MOBILISATIONS
La pression maintenue toute la semaine en Auvergne-Rhône-Alpes

Entre les blocages de centrales d’achat et la participation à des contrôles sur l’origine des produits, le réseau FRSEA-JA d’Auvergne-Rhône-Alpes, épaulé par les voisins creusois et de Bourgogne-Franche-Comté, n’a pas lâché l’affaire.

La pression maintenue toute la semaine en Auvergne-Rhône-Alpes
En Isère, l’activité de la plateforme logistique Socara fournissant les magasins Leclerc à Villette-d’Anthon, a été paralysée les jeudi 22 et vendredi 23 février. ©IAR/CF

La mobilisation des agriculteurs ne s’essouffle pas. Pour preuve, la semaine dernière, à l’appel du réseau FRSEA-JA d’Auvergne- Rhône-Alpes, plusieurs centrales d’achat ont été bloquées dans la région. Mercredi 21 février, en fin d’après-midi, ils étaient une soixantaine, venus de l’Allier, du Puy-de-Dôme, de Saône-et-Loire, de Creuse, de Haute-Loire, du Cantal et de la Nièvre à bloquer la SCA Centre à Yzeure (Allier), l’une des centrales d’achat du géant Leclerc. Un lieu symbolique selon Chantal Pelletier, venue spécialement de la Nièvre : « Notre rémunération dépend du prix fixé par les grandes et moyennes surfaces. Quelques mesures ont été mises en oeuvre par le gouvernement, mais ce n'est pas à la hauteur de ce qu'on nous avait promis », résume-t-elle. Parmi les manifestants, Baptiste et Patricia, deux agriculteurs. « Le problème vient des prix et de la traçabilité, affirme Patricia. Les produits en provenance de l'étranger ne sont pas soumis aux mêmes normes que les nôtres. C'est une forme de concurrence déloyale. Nous nous sommes mobilisés il y a trois semaines, mais nous n'avons pas l'impres­sion d'avoir été entendus. Pour le moment, très peu de mesures annoncées par le gouvernement sont entrées en vigueur. Nous sommes déterminés à poursuivre notre mobilisation. » Grâce à des relais réguliers, le site a été bloqué jusqu’au vendredi 23 février.

Des plateformes logistiques bloquées

Aux confins de l’Isère et du Rhône, l'activité de la plateforme logistique Socara fournissant les magasins Leclerc à Villette-d'Anthon (Isère), a été paralysée les jeudi 22 et vendredi 23 février. Des dizaines de camions se sont retrouvés bloqués aux abords, empêchés de sortir ou de charger de nouvelles marchandises. Plus au Nord, dans le département de l’Ain, une quarantaine d’agriculteurs avait déjà installé leur campement depuis la veille, afin de bloquer les entrées et sorties de la plateforme Kuehne + Nagel, située à Bâgé-Dommartin. Le lieu n’a pas été choisi au hasard : cette entreprise logistique compte comme unique client le mastotonde Carrefour. Chaque jour, excepté le dimanche, près de 100 camions livrent des produits d’épicerie et des denrées non-pé­rissables à cette plateforme mesu­rant 60 000 m². « C'est un blocage qui se comprend, a assuré le directeur d’exploitant du site Vincent Rieutor, dès l’apparition des premiers tracteurs. Nous sommes venus pour nouer le dialogue. » Selon Jeunes agriculteurs de l’Ain, l’opération de blocage a finalement été levée le jeudi 23 février, à la suite de « négociations qui ont permis d'obtenir des engagements de plusieurs enseignes (Carrefour, Super U et Intermarché) ». Dans l’Est du départe­ment de l’Ain, à Saint-Just, le blocage de la plateforme logistique de Système U a débuté le mercredi 21 février en fin de journée par la FDSEA et JA et a pris fin le lendemain dans la soirée. Une mobilisation qui a porté ses fruits, avec à la clé des engagements écrits de l’enseigne. « Co-écrits entre JA, la FDSEA et les dirigeants de Super U, ces engagements pourront appuyer nos demandes auprès des services de l'État, avec le soutien de la préfète, pour mettre en application ces promesses, et sanctionner quand elles ne seront pas tenues, ce que nous surveille­rons de près », se félicitent Jeunes agriculteurs de l’Ain.

Des engagements moraux et écrits obtenus

« Fort de nos mobilisations, des engagements moraux et écrits des dirigeants nationaux des acteurs de la distribution ont été obtenus pour une évolution de la loi Égalim », a déclaré avec enthousiasme Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. En clair, les acteurs de la distribution sont ainsi favorables à la construction du prix en marche avant en utilisant seulement et obligatoirement les coûts de production interprofessionnels. Ils sont également en faveur d’une négo­ciation du prix, dans un premier temps entre l'agriculteur et le premier opéra­teur, et dans un second temps entre l'industriel et la GMS. « Ils se sont aussi engagés à contrôler le respect de l’uti­lisation du drapeau français, mais cela, c’est juste respecter la loi que l’État doit impérativement faire appliquer ». La vigilance reste néanmoins de mise, et de nouveaux blocages ne sont pas exclus, si encore une fois, les promesses ne se traduisaient pas dans les actes.

