La saison des pommes touche bientôt à sa fin en Ardèche. Cette année, la récolte est pénalisée par un faible tonnage, malgré des fruits de meilleurs calibres et colorations qu’en 2022. Le marché, quant à lui, manque de vitalité, particulièrement en bio.

Une récolte peu abondante
La Story est une variété qui résiste bien à la pression de la tavelure et est particulièrement adaptée à un climat chaud et sec, confie Christophe Guigue, arboriculteur à Saint-Just-d'Ardèche. Crédit photo AAA AL

Installé à Saint-Just-d’Ardèche, Christophe Guigue (Earl Le Bordelet) cultive 20 hectares de pommiers en agriculture biologique depuis 2014, ainsi que 20 ha de kiwi et 4,5 ha de grenades. Entamée début août, « la récolte est plutôt jolie qualitativement, il y a de beaux calibres et de belles colorations, mais c’est assez faible en tonnage », constate l’arboriculteur dont la production est vendue à des grossistes. « Le climat a été favorable cette année. Il a plu suffisamment au printemps pour que les arbres se développent, puis le temps relativement chaud du mois d’août a été bénéfique aux fruits. Le coup de chaleur de fin d’été n’a eu qu’un impact minime, le plus gros travail des arbres avait été fait à ce moment-là. » En 2022, les épisodes de sécheresse, précoces sur la saison et longs, avaient grandement impacté sa récolte. « Nous n'avions eu aucun calibre, aucune couleur, un faible tonnage, de mauvaises qualité et conservation des pommes, face à une bonne production à l’échelle européenne, des reports de stocks, l’inflation… La totale ! On ne pouvait pas faire pire. » Ses pommiers avaient beaucoup souffert malgré l’arrosage au goutte-à-goutte puis produit très peu de bois de renouvellement. En ce début d’automne, face à une météo encore estivale, il a remis en route son système d’irrigation pour aider au développement des dernières pommes à récolter.

De faibles tonnages

Dans les vergers de Silvain Laprat (Earl Lap’Fruits) à la Voulte-sur-Rhône, la récolte de pommes est globalement satisfaisante mais présente quelques écueils : « la qualité est plutôt bonne mais il y a peu de couleurs et peu de tonnage ». Sur 6 ha, il cultive une quinzaine de variétés de pomme en AB, sous filets, vendues en direct dans des magasins de producteur. Il estime récolter 50% de la production d’une année normale. « Cette année, il y a eu une très grosse floraison sur les pommiers et beaucoup de chutes de fleurs, peut-être dû à l’alternance, 2022 était une grosse année de production, puis il a fait très chaud cet été, le stress des arbres a dû favoriser un peu plus la chute des fruits malgré l’arrosage au micro-jet. L’amplitude thermique permet aussi la coloration des fruits, et nous n’en avons pas beaucoup cette année », explique l’arboriculteur, qui produit également des kiwis, pêches, cerises, prunes, grenades, raisins de table et noix sur une vingtaine d’hectares.  

Certaines variétés s’adaptent difficilement à la conduite en bio, même sous filet et avec irrigation, constate Christophe Guigue. « La Story est la plus demandée et se comporte très bien : la Story résiste bien à la pression de la tavelure, elle est aussi particulièrement adaptée à un climat chaud et sec. En revanche la Granny et la Jeromine, une rouge américaine, sont les plus exigeantes et difficiles, même à la vente. » Dernière arrivée dans ses vergers, l’Inobi : une variété bicolore bien adaptée en bio et résistante à la tavelure, constate-t-il.

« Le bio est devenu un frein pour la vente »

Le marché de la pomme en conventionnel se maintient, retrouvant un niveau satisfaisant ces dernières années, mais « c’est beaucoup plus compliqué en bio », ajoute Christophe Guigue, entraînant des stockages importants. « Nous sommes au niveau des prix du conventionnel alors que les coûts de production et les rendements ne sont pas les mêmes. » Ses pommes bio se vendent en moyenne 50 centimes le kg depuis le début de la saison, contre 90 centimes à 1 € le kg en 2021. « L'année dernière les cours étaient tombés très bas, aux alentours de 30 centimes. »

Même problématique pour Silvain Laprat, qui arrive à valoriser sa production grâce à la vente directe via les magasins de producteurs. « Le consommateur est aussi moins regardant sur la couleur et les défauts des fruits en vente directe. On arrive même à valoriser des secondes catégories. Tout cela nous permet de compenser le faible tonnage », explique-t-il. « Mais globalement le bio est devenu un frein pour la vente. Quand les consommateurs aperçoivent le sigle AB, ils vont chercher automatiquement un autre produit car ils se disent que ce sera trop cher », observe-t-il. « Après en vente directe, nous établissons nos prix sur l’année, sans suivre les cours.

