Installé à Chomérac, Laurent Devidal veille à la santé générale des chevaux, notamment par le parage et le ferrage. Un passage incontournable pour entretenir, surveiller, protéger leurs pieds et soulager les boiteries.

Un entretien indispensable des pieds
Il est conseillé de faire intervenir un maréchal-ferrant sur un cheval ferré toutes les 5 à 8 semaines en moyenne et pour des parages trois fois par an minimum. ©AAA_AL

La maréchalerie est un métier « de plaisir » qui attire des passionnés, « très difficile physiquement », décrit Laurent Devidal. Il faut en effet être à même de pouvoir manipuler et maîtriser les chevaux en toutes circonstances, assurer le travail de forgeron, l’entretien, la surveillance et la protection des pieds des équidés. Lui qui montait à cheval étant petit, s’est formé au métier de maréchal-ferrant en suivant un BPA1 à la MFR de Saligny-sur-Roudon (Allier) puis un BTM2 pour se perfectionner notamment sur le travail du métal et les ferrures spéciales, en orthopédie et sur les boiteries des équins. Aujourd’hui, il travaille sur tout le département de l’Ardèche et en Drôme, où les professionnels se font rares malgré les besoins.

Pour les chevaux sans pathologie qui travaillent régulièrement sur des terrains variés, la ferrure permet d’éviter l’usure rapide du pied. Leurs sabots, poussant en permanence, doivent être nettoyés et ferrer très régulièrement. Le parage du pied, qui consiste à enlever l’ancien fer pour en ferrer un autre, permet de retirer l’excédent de corne au moyen d’un boutoir et d’un rogne-pied. Une fois cette étape passée, le fer est chauffé et ajusté au sabot, avant d’être cloué ou collé selon l’activité de l’animal, dans l’objectif de rectifier ses aplombs et avoir un alignement le plus droit possible. Une ferrure « sur mesure selon les besoins » résume Laurent Devidal. « J’essaye de connaître le mode de vie des chevaux, s’ils travaillent ou non, ce qu’ils font. C’est important aussi en cas d’urgence de connaître le passif de l’animal. » Et d’ajouter : « Dans la maréchalerie, nous n’avons rien inventé depuis la fin du Moyen Âge mais nous avons amélioré le confort de l’animal ».

Il est conseillé de faire intervenir un maréchal-ferrant sur un cheval ferré toutes les 5 à 8 semaines en moyenne et pour des parages trois fois par an minimum. « Les gestuelles restent les mêmes mais le travail est différent d’un cheval à un autre. Tout dépend du terrain sur lequel ils évoluent, pour certains l’usure des pieds peut se faire naturellement, pour d’autres ils poussent plus vite », ajoute-t-il. « Il peut y avoir des urgences aussi dues à une boiterie, la plus importante est l’abcès du pied où il faut gratter pour libérer la pression de l’abcès. »

Une ferrure adaptée à chaque pathologie

Face aux boiteries, il réalise une ferrure adaptée à chaque problématique, à l’aide parfois de fers thérapeutiques ou orthopédiques pouvant être utilisés dans le cadre de pathologie ou de défaut d'aplomb.

En cas de tendinite, « on mettra un fer complètement fermé pour éviter l’enfoncement du pied dans le sol, mais chaque tendinite est différente, tout dépend du tendon touché ». En cas de fourbure, le plus souvent due à un excès de poids qui entraîne un excès de sang dans le pied, « on posera un fer en forme de cœur pour rééquilibrer le poids de l’animal. La fourbure est quelque chose de très grave, il faut vraiment éviter les excès d’alimentation ». La maladie naviculaire est, quant à elle, « souvent liée aux gros chevaux de sport. À chaque réception, le petit os du pied prend des impacts et peut être fragilisé. On mettra alors un fer en forme d’œuf pour éviter là aussi l’enfoncement du pied dans le sol, ou un fer en plastique qui ne glisse pas et annule l’onde de choc ».