Léa Surmely, Sophie Chatenet, Léa Rochon, Charlotte Favarel et P. F.

Les GMS sous haute-surveillance
Jeudi 22 février, quatre hypermarchés de Savoie et de Haute-Savoie ont été visités afin de vérifier la provenance des références alimentaires. ©Terres des Savoie / BC
GMS

Les GMS sous haute-surveillance

Fin février, les grandes et moyennes surfaces de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont été le théâtre de nombreux contrôles de provenance et de qualité des produits commercialisés.

Le bal des contrôles a démarré le mercredi 21 février, date à laquelle une délégation d’agriculteurs ligériens s’est rendue dans des rayons d’enseignes de la grande distribution de la Loire (Super U, Intermarché et Fresh). L’objectif ? S’assurer que la traçabilité des produits vendus était en règle. Rien de particulier n’a été signalé pour les deux premières enseignes. En revanche, des produits, en particulier carnés et ne correspondant pas à la réglementa­tion, ont été sortis des rayons dans le troisième magasin.

Communication et sensibilisation

Le lendemain, jeudi 22 février, quatre hypermarchés des deux Savoie étaient visités en même temps pour vérifier la provenance des références alimen­taires. Une centaine de syndicalistes ont participé à cette action coup de poing qui visait les magasins Leclerc de Cran-Gevrier et de Tournon, le Géant Casino d’Annemasse et le Carrefour de Bassens. Les agriculteurs ont scruté tous les rayons à la loupe et ont apposé plusieurs types d’autocollants pour noter l’origine des produits. De cette enquête, il ressort que le lait, les oeufs et la viande fraîche s’avèrent d’origine France. En revanche, pour les fruits et légumes hors saison, les produits ultra-transformés et surtout pour le rayon bio, c’est un véritable tour du monde qui est proposé aux consommateurs, avec des prove­nances souvent très lointaines (lentilles de Bolivie, olives d’Argentine…). Plusieurs échanges directs avec les responsables des magasins ont permis de mettre en avant le niveau d’exigence élevé de l’agriculture française et de plaider le meilleur partage de la valeur ajoutée de la production à la distribution. Les clients rencontrés dans les allées étaient totalement solidaires de l’action. De plus, des opérations sourire pour accueillir les nombreux vacanciers dans les stations de ski (Avoriaz, La Clusaz, le Grand- Bornand, Saint-Jean-d’Aulps…) se multi­plient pendant ces vacances scolaires. L’occasion de sensibiliser le public aux enjeux agricoles autour de dégustations de produits savoyards.

La francisation des produits traquée

Vendredi 23 février, c’était au tour du préfet de la Haute-Loire d’inviter la presse à assister à un contrôle dans une GMS. Cette opération a été menée par les services de l’État et portait sur la loyauté des étiquetages et la francisation des produits. Le préfet Yvan Cordier a expliqué avoir « ciblé 40 GMS » du département, dont « 19 ont déjà été contrôlées depuis le 31 janvier ». Selon lui, aucune anomalie n'a été relevée pour 16 d'entre elles, 2 avertissements ont été notifiés et un procès-verbal rédigé. Afin de réaliser ces contrôles, le groupe s'est d'abord dirigé vers le rayon des viandes, accueilli par les bouchers du Super U d’Yssingeaux, puis dans les étals des fruits et légumes. Les contrôles portaient sur l'étiquetage et la traçabilité. Pour cela, les agents se sont intéressés aux produits d'origine France et ont scruté les étiquettes qui doivent être conformes à la législation en vigueur, en comportant l'intégralité des mentions obligatoires. Pour vérifier la traçabilité, ils ont demandé aux responsables de rayons les documents qui accompagnent ces produits, dont la provenance, la date d'abattage, le numéro d'agrément de l'abattoir ou encore le numéro de l'animal. Au terme de ce contrôle, rien à signaler pour les agents qui traquent, outre la loyauté des étiquetages, la francisation des produits. « Nous cherchons à éviter la tromperie et la concurrence déloyale, a indiqué Norbert De Andrade, chef du pôle concurrence consommation et répression des fraudes. Nous ne contrôlons pas seule­ment les GMS, mais aussi les industries et la restauration commerciale et collective. » Le préfet a souligné que les contrôles au niveau de la région ont aussi été intensifiés, notamment au niveau des centrales d'achat, et de rappeler que « tout produit vendu en France doit respecter les règles françaises ».

Lucie Grolleau, Bertrand Coffy et Suzanne Marion