèche, cela n’empêche pas les attaques depuis les années 2010. Il faut dire que ses ancêtres ont longtemps arpenté les forêts denses du territoire ardéchois.

Le loup en Ardèche, un sentiment de « déjà-vu »
Le loup, au cœur des débats entre associations de défense de l'environnement et éleveurs. ©AAA_DR

La dichotomie qui naît invariablement des échanges autour du loup n’a d’égal que le rôle qu’exerce celui-ci au sein de la société humaine. On retrouve des écrits sur la présence du loup en Ardèche, depuis plusieurs siècles. « Le plus ancien document que nous possédions aux archives concernant le loup en Ardèche date de 1764. Il évoque une "bête féroce" », explique Sylvie Caddet, responsable de médiation culturelle aux Archives départementales.

Animal sauvage par excellence, acteur majeur de la régulation des espèces et de la biodiversité, symbole spirituel au fil des siècles et des cultures, puis craint lorsque celui-ci, s’attaque aux troupeaux, dus à une population de loup plus élevée1. « Les loups sont un des fléaux les plus redoutables dans nos campagnes », peut-on lire dans un Mémoire sur la destruction des loups2 datant de 1770. Le document, qui relate les attaques de « poulains, bœufs et bêtes à laine », fait état des moyens mis en œuvre progressivement pour éliminer le prédateur : pièges et appâts, fusils de chasse, poison.

Des attaques de loups, qui mènent à….

Mais le loup ne se contente pas d’attaquer les cheptels. Des enfants, gardiens de troupeaux, disparaissent également en Ardèche. Plusieurs actes de décès font état de morts d’enfants imputées au prédateur, comme ce jeune garçon de 14 ans, Joseph, fils de « cultivateur », déclaré « dévoré par un animal féroce de la figure d’un loup ». Un autre document évoque en 1813 la tête d’un enfant de 8 ans, retrouvé après avoir été attaqué par un loup, à Lafigère. La même année, à Saint-André-de-Cruzières, une petite fille de 7 ans est déclarée « décédée, ayant été dévorée dans les bois par une bête féroce ». Des cas similaires sont recensés à Malbosc, Gravières, Les Vans. Entre le XVe et le XXe siècle, 24 victimes humaines du loup sont ainsi recensées en Ardèche.

Si dans les années 1700 le loup est présent partout en France, entre 1764 et 1767, 115 enfants furent victimes d’attaques dans la région du Gévaudan par la fameuse « bête ».

Une éradication totale

Une loi du 3 août 1882 demande la destruction de l’animal. Chaque loup tué doit alors être exposé pour témoin aux yeux du public et faire l’objet d’une déclaration aux autorités. En récompense ? Une prime, comme le relatent nombre de courriers envoyés par des mairies au préfet, demandant l’indemnisation d’habitants pour leurs loyaux services. La chasse au loup était lancée : 6 000 bêtes abattues par an ont conduit à sa disparition en France. C’est au Cheylard, qu’est déclaré le dernier loup tué, en 1922.

Le loup, réintroduit

Le loup fait son grand retour en 1992 dans le parc national du Mercantour (Alpes-Maritimes). Un décret hisse l’animal au rang d’espèce protégée en 1993, dans le cadre de la Convention de Berne. Après sa réapparition en Lozère, la présence du loup en Ardèche est fortement soupçonnée à partir des années 2010. En 2013, grâce à une photographie nocturne prise à Cellier-du-Luc, la présence du canidé est officiellement reconnue par la préfecture. Depuis, chaque année, les éleveurs disséminés sur l’ensemble du territoire déplorent des attaques au sein des troupeaux.

Le loup, animal mythique, pourvoyeur d’histoires inquiétantes, mais aussi animal sauvage, bien réel, infligeant des dégâts aux troupeaux d’antan et de maintenant. Suscitant un sentiment ambivalent, il n’a jamais récolté l’unanimité. Les époques changent, les moyens mis à disposition aussi, mais la problématique liée à sa présence, reste immuable. La crainte, pour l’avenir de l’élevage ovin et le pastoralisme, se ravive.

Mylène Coste et Marine Martin

1. Une louve peut mettre bas jusqu’à sept louveteaux.

2. Tous les documents sur lesquels nous nous sommes appuyés pour construire cet article sont accessibles aux Archives départementales.

Loups et éleveurs : l'Histoire continue

Le Plan national d’actions Loup (PNA) présenté ce 18 septembre n’a pas éteint le feu des inquiétudes pour les éleveurs. Si le nouveau PNA vise notamment à simplifier et à accélérer la délivrance des autorisations de tirs de défense contre le loup, il n’y a pas eu d’avancées significatives, d’après le communiqué commun de la FNSEA, Jeunes agriculteurs (JA), la Fédération nationale ovine (FNO), les Fédérations nationales bovines, des producteurs de lait, du cheval et des éleveurs de chèvres (FNB, FNPL, FNC et Fnec). Il n’a pas été question « du statut du chien de protection pour dégager la responsabilité de l’éleveur en cas d’incidents. L’octroi d’avances aux agriculteurs obligés d’investir dans des moyens de protection coûteux demeure toujours impossible. Seule la possibilité de faire évoluer la méthode du comptage des loups demandée depuis de longs mois par la profession agricole semble ouverte mais pas acquise », lit-on dans le communiqué.

L’Office français de la biodiversité (OFB) a réévalué la population lupine à 1 104 individus en sortie d’hiver 2023 (contre 906 en juillet).

Le nouveau PNA prendra effet le 1er janvier prochain.