VITICULTURE
Drone : des essais pour convaincre

David Duvernay
-

DRONE / Dans le Rhône et en Ardèche, des essais d’épandage par drone sont menés en 2020 et 2021. La pulvérisation par drone pourrait constituer une alternative aux traitements au sol dans les zones de forte pente.

Drone : des essais pour convaincre
Deuxième vol d’essai pour 2020 sur les parcelles en forte pente de Juliénas et du mont Brouilly réalisé par l’IFV – Sicarex Beaujolais.

Sur les hauteurs de la commune de Juliénas, en plein cœur des crus du Beaujolais, les rayons du soleil s’abattent progressivement sur les vignes de Vincent Audras. Dans le chemin, Loïc Saura de la société Drone Vision Pro basée à Montpellier, déploie les hélices de son drone de 2,2 m d’envergure sur une plateforme. À ses côtés, Pierre Martini, ingénieur œnologue à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) de Villefranche, et chargé de mission développement durable, rempli la cuve du drone d’un produit à base de soufre et de cuivre, sous les yeux de deux représentants de la Draaf, venus inspecter ces essais d’épandage par drone.

Après avoir défini son plan de vol, correspondant aux limites de la parcelle et effectué ses derniers réglages, Loïc Saura pilote à distance le drone muni de buses et qui, grâce au mouvement des hélices, applique le produit sur la vigne, avec peu de dérive. Équipé d’un radar, le drone survole la parcelle en travers de la pente à une hauteur de 3,5 m. Plus tard dans la matinée, sur le mont Brouilly, là où se situe la deuxième parcelle test en Beaujolais, les mêmes modalités ont été reconduites. Depuis 2019, ces expérimentations d’épandage par drone sont rendues possibles jusqu’à 2021 dans le cadre de la loi EGalim.

Des conditions d’application

Un arrêté du 26 août 2019 autorisant l'expérimentation, sous conditions, de traitements phytosanitaires par drone pour les vignes en fortes pentes, est ensuite paru au Journal officiel du 8 octobre 2019. Ainsi, la Chambre d’agriculture d’Ardèche a déposé une demande auprès des ministères de l’Agriculture et de l’Alimentation, et de la Transition écologique. Le nom du projet : Drone Viti. Suite à l’accord donné par arrêté préfectoral du 7 mai 2020, des essais sont donc menés sur la commune de Cornas, ainsi que dans le Beaujolais, l’IFV-Sicarex Beaujolais étant aussi partenaire du projet Drone Viti.

Pour ces essais, les conditions d’application sont clairement définies. « On réalise des expérimentations d’efficacité biologique, avec des produits autorisés en agriculture biologique, à base de cuivre et de soufre exclusivement. On utilise un drone homologué, dont le poids maximal est de 25 kg (produit inclus) et le pilote doit avoir son brevet. La pente doit être supérieure à 30 %. L’objectif est d’observer la qualité de pulvérisation d’un drone et de la comparer aux modalités vigneronnes traditionnelles, telles que le tracteur ou l’atomiseur à dos. Plus spécifiquement à Cornas, nous allons tester l’innocuité opérateur vis-à-vis des produits phytosanitaires et des risques au niveau des ports de charge », développe Pierre Martini.

Une fois les épandages effectués, les ingénieurs vont ensuite réaliser régulièrement des comptages de maladies (black-rot, mildiou, etc.) qui affectent la vigne sur les différentes modalités.

Projets Drone Viti et PulvéDrone

Ces essais seront reconduits en 2021. « Et contrairement à cette année, où nous avons été contraints de retarder nos vols d’essai, ce sera une année complète de traitement par drone », précise Pierre Martini. Ensuite, un rapport final devra être remis, au plus tard six mois après la réalisation de l’essai et avant le 30 octobre 2021. Et selon Pierre Martini, il faudra attendre 2022 pour connaître le verdict sur l’utilisation ou pas des drones de pulvérisation en protection des cultures.

Ces essais menés dans le cadre du projet Drone Viti ne sont pas les seuls. L’Alsace teste aussi l’épandage aérien par drone. Ces programmes viennent compléter des expérimentations déjà conduites depuis 2019 dans le cadre du projet PulvéDrone, mené au sein de l’UMT EcoTech. Ce dernier a pour objectif de fournir d’ici la fin de cette phase d’expérimentation, les références techniques nécessaires pour appuyer les décisions à venir. De premiers essais au champ avec pulvérisation de traceurs s’étaient déroulés au printemps-été 2019, sous différents stades de végétation, en Ardèche, en Alsace ainsi que dans le Rhône.