Savoir reconnaître les boiteries et intervenir

Ces différents éléments de connaissance ont été apportés à des éleveurs venus participer à une session de formation sur les boiteries des équins, organisée par le GDS3 de l’Ardèche avec Laurent Devidal et la vétérinaire privadoise Véronique Dumas Soulageon (voir ci-contre). « Il est possible de reconnaître certaines boiteries et attaquer des soins avant qu’un maréchal-ferrant ou un vétérinaire intervienne. Une boiterie se reconnaît par certaines démarches atypiques des chevaux, comme la boiterie en pince qui donne l’impression que le cheval trébuche, elle est souvent le signe d’un abcès. Quand il se campe sur l’arrière, cela relève de la fourbure, si le sabot est chaud aussi ou que l’éleveur constate une différence de température d’un pied à l’autre… », explique le maréchal-ferrant. Pour les abcès, il conseille d’effectuer un bain de pieds d’eau tiède avec un peu de javel, ou un cataplasme d’huile de lin posé en pansement, afin de faire mûrir l’abcès et qu’il sorte de lui-même.

Chevaux de trait

Pour les chevaux de trait, souvent cagneux, conseil est donné de « les tenir plus sec pour éviter les poitrails trop larges ». Leurs aplombs peuvent être travaillés soit par ferrage soit par parage. Le travail de ferrure n’est pas le même selon leurs pieds, leurs démarches et les travaux qu’ils réalisent : « Sur l’attelage classique, on fait attention à éviter les glissades. Pour les travaux dans les vignes, on veille à garder une ferrure robuste car ils marchent sur des sols caillouteux. Pour le débardage, on pose des fers cramponnés ». Il est quelquefois difficile d’intervenir sur les chevaux de trait, « costauds, parfois moins éduqués, moins habitués à côtoyer du monde ». Comme pour tous les équins, « on conseille aux éleveurs de chevaux de trait de les habituer à donner le pied. Sinon ils peuvent s’équiper d’un parc de travail de contention, qui permet de les maintenir avec des sangles », poursuit Laurent Devidal. Une solution très coûteuse et inadaptée aux chevaux de selle, prévient-il.

A.L.

1. Brevet professionnel agricole.
2. Brevet technique des métiers.
3. Groupement de défense sanitaire.

« 90% des boiteries viennent du pied »
Véronique Dumas Soulageon. ©AAA_AL
QUESTIONS À

« 90% des boiteries viennent du pied »

Véronique Dumas Soulageon, vétérinaire à Privas, concernant les boiteries et les soins des pieds chez les équidés.

En quoi l’entretien des pieds des équins est-il important ?

Véronique Dumas Soulageon : « Les chevaux ne naissent jamais parfaitement droits. Leurs aplombs, sont facilement cagneux ou panards. S’ils ne sont pas parés régulièrement, cela peut s’aggraver, faire trop forcer les articulations et entraîner des lésions d’arthrose. C’est pourquoi l’entretien des pieds chez les équins est vraiment important. Je reste persuadée que les éleveurs ont plus besoin d’un bon maréchal-ferrant que d’un vétérinaire spécialisé en équine. En effet, la plupart du temps, le vétérinaire traitant va assurer la vaccination, le traitement de pathologies courantes et parfois des soins dentaires. Les pathologies graves restent rares et dans ce cas les éleveurs peuvent assez facilement transporter le cheval dans une clinique spécialisée, alors que la maréchalerie est un soin qui doit être pratiqué très régulièrement d’où l’impossibilité de se déplacer pour chaque parage ou chaque ferrure et la nécessité d’avoir à proximité un maréchal-ferrant très compétent »

Que peut faire un éleveur au quotidien pour protéger ses chevaux ?