Des filets « indispensables »

Sur le volet sanitaire, les filets sont « indispensables en bio », constatent de nombreux producteurs. « Face à la pression de la tavelure et de l’oïdium, nous nous en sortons bien cette année car il fait sec ici », observe Christophe Guigue. Une faible pression de maladies fongiques également observée chez Silvain Laprat à La Voulte : « Avec la canicule et l’arrosage, nous n’avons pas de maladies cette année, seulement un peu de forficule qui vient des pêchers et abricotiers, mais c’est un bon auxiliaire sur les pommiers car elle mange les pucerons. »

Ces dernières semaines, des attaques de mouches méditerranéennes des fruits, un ravageur de cultures fruitières essentiellement présent dans le sud de la France, ont été relevées en sud Ardèche. « C’est fréquent quand il fait chaud en arrière-saison comme en ce moment, mais nous n’avons pas eu de dégâts sur les pommes, grâce aux filets là aussi », confie Christophe Guigue.

A.L.

Vergers sous filets
Un verger de pommes, protégé par filets. Crédit photo AAA AL
« Un problème récurrent »
L’Asa du lac de Vert gère un barrage de 380 000 m3, rempli à un tiers de sa capacité au printemps. Crédit photo AAA Archives
NORD ARDÈCHE

« Un problème récurrent »

À Vernosc-lès-Annonay et Talencieux, les arboriculteurs et irrigants de l’Asa du lac de Vert ont dû jongler avec les aléas climatiques et une ressource en eau limitée.

Au nord du département, Franck Stinmestre (Earl Minières), installé en bio à Talencieux et récemment associé avec Alexandre Forel, récolte quant à lui ses premières pommes depuis une quinzaine de jours, vendues en direct. Des fruits « plutôt jolis » mais un faible tonnage. « Heureusement, nous avons de bons débouchés avec la vente directe. »

Ses variétés Pinova et Dalinette ont été particulièrement touchées par une forte attaque de pucerons au printemps : « Les fleurs n’ont fait que de petites pommes qui sont restées accrochées à l’arbre et ne se sont pas développées. Nous avions fait des traitements de prévention, mais sûrement insuffisants et trop tardivement. Nous avons aussi mis en place des haies, des zones d’enherbement sans tonte, mais les auxiliaires n’ont pas été assez nombreux pour gérer une attaque forte et tôt dans la saison. »

Ses vergers de pommes ont été touchés également par la grêle à deux reprises, en juin et en août. « Les arbres ont eu du mal à repartir, ils ont de plus en plus de mal à s’adapter », confie Franck Stinmestre.

800 m3/ha

Autre problématique rencontrée pour cet irriguant de l’Asa1 du lac de Vert, qui gère un barrage de 380 000 m3 : le manque d’eau, qui a perturbé la pousse des arbres et le calibre des fruits. « Le lac de Vert était rempli à un tiers de sa capacité au printemps. Habituellement, nous pouvons utiliser 2 200 m3/ ha. Là, nous avons dû nous débrouiller avec 800 m3/ha dès le début de la saison », explique Franck Stinmestre, qui a piloté manuellement et de façon ponctuelle son système d’irrigation par micro-jet.

« C’est un problème récurrent ces dernières années, le régime des pluies ne nous permet plus de remplir le lac », ajoute-t-il. « Il a été proposé à notre Asa d’en rejoindre une autre liée au Rhône afin de nous garantir de l’eau durant les périodes difficiles, mais cela demande des investissements coûteux pour relier les réseaux. Notre Asa ne pourra pas supporter le prix exorbitant de ce type d’investissements. Nous avons déjà beaucoup investi pour remettre aux normes notre réseau, adapter les pompes, faire du paragrêle, de l’antigel… Nous avons besoin des pouvoirs publics pour soutenir l’arboriculture sur notre secteur. Il y a des choses que nous ne pouvons plus assumer. »

A.L.

1. Association syndicale autorisée.