Selon l’Inrae, les premiers résultats confirment la régularité du traitement et la constance des paramètres de vol des drones utilisés, permettant ainsi d’avoir des performances similaires à celles d’un pulvérisateur à dos. De premiers points d’amélioration et points clés ont pu être identifiés sur les machines : importance d’un positionnement et d’une mesure précise de l’altitude, nécessité d’embarquer des pompes suffisamment puissantes pour permettre l’utilisation de buses antidérive notamment. « L’objectif sera de mettre en commun l’ensemble de ces résultats », conclut Pierre Martini.

David Duvernay

Retrouvez la vidéo sur : www.infoagri69.fr

À lire sur le même sujet :

Des chenillettes nouvelles génération à l’assaut des coteaux ardéchois

Des vendanges à l'heure du Covid-19 : prévention, consignes sanitaires, témoignages...

Opérations fermentaires : les questions qu’on n’ose pas poser…

Image1
Muni de buses, le drone applique le produit sur la vigne avec peu de dérive grâce au mouvement des hélices.
De la démonstration à l’investissement
Yvan Daubrée a suivi une formation et passé un examen pour pouvoir piloter ce drone homologué de 24 kg.

De la démonstration à l’investissement

CÔTES-DU-RHÔNE / Rencontre avec Yvan Daubrée, viticulteur au domaine Corps de Loup à Tupin-et-Semons, qui a investi dans un drone, à la suite d’une démonstration à Ampuis.

En 2019, l’entreprise Fatton, basée à Ampuis et spécialisée dans les matériels agricoles, et notamment viticoles, organisait une démonstration de drone sur les hauteurs des côtes-du-rhône septentrionaux. « On aime être à la recherche de nouveautés, l’objectif étant de permettre à nos clients de répondre à des problématiques auxquelles ils sont confrontés. Nous avons notamment des demandes pour des drones. Nous avons donc pris contact avec une société italienne spécialisée dans ce produit », indique Thierry Fatton, le responsable. Yvan Daubrée du domaine Corps de Loup à Tupin-et-Semons, en appellation côte-rôtie, avait participé à cette démonstration dans les vignes. Et le viticulteur du domaine familial a rapidement trouvé un intérêt pour ce produit encore peu présent. « On s’était dit qu’un drone pouvait nous permettre de gagner du temps dans nos travaux d’épandages, hors produits phytosanitaires, ceux-ci n’étant pas autorisés. Nous avons essentiellement des parcelles en pentes, supérieures à 30 %. Le terrain est friable. Ça glisse. Le traitement à l’atomiseur à dos est efficace pour la vigne mais on dépense trop d’énergie », rapporte-t-il.

Formation et permis

Convaincu par ses avantages, le domaine n’hésite pas à investir dans ce drone doté de huit hélices, d’un GPS RTK et pesant moins de 25 kg (14 kg pour le drone et 10 kg pour la cuve remplie). Il est également muni de six batteries, chacune d’une durée de douze minutes et rechargeables en une heure seulement. Mais avant de pouvoir utiliser son « nouveau jouet », Yvan Daubrée a suivi une formation afin d’être autorisé à pouvoir piloter un drone de cette envergure. « C’est une procédure assez lourde. Il faut apprendre le code de l’aviation civile. On passe ensuite un examen théorique avec une grille d’évaluation pour obtenir son permis d’utilisation de drone. Il est délivré par un télépilote agréé », résume le viticulteur. Coût total de l’opération : 25 000 euros environ. Une opération importante, mais qui permet au domaine Corps de Loup de faciliter ses travaux d’épandage là où les pentes sont les plus raides. « En une journée, on peut survoler l’ensemble de nos parcelles alors qu’on couvrait entre 1 et 2 ha à deux. Le travail de cartographie est important avant d’utiliser le drone. Il repère les obstacles mais il est préférable de prendre toutes ses précautions malgré tout. Comme l’exige la réglementation, il faut toujours être en contact visuel avec le drone. »

« Un intérêt grandissant »

Yvan Daubrée n’hésite pas à s’informer sur les évolutions réglementaires autour des drones. « Je me suis abonné à des newsletters car la législation évolue régulièrement. Je tiens aussi une traçabilité, utile en cas de contrôle. L’utilisation de drone a fortement augmenté ces dernières années, d’où une réglementation de plus en plus stricte », conclut Yvan Daubrée.

Thierry Fatton constate aussi un intérêt grandissant pour les drones. « Tout le monde en parle, mais peu d’opérateurs osent encore sauter le pas. Je pense qu’ils peuvent passer par un système de prestation afin de mesurer l’efficacité d’un tel outil. »

David Duvernay

La famille Daubrée au domaine Corps de Loup à Tupin-et-Semons a investi dans un drone doté de huit hélices.