V.S. : « En prévention pure et dure, c’est déjà l’entretien journalier du pied : bien curer et nettoyer, surveiller la souplesse et l’usure de la fourchette, retirer le moindre bout de bois ou cailloux coincé sous le pied. Si le terrain est très sec ou en période très sèche, on peut graisser les pieds pour hydrater la corne et qu’elle n’éclate pas. En période très humide, où il y a beaucoup de boue, on peut appliquer du goudron pour éviter que l’eau ne pénètre trop dans le pied et ne l’abîme. »

Quelles sont les causes des boiteries chez les équins ?

V.S. : « Chez les équins, 90% des boiteries viennent du pied. C’est la zone fragile, très vascularisée, qui est en contact avec le sol, potentiellement une pointe, un caillou, etc. Il y a facilement des abcès et problèmes de pieds si la corne se casse ou s’ils ne sont pas ferrés car le terrain peut les fragiliser. Ça dépend aussi beaucoup de l’animal, son âge, la qualité du terrain. Les petits ânes, par exemple ont un petit sabot et une corne très dure, leur permettant de passer un peu partout donc il ne rentre presque rien à travers le pied, mais ils ne sont pas épargnés car s’ils mangent trop cela peut déclencher une fourbure, soit un trouble vasculaire dans le pied qui va favoriser la formation d’une fourmilière ou d’abcès. On peut ainsi retrouver des boiteries finalement postérieures à une autre pathologie. La fourbure concerne essentiellement les animaux qui ont besoin de très peu de nourriture, comme les ânes et les shetlands mais aussi le cheval de trait lors de la mise à l’herbe au printemps. En effet, étant déjà très souvent trop gras, ils y sont facilement sujets s’ils mangent une herbe trop riche. En cas de boiterie, le vétérinaire se servira pour effectuer son diagnostic du fait que certaines boiteries peuvent être augmentées sur un terrain dur et d’autres sur terrains profonds. Il utilisera aussi parfois des anesthésies loco régionales, afin de déterminer avec exactitude la localisation de la boiterie »

Comment réagir ?

V.S. : « Il faut être vigilant et ne pas laisser l’animal boiter sans savoir pourquoi. S’il y a suppression totale d’appui, il ne faut pas attendre, car il peut y avoir fracture. Si la boiterie est légère, on peut attendre un jour ou deux voir ce que ça donne. Ce n’est pas toujours facile de trouver un cabinet vétérinaire qui soigne des chevaux et soit disponible rapidement, c’est pourquoi nous proposons des formations avec le GDS pour donner aux éleveurs un maximum de connaissances pour savoir s’ils peuvent soigner eux-mêmes dans de bonnes conditions ou s’il faut faire venir un vétérinaire ou un maréchal-ferrant. On insiste aussi toujours sur les éléments préventifs importants face aux problèmes de boiteries : le parage ou le ferrage. »

Quelles conséquences engendrent des boiteries peu ou pas soignées ? 

V.S. : « Il y a beaucoup de choses qui se soignent bien si elles sont prises à temps. Dans le cas contraire, cela peut entraîner d’une simple gêne permanente à une vraie douleur. On peut se retrouver aussi avec des boiteries définitives et la rupture de tendons si on ne respecte pas l’aplomb. Si l’animal a vraiment mal, il peut aussi dépérir physiquement car la douleur entravera ses déplacements et il finira par ne plus aller se nourrir et s’abreuver correctement. Le cheval craint en plus énormément la douleur, ça le stresse beaucoup. »

Y a-t-il une attention particulière à apporter aux chevaux de trait ?

V.S. : « Grand et costaud, le cheval de trait se rapproche au niveau alimentaire des problèmes des petits poneys, très gourmands et vu qu’ils sont déjà un peu gras, ils peuvent faire facilement des fourbures. Il a besoin aussi d’être paré régulièrement car il est plutôt cagneux par nature - pieds rentrés vers l’intérieur - Le parage permettra de prévenir l’apparition d’affections articulaires, qui évoluent souvent en boiterie chronique. »

Propos recueillis par A.